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Ali Benaouri : l’Algérie, les BRICS et la France

Ali Benaouri : l’Algérie, les BRICS et la France

L’ancien Ministre du Trésor de l’Algérie, Ali Benaouri se trouvait pendant trois jours au Forum Académique des BRICS, qu’International Reporters a suivi pour vous à Moscou. Dans de longs entretiens, Monsieur Benaouri nous a décrit la situation en Algérie, les enjeux pour le peuple algérien de l’adhésion au groupe des BRICS, et soumis ses idées sur l’avenir de cette organisation, ses enjeux et son importance dans la construction d’un monde multipolaire. L’Algérie s’était vue refuser l’entrée dans le groupe récemment, une grande déception, qui a provoqué de profondes réflexions et des commentaires avisés d’Ali Benaouri.

Le groupe des BRICS ne doit pas être construit à l’image d’autres institutions internationales. C’est par cette réflexion que Monsieur Benaouri s’est exprimé et a réagi à ce coup d’arrêt à la candidature algérienne. Selon lui, la Russie qui est à l’initiative des BRICS, doit comprendre qu’elle ferait fausse route en ne cherchant pas à étendre rapidement l’organisation. « Les BRICS doivent intégrer rapidement de nombreux membres, et les règles doivent être assouplies pour être adaptées aux enjeux futurs et actuels de notre monde. Il serait préférable d’ouvrir les portes à tous les pays qui cherchent, notamment dans le Sud Global, à trouver des chemins alternatifs, à coopérer ensembles, pour dans l’idéal pouvoir en finir avec le monde unipolaire américain et occidental. C’est l’un des enjeux, au-delà de tous les aspects économiques, de société, de coopérations diverses, dans de nombreux domaines tels que l’économie, les technologies, le tourisme, l’écologie, le climat et bien d’autres encore. Il serait préférable de fonder une charte, un document d’adhésion qui permettrait d’intégrer d’autres pays. Cette charte pourrait permettre d’aller plus vite, car à ce rythme, 4 ou 5 pays par an, le groupe des BRICS mettra un demi-siècle pour atteindre son apogée et atteindre des objectifs concrets. C’est maintenant que cela doit être fait, car le système hégémonique américain est malade et affaibli, il faut lui porter l’estocade. Je ne dis pas par ailleurs que tous les pays pourraient être intégrés, un article devrait imposer dans cette charte l’interdiction pour un membre d’appartenir à une organisation militaire telle que l’OTAN par exemple. Un autre danger est l’intégration de pays qui seraient en quelque sorte un Cheval de Troie. Je pense aux Émirats Arabes Unis, et à d’autres pays qui pourraient dans le système collégial des BRICS saboter l’effort commun ».

L’Algérie, un pays leader en Afrique, mais qui doit encore se débattre avec le système colonial. Comme nous l’indiquait Monsieur Benaouri, l’Algérie est aujourd’hui un pays qui pèse en Afrique, ayant des liens très forts avec l’Afrique du Sud, et de nombreux atouts : une population jeune, éduquée, une élite, de nombreuses ressources et également un pays stratégique au niveau de la Méditerranée. Ces atouts Ali Benaouri voudrait les voir se développer, notamment avec les BRICS. « Le peuple algérien n’avait pas conscience de l’importance des BRICS, mais avec la situation internationale, cette vision des choses a changé. L’Algérie est impactée par un héritage colonial qui continue de créer des problèmes. Des voies ont été explorées, dans le passé avec des partenariats avec l’URSS ou la Chine, mais aujourd’hui c’est le moment de changer les choses en profondeur. Nous avons pris du retard en Algérie, mais nous avons je l’ai dis de nombreux points forts, des possibilités, des ressources et un potentiel humain, mais nous devons nous élever et participer à ce que sera le monde de demain». Selon lui l’Algérie doit donc se réformer, elle doit prendre l’initiative et se placer dans une meilleure position : « Le travail et le chemin à parcourir sont encore longs, c’est une certitude, mais l’Algérie ne devrait pas prendre plus de retard et se tourner résolument vers l’avenir, un futur qui passera, entre autre, par les BRICS, et par le renforcement des coopérations existantes. Nous devons être prêts pour intégrer pleinement le monde multipolaire qui s’annonce et qui dès à présent change la donne dans de nombreux domaines. Nous devons prendre ce virage historique et je l’espère éviter les écueils qui seront nombreux ».

La France n’a toujours pas eu le courage de regarder en face son passé colonial. C’est une partie de ce que nous avons abordé avec Monsieur Benaouri, le problème franco-algérien restant tout de même prégnant malgré les décennies passées, des améliorations mais aussi des reculades. « Il y a la France des idéaux républicains, celle des Droits de l’Homme, et chaque citoyen du monde peut se sentir quelque part Français, comme une seconde patrie. C’est cette France courageuse que nous aimons, celle du général De Gaulle, celle du Président Chirac et du discours de l’ONU où la France refusa d’accepter de suivre les USA en Irak. Nous aimons cette France, son immense héritage culturel, sa grandeur historique. Mais il y a cette France du colonialisme, du néocolonialisme, qui refuse de reconnaître ce qui fut fait en Algérie. Nous ne demandons rien sauf de sincères excuses, des paroles apaisantes qui en terminerait avec cet esprit de la Guerre d’Algérie, que nous appelons Guerre d’Indépendance. La situation des Algériens était catastrophique à l’orée de la Seconde Guerre mondiale. Des sous citoyens, loin de l’Égalité des chances tant vantée par la suite, ou même proclamée dans sa devise républicaine. Les gens n’étaient pas les égaux des citoyens français, ils étaient pauvres, analphabètes, la situation sanitaire était mauvaise pour « les populations indigènes ». Nous n’étions bons que pour nous battre pour la France, et nous nous sommes battus bravement, dans les tranchées de 14-18, sur les pentes du Belvédère et du Monte Cassino, ces faits connus. La France a manqué une occasion unique de fonder une nouvelle civilisation, élargie, et qui aurait compris tous les habitants de l’espace qu’elle occupait. Mais ceci est dans le passé, et ne sera plus, l’occasion a été perdue à jamais. Il y a des forces politiques, des lobbyings en France qui en sont les responsables et qui ont mené également le pays où il se trouve. Je le déplore. Mais je n’admets toujours pas que la France, je parle ici du gouvernement, n’est pas fait le pas de la réconciliation réelle et sincère. Et elle ne peut passer que par une France qui regarde en face ses crimes, ses erreurs. La France restera un partenaire, un parmi d’autres, mais elle aurait pu être bien plus. L’Algérie doit de toute façon avancer et être tournée vers son avenir, vers les BRICS, vers l’Afrique, vers l’Asie, vers la Russie ! »

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