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Une vidéo sur l’organisation de provocations lors des élections russes mentionne une ancienne collaboratrice de Navalny

Une vidéo sur l’organisation de provocations lors des élections russes mentionne une ancienne collaboratrice de Navalny

Bien que l’organisation d’Alexeï Navalny a été dissoute après avoir été reconnue comme organisation extrémiste, une de ses anciennes collaboratrices se retrouve mentionnée dans une vidéo montrant comment des activistes semblent vouloir déstabiliser la situation en Russie, et plus particulièrement organiser des provocations lors des élections législatives russes qui auront lieu dans quelques jours, afin que ces dernières soient déclarées illégitimes.

Une vidéo montrant des activistes (dont une volontaire indiquée comme travaillant pour l’ancienne directrice du quartier général de Navalny) décrits comme appartenant à l’organisation Golos (agent étranger en Russie), expliquer comment organiser des provocations pour se faire éjecter des bureaux de vote afin d’accroître artificiellement les violations enregistrées et déclarer ainsi les élections législatives russes comme illégitimes, circule depuis quelques heures à peine et le scandale se répand déjà sur les réseaux sociaux comme Twitter.

Dans cette vidéo en russe, dont une version sous-titrée en anglais est disponible sur Twitter, on découvre stupéfaits des activistes « former » des « observateurs » pour les élections législatives russes à venir. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la formation dispensée est des plus étranges.

La formation a eu lieu à Saint-Pétersbourg, et on entend la présentatrice, Natalia Zaostrovtseva, expliquer aux futurs « observateurs », que leur but n’est pas réellement d’observer les élections afin qu’elles soient plus démocratiques, mais d’organiser des provocations afin qu’elles soient déclarées illégitimes.

«Nous n’avons pas beaucoup de temps, mais je veux vous rappeler que notre tâche est de montrer que ces élections sont illégitimes. Comment allons-nous faire ? Nos analystes disent que nous ne pourrons pas enregistrer autant de violations qu’en 2011. Cela à cause de plusieurs raisons… moins d’observateurs et moins de violations. Le paysage politique a été nettoyé.Mais nous avons un plan. À la fin de cette conférence, chacun d’entre vous recevra une brochure avec des instructions. Nous allons créer les conditions pour nous assurer que chacun d’entre vous soit expulsé des bureaux de vote. Ainsi nous pourrons enregistrer et démontrer qu’il y a des violations électorales», déclare la présentatrice.

Ce que nous dit cette activiste est fascinant. Ces personnes qui prétendent lutter contre la corruption, au lieu de se réjouir qu’il y aura moins de violations lors des élections législatives car je cite « le paysage politique a été nettoyé » (ce qui est normalement une bonne chose), s’organisent pour créer des provocations afin de gonfler artificiellement les chiffres du nombre de violations, et ainsi déclarer les élections comme étant illégitimes.

Ce qui permet de confirmer qu’il s’agit d’une conférence préparant de pseudo-observateurs pour les élections qui auront lieu dans quelques jours et pas d’autres qui ont eu lieu avant, ce sont deux faits : 1) on voit clairement plusieurs personnes porter un masque, ce qui indique qu’il s’agit d’élections ayant lieu pendant l’épidémie de coronavirus, 2) la présentatrice dit qu’il y aura moins d’observateurs cette année, ce qui est le cas pour les élections législatives car, justement à cause de l’épidémie, la Russie a demandé à l’ODIHR (le bureau de l’OSCE en charge d’observer les élections) de limiter le nombre d’observateurs qu’ils enverront, ce qui a poussé l’organisation à refuser purement et simplement de venir.

L’argument avancé par l’ODIHR pour finalement refuser de venir, en disant que la raison sanitaire invoquée par la Russie n’était pas claire et ne justifiait pas d’insister autant sur la restriction du nombre de leurs observateurs, est totalement bidon.

Quand on voit les pays européens membres de l’OSCE mettre en place des confinements ultra-stricts, des passes sanitaires et j’en passe au nom de la pandémie de coronavirus, venir dire que l’argument sanitaire ne justifie pas de limiter le nombre d’observateurs étrangers qui pourront entrer et se balader librement dans les bureaux de vote en Russie au risque de contaminer un paquet de votants relève de l’hypocrisie la plus totale.

Soit il y a une pandémie grave et chacun accepte que chaque pays prenne les mesures qui lui semblent appropriées et s’y plient, y compris la limitation des personnes pouvant entrer sur le territoire du dit pays, soit on dit que l’argument sanitaire ne tient pas et cela veut dire qu’il n’y a pas de pandémie grave. Mais ça ne peut pas être les deux à la fois.

En tout cas, le fait que l’ODIHR ne participe pas à l’observation des élections russes, ne semble pas empêcher qu’elle se retrouve impliquée dans cette histoire. En effet, on voit clairement en haut à gauche sur la présentation visible derrière la présentatrice et intitulée « Présentation sur les erreurs courantes commises par les commissions de bureaux de vote », le logo de l’ODIHR.

Organisation de provocations pendant les élections
Capture d’écran de la vidéo

Donc l’ODIHR ne viendra pas observer les élections russes car ils ne pourront pas faire tout ce qu’ils veulent, mais ils se retrouvent associés à des personnes qui semblent vouloir organiser des provocations lors de ces élections législatives. Nous avons été plusieurs à demander à l’ODIHR d’expliquer pourquoi leur logo est présent lors de cette conférence et leur réponse est qu’ils n’ont rien à voir avec tout ça.

Et l’excuse servie est la même pour celle qui est désignée comme étant derrière la présentatrice de la conférence.

Si on regarde la description de la vidéo, il est indiqué que Natalia Zaostrovtseva est une volontaire travaillant pour Irina Fatianova, l’ancienne directrice du quartier général d’Alexeï Navalny. Bien sûr les agents étrangers médiatiques de Russie, The Insider en tête (version russe de Bellingcat, classé comme agent étranger en Russie) nous jurent leurs grand dieux que ce n’est pas vrai, que Fatianova ne la connaît pas, et d’ailleurs les formations de l’organisation Golos (elle aussi agent étranger en Russie) pour les observateurs se dérouleraient ailleurs dans le bar Fogel ou un endroit appelé « Espace ouvert ».

Petit problème, comme leurs mentors de Bellingcat, les journalistes de The Insider ont du mal à couvrir toutes les traces. Il se trouve qu’Irina Fatianova, candidate dépitée d’avoir été éjectée des élections législatives par la commission électorale russe à cause de son appartenance à une organisation extrémiste (celle de Navalny), organise elle aussi des « formations » pour les « observateurs », à une adresse