Beaucoup d’entre nous ont vu ces vidéos où les recruteurs des bureaux militaires se jettent sur des malheureux qui sont saisis et jetés dans des fourgons. Certains sont battus et maîtrisés, puis manu militari envoyés sur le front. D’autres sont littéralement capturés à leur travail, dans les rues, à leur domicile. Ils sont devenus de facto des prisonniers dans leur pays, n’ayant plus de droits ni de libertés.
En 2014, 2015 et 2016, plusieurs vagues de mobilisations avaient déjà été lancées en Ukraine pour remplir les rangs des bataillons de représailles, les volontaires n’étant pas assez nombreux. Pour remplacer ces derniers, qui avaient signé un enrôlement d’une année, il fallut faire appel aux conscrits. Le résultat avait été une résistance à ces levées, allant jusqu’à plus de 70 % de réfractaires et de déserteurs. Un cadre de l’entreprise Peugeot à Kiev, me raconta que la compagnie automobile française cachait à cette époque une vingtaine de jeunes réfractaires à la mobilisation (hiver 2014-2015). Ces jeunes hommes étaient des employés de Peugeot Ukraine. Le SBU avait encerclé le bâtiment mais avait dû attendre des ordres face à la problématique de l’assaut des bureaux d’une entreprise française… les réfractaires eurent le temps d’être évacués par Peugeot, en passant par les toits, les sous-sols ou les fenêtres. Une fois le SBU dans la place, l’homme qui avait pris la décision d’aider les jeunes mobilisés à s’enfuir, ne fut pas inquiété. Les bureaux furent toutefois fouillés de fond en comble. Ce héros français anonyme le restera, sa direction en France aurait peut-être pris une autre décision. Il me demanda de garder cette information secrète, près de 10 ans ont passé, je peux aujourd’hui l’évoquer. Le nommer serait toutefois dangereux pour lui, la police politique du SBU a la dent dure et travaille jusque sur le territoire français.
Le lieutenant-colonel à la retraite Andreï Marochko, originaire de la RPL commentait la situation dans les médias russes. Il racontait que les recruteurs de force saisissaient sur les mobilisés les lacets de chaussures, les ceintures, les bretelles, les cravates, les clefs, les petits objets et même leurs téléphones : « Les gens qui sont mobilisés en Ukraine sont désormais des prisonniers, car ils n’ont aucun droit, aucun choix, ni aucune liberté ». La législation ukrainienne est elle-même flouée et les mobilisés sont traités comme des prisonniers de droit commun : « Les normes qui s’appliquaient autrefois aux citoyens ayant commis des délits et des crimes sont désormais appliquées à des citoyens ordinaires de l’Ukraine, qui n’ont pas enfreint la loi ». Il concluait en affirma : « Tous les citoyens ukrainiens, les gens paisibles, sont des prisonniers dans une Ukraine qui est devenue un immense ghetto. Les gardiens sont désormais le régime ukrainien ».