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Empoisonnement de Navalny au Novitchok – Monsieur 2 % défie les lois de la chimie

Empoisonnement de Navalny au Novitchok – Monsieur 2 % défie les lois de la chimie
Photo modifiée. Originale : Mitya Aleshkovsky - Licence CC 2.0

Douze jours après son arrivée en Allemagne, Berlin a finalement annoncé mercredi qu’Alexeï Navalny aurait été empoisonné avec le fameux poison neurotoxique Novitchok, déjà évoqué dans l’affaire Skripal. Sauf que comme dans l’affaire de Salisbury, l’histoire officielle concernant ce qui est arrivé à « monsieur 2 % » défie les lois de la chimie, de la biochimie, et de la logique.

Je ne reviendrai pas sur l’appellation absurde de « principal opposant à Vladimir Poutine » que toute la presse occidentale colle à Navalny en dépit du bon sens. Il suffit de voir son taux de soutien ridicule au sein de la population russe (2 % selon le dernier sondage Levada) et voir que Jirinovksi est loin devant lui, pour se rendre compte que ce cher Alexeï ne représente en rien une menace pour le Président russe.

Une fois cette évidence qui, semble-t-il, devait être énoncée vu le nombre de personnes qui continuent de gober cette ânerie, est dite, passons maintenant au dernier délire en date concernant « Monsieur 2 % ».

Navalny et FBK dans la tourmente financière après avoir perdu un procès en diffamation

Alexeï Navalny a beau être adulé à l’ouest, en réalité ce monsieur est un escroc, condamné plusieurs fois en Russie (entre autre dans l’affaire Yves Rocher). De plus en 2019, une cour l’a reconnu coupable avec Lioubov Sobol et l’organisation qu’il a montée, FBK (Fond de Lutte contre la Corruption) de diffamation contre une société assurant l’approvisionnement des cantines scolaires à Moscou (Moskovski Chkolnik). La société ayant perdu son contrat à cause de ces diffamations, la cour a condamné Navalny, Sobol et FBK à payer 88 millions de roubles de dommages et intérêts à la société Moskovski Chkolnik.

Pour ne pas avoir à payer, Navalny et Sobol ont décidé de liquider FBK, tout en prévoyant de recréer la structure sous un autre nom. Mais la dette liée aux dommages et intérêts a été rachetée par Evgueni Prigojine, un oligarque russe, qui a déclaré être prêt à mettre Navalny (dans le cas où il survivrait) et Sobol « à poil » afin qu’ils remboursent ce qu’ils doivent. En réponse à une question posée par Strany Sovetov online, Prigojine a même fait une blague assez olé-olé en disant que certains suggéraient de prendre Sobol comme esclave sexuelle pour payer ses dettes.

« J’espère vraiment que Navalny restera en vie. Sinon, il n’y aura personne sur qui « couper une livre de chair ». Nous passerons un accord avec Lioubov Sobol, bien que certains suggèrent de la prendre en esclavage sexuel 🙂. Quant à FBK, bien sûr, je prendrai toutes les mesures légales au cours desquelles le monde verra comment Navalny et ses partisans ont obtenu leurs informations, comment ils les ont déformées et falsifiées. Et aussi qui était le client de ses pseudo-enquêtes, y compris ses maîtres occidentaux. Je peux dire séparément que le service de presse de Konkord a récemment reçu de nombreuses informations sur les activités illégales de FBK » a déclaré Prigojine.

Et puisque Navalny est toujours dans le coma, Prigojine a déjà lancé la collecte de 34 millions de roubles de dettes auprès de Sobol, ponctionnés sur ses comptes en banque. La jeune femme s’en est d’ailleurs plainte sur Twitter en affichant une copie d’écran de l’état de son compte en banque qui affiche désormais un -34 019 871 roubles. On peut dire que Prigojine n’a pas perdu une seconde pour récupérer son bien.

Quand on a cela en tête, ce qui est arrivé à Navalny fin août prend une toute autre tournure. Au vu de ses dettes et des multiples enquêtes lancées sur les schémas financiers douteux de FBK, il vaut mieux pour Navalny disparaître de la scène ou au moins de Russie.

L’empoisonnement de Navalny au « Novitchok » qui tombe à pic

En effet, comme l’a souligné Prigojine, les autorités russes n’ont aucun intérêt à se débarrasser de Navalny qui ne représente pas une menace pour Poutine, et est un piètre opposant qui a plus fait pour discréditer l’opposition que n’importe qui d’autre, Kremlin compris.

