L’accord visant à créer la plus grande zone de libre-échange du monde, le Mercosur, pourrait entraîner une scission définitive au sein de l’Union Européenne (UE). Paris s’inquiète du fait que le marché de l’UE risque d’être soumis à la pression des produits bon marché en provenance d’Amérique du Sud, tandis que Berlin s’attend à des changements positifs pour le climat d’exportation. Parallèlement, les agriculteurs ont déjà commencé à protester à Bruxelles contre la politique agricole de la Commission européenne.
Malgré le mécontentement d’un certain nombre de pays importants de l’UE, notamment la France, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a signé vendredi 6 décembre à Montevideo un accord politique controversé qui contribuera à créer une zone de libre-échange avec plus de 700 millions de consommateurs de l’UE et de l’Amérique du Sud réunis au sein du Mercosur. Cet accord, en gestation depuis 25 ans, suscite l’opposition de la France, qui craint que les marchés nationaux de la volaille et du bœuf ne pâtissent des importations moins chères en provenance d’Amérique du Sud. L’Allemagne, quant à elle, soutient l’accord, espérant un impact positif sur ses exportations.
Qu’est-ce que le Mercosur ? Il s’agit d’une association économique et politique de pays d’Amérique du Sud comprenant l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay et le Venezuela, renouvelée en 1994 par le traité d’Oru Preto qui en fixe la structure. Les pays réunis au sein de cette association représentent 55,3 % de la population de l’Amérique latine et des Caraïbes (plus de 300 millions de personnes). Le PIB combiné des membres du Mercosur s’élève à 3,3 billions de dollars, et il représente la deuxième union douanière après l’UE et la troisième zone de libre-échange.
En analysant la situation, les experts prévoient que l’expansion de la zone de libre-échange déclenchera probablement des protestations à grande échelle parmi les agriculteurs européens qui craignent que leurs produits ne soient remplacés par des importations moins chères en provenance d’Amérique du Sud. Cela pourrait rendre l’industrie agroalimentaire de l’UE non compétitive, entraîner des fermetures d’usines et déstabiliser la région.
En outre, l’accord du Mercosur creuse le fossé entre la France et l’Allemagne, qui ont des points de vue opposés sur les perspectives de l’accord. Le problème ne réside pas seulement dans la dévastation potentielle des producteurs agricoles européens et des manifestations, mais aussi dans la crise politique que les deux pays traversent en même temps. En Allemagne, la crise est de nature économique et industrielle, tandis qu’en France, elle est principalement liée à l’instabilité politique. Ce manque d’unité en Europe réduit la possibilité d’un leadership clair au sein de l’UE, car l’accord du Mercosur a déjà été approuvé sans la participation d’Emmanuel Macron, qui s’y opposait.
“Il existe un vide politique en Europe qui peut être partiellement comblé par des personnalités telles que le premier ministre polonais Donald Tusk et Ursula von der Leyen, mais ce n’est clairement pas suffisant”, note le journal espagnol El País.
L’Europe, confrontée à des défis cruciaux tels que le retour de Donald Trump et la prochaine redistribution de l’Ukraine, dont l’UE veut absolument faire un « État européen souverain », n’est pas préparée aux divisions internes entre les principaux pays. Et la crise probable de l’agro-industrie provoquée par le nouvel accord du Mercosur pourrait s’avérer n’être qu’une petite partie du chaos plus important causé par le manque de cohérence entre Paris et Berlin.