«Le pouvoir [russe] a besoin d’une opposition comme Navalny. C’est un homme possédé, mentalement instable, qui ne pouvait être d’accord avec personne. La mort de Navalny n’est profitable ni aux autorités ni à ses ennemis politiques. C’est une personne qui a perdu son autorité même avec ses collègues. La mort ou la blessure de Navalny ne profite qu’à ses compagnons d’armes et à ses maîtres, qui comprennent qu’il ne sera plus utile », a déclaré Prigojine.

C’est dans ce contexte, que le 20 août 2020, Navalny et sa secrétaire Kira Iarmych rentrent à Moscou depuis la ville de Tomsk en avion, après une visite de plusieurs jours à Novossibirsk et Tomsk en support à des candidats locaux pur les élections à venir.

Alors qu’il attend son avion à l’aéroport, 40 à 60 minutes avant le décollage, Navalny prend un thé, qui lui est apporté par sa secrétaire comme on le voit sur cette vidéo de surveillance de l’aéroport :

Puis à 8 h 01 son avion décolle. Navalny se sent alors mal, va aux toilettes vers 8 h 30 et à 8 h 50 le personnel de bord le trouve inconscient. Le commandant de bord décide alors de faire un atterrissage d’urgence à Omsk. De manière assez « étrange », 5 minutes après la demande d’atterrissage d’urgence à Omsk, une fausse alerte à la bombe a lieu dans l’aéroport où l’avion transportant Navalny doit atterrir.

Navalny est alors emmené à l’hôpital dans un état grave, et il tombe dans le coma. La thèse de l’empoisonnement est immédiatement lancée par sa secrétaire, qui dit qu’il n’a rien mangé ce jour-là, et qu’il n’a bu que ce thé à l’aéroport.

Très vite la famille et les partisans de Navalny exigent qu’il soit envoyé en Allemagne, disant n’avoir aucune confiance dans les médecins d’Omsk (montrant par là un manque total de respect envers ceux qui ont tout fait pour le sauver, et qui l’ont fait en étant harcelés toutes les 5 minutes pour avoir un diagnostic).

Le 22 août 2020, Navalny est finalement transporté par avion en Allemagne. Et là silence total des médecins allemands pendant deux jours, puis vient la déclaration selon laquelle Navalny aurait été empoisonné avec un inhibiteur de cholinestérase. Sauf que c’est vague. Des inhibiteurs de cholinestérases on en trouve dans des médicaments contre Alzheimer, dans des pilules pour booster le fonctionnement de son cerveau, dans le traitement du glaucome, dans celui de la myasthénie, dans des insecticides, des armes chimiques (dont le sarin, le VX et le fameux Novitchok)

Problème, les médecins d’Omsk demandent alors à leurs collègues allemands des preuves de l’empoisonnement de Navalny, car eux ont trouvé de l’alcool et de la caféine dans ses urines, mais aucun poison. La tentative pathétique d’Anastasia Vassilieva de faire croire que Navalny ne boit pas du tout d’alcool pour discréditer les médecins d’Omsk s’est soldée par un échec cuisant, puisqu’il a été découvert qu’il a bien bu de l’alcool jusqu’à deux heures du matin dans le village de Kaftantchiki dans la région de Tomsk, et qu’à son arrivée à l’hôpital, il avait bien de l’alcool dans son corps.

De plus en octobre 2019, dans des conversations de la fille de Navalny publiées par RIA FAN, celle-ci raconte que son père prend de la drogue, confirmant ainsi des soupçons de certains sur le fait que Navalny serait cocaïnomane.

Donc essayer de faire croire comme Vassilieva que Navalny est un parangon de vertu qui ne boit que de l’eau et du thé n’est ni plus ni moins que se moquer du monde.

Pendant ce temps-là l’entourage de Navalny se fait remarquer par son silence face à l’absence initiale de diagnostic clair de la part des médecins allemands. Là où les médecins russes se faisaient traiter de tous les noms s’ils ne faisaient pas une déclaration officielle toutes les 5 minutes, en Allemagne par contre ce n’est plus la même musique.

Le 28 août, l’hôpital de la Charité où Navalny a été admis annonce que ce dernier est toujours plongé dans un coma artificiel et relié à un respirateur, mais que sa vie n’est plus en danger. L’hôpital demande l’aide de la Bundeswehr et du laboratoire de Porton Down (vous savez celui situé pas loin de là où a eu lieu l’incident avec les Skripal).

Et là quelle « surprise », le 2 septembre le gouvernement allemand annonce que le laboratoire de la Bunderswehr a trouvé des traces de Novitchok dans le corps de Navalny. Le même poison que dans le cas Skripal. Comme c’est bizarre.

D’autant plus bizarre que les médecins russes avaient gardé des échantillons de fluides corporels (sang, urine) de Navalny avant de le laisser partir en Allemagne, histoire de garder des preuves au cas où. Et un institut russe doté d’un spectromètre de masse américain doté d’une base de donnée de 240 000 références de substances a analysé ces fluides et n’a strictement rien trouvé. Les différents laboratoires qui ont analysé les fluides corporels de Navalny sont tous unanimes sur l’absence de poison.

Le Novitchok, le poison militaire ultra-mortel qui ne tue pas grand-monde

Dans ce dossier niveau incohérences on est servis comme l’a très bien souligné Karine Béchet Golovko dans son article sur cette affaire. Tout d’abord, si les autorités russes avaient réellement voulu empoisonner Navalny, pourquoi le remettre à l’Allemagne pour y être soigné, au risque que le poison utilisé soit trouvé. Ça n’a pas de sens.

Et puis surtout si c’était bien du Novitchok qui avait été utilisé, Navalny devrait être mort. Je ne reviendrais pas sur les incohérences du dossier Skripal qui sont tellement nombreuses qu’il faudrait écrire une encyclopédie pour les couvrir toutes, je vous renvoie à l’article sur le scénario alternatif que j’avais traduit l’an passé sur ce sujet.

Regardons un peu de plus près ce qu’est le Novitchok. En réalité plusieurs substances, sept au total, se cachent sous ce nom désignant des armes chimiques développées par l’URSS. D’après ses concepteurs ces armes chimiques seraient encore plus mortelles que le VX (qui a été découvert à Porton Down, non, non ce n’est pas une blague).

Le VX est un agent neurotoxique provoquant un blocage neuromusculaire, la paralysie de tous les muscles y compris le diaphragme et la mort par asphyxie. Ce truc est tellement dangereux qu’il est classé comme arme de destruction massive par l’ONU et qu’il a été interdit par la convention sur les armes chimiques de 1993. Son action est tellement rapide qu’il est très difficile de sauver la personne touchée. La dose mortelle se compte en milligrammes (10 mg suffisent à tuer la moitié des adultes de 70 kg qui reçoivent une telle dose de ce poison).

Maintenant regardons le Novitchok. Là où 10 mg suffisent pour tuer la moitié des cobayes, il suffit d’1 à 5 mg (selon la molécule du groupe de sept qui sont regroupées sous l’appellation Novitchok) pour parvenir au même résultat ! En clair le Novitchok est 2 à 10 fois plus mortel que le VX ! Et comme le VX, le Novitchok agit très vite, en quelques minutes maximum, comme l’a rappelé un de ses créateurs. Son mode d’action est semblable d’ailleurs au VX et provoque la mort par contraction de tous les muscles du corps entraînant l’asphyxie.

En clair, si Navalny avait réellement été empoisonné au Novitchok dans le thé qu’il a bu il aurait dû succomber dans l’aéroport de Tomsk ! Il n’aurait même pas pu monter dans l’avion 40 à 60 minutes après !

Et pas que lui. Comme l’a indiqué l’un des créateurs des composés appelés Novitchok, et comme l’indique la table n°2 de cet article scientifique, les molécules du groupe Novitchok ont un point d’ébullition relativement bas (74 °C au maximum pour les molécules étudiées). Pour ceux qui ont séché les cours de physique-chimie il s’agit de la température à laquelle une molécule ou un élément se transforme en gaz !

Et à quelle température chauffe-t-on l’eau pour faire du thé ? Pour ceux qui l’auraient oublié là aussi, l’eau bout à plus ou moins 100 °C selon l’altitude de l’endroit. En clair, le thé de Navalny était bien au-delà du point d’ébullition du Novitchok qui aurait donc dû se transformer en gaz (qu’il soit dans le thé ou sur la tasse en carton).

Or une fois transformé en gaz, il aurait tué tous ceux qui se trouvaient à proximité de Navalny, comme ce monsieur visible sur la table d’à côté, ainsi que sa secrétaire qui est allée lui chercher son thé, etc !

Navalny - Novitchok
Photo issue des réseaux sociaux

Et si comme certains le sous-entendent le produit était sur la tasse, la personne qui a pris le gobelet précédent ou suivant dans la pile de gobelets en cartons aurait dû mourir elle aussi, sans parler des serveurs du café. Or tous ces gens vont bien, de même que les passagers de l’avion, le personnel naviguant ou les médecins qui l’ont pris en charge à Omsk sans protection spéciale !

Comme l’a rappelé l’un de ses créateurs, comme le VX, le Novitchok est une arme de destruction massive faite pour tuer un grand nombre de personnes en une fois. Ce n’est absolument pas une arme adaptée pour un assassinat ciblé. Il y a bien d’autres molécules bien plus discrètes et adaptées pour ce genre d’objectifs.

De plus les symptômes de Navalny ne correspondent pas du tout à ceux du Novitchok, qui sont proches de ceux du VX.

Si ce n’est pas dans son thé, alors il faudrait que le poison soit ailleurs en contact avec sa peau. Et là certains médias avec l’aide d’un des créateurs du Novitchok, sont partis dans un délire total, allant jusqu’à dire que les sous-vêtements de Navalny auraient pu être imprégnés de Novitchok.

Or normalement les sous-vêtements d’un homme marié ne sont manipulés que par deux personnes : l’homme en question et sa femme. Donc soit Navalny a fait des incartades avec une autre pendant son voyage en Sibérie, soit il faudra qu’on m’explique comment le « tueur » a pu appliquer le poison sur son caleçon…

Et les incohérences ne s’arrêtent pas là. Comme l’a souligné Alexandre Rogers, vu que le Novitchok n’a pas réussi à tuer les Skripal, si on partait dans l’hypothèse que c’est le Kremlin qui est derrière la tentative d’assassinat dans les deux cas, pourquoi ne pas avoir changé d’arme au vu de l’inefficacité manifeste la première fois ? Pourquoi ne pas avoir utilisé quelque chose de plus efficace et discret ?

En plus les stocks d’armes chimiques de la Russie ont été totalement détruits (la destruction s’est terminée en 2017) sous contrôle de l’OIAC ! Donc d’où sortirait ce Novitchok pourri qui ne tue pas sa cible ? À croire comme ironisent certains que les services secrets russes ont mis la main sur la dernière fiole périmée datant de l’URSS et qu’ils n’ont rien d’autre sous la main.

Plus sérieusement si c’était le Kremlin qui voulait se débarrasser de Navalny, les poisons discrets, ciblés et peu chers ne manquent pas (non je ne fournirai pas la liste, pas la peine de donner des idées à certains), il est ridicule d’imaginer les autorités russes recourir à un poison aussi peu discret (surtout après l’affaire Skripal), et semble-t-il aussi peu efficace vu le faible pourcentage de morts sur le terrain.

L’autre point étrange c’est que malgré les multiples demandes de la part des médecins, du procureur général et des autorités russes, les médecins et autorités allemandes refusent de transmettre leurs éléments à la Russie, tout en exigeant une enquête transparente de la part de cette dernière. Ce qui s’appelle du double standard et une volonté évidente de cacher quelque chose.

Et pendant que la valse des hypothèses sur le bon diagnostic continue (certains avançant une potentielle pancréatite qui expliquerait plusieurs des symptômes et qui est compatible avec sa consommation d’alcool et de drogues), certains en Occident appellent bien sûr à appliquer de nouvelles sanctions à la Russie, et même appellent Merkel à stopper le projet Nord Stream 2. Tiens, tiens…

Comme on dit souvent cherchez à qui bénéficie le crime. Cet incident est idéal pour tenter une nouvelle fois de bloquer le projet Nord Stream 2 et justifier de nouvelles sanctions contre la Russie. Et quoi de mieux comme victime sacrificielle qu’un opposant politique qui tient plus désormais du boulet pour ses patrons occidentaux (car complètement grillé en Russie) que de la véritable menace pour les autorités russes ?

Entre temps, Loukachenko, le Président biélorusse a annoncé que ses services secrets avaient intercepté une conversation entre l’Allemagne et la Pologne sur la falsification que constitue l’empoisonnement de Navalny au Novitchok. Il a promis au Premier-ministre russe de transmettre l’enregistrement à la Russie rapidement. Si ce qu’il dit est vrai et que la Russie publie cet enregistrement cela promet un rebondissement intéressant dans cet affaire. Affaire à suivre donc…

Christelle Néant

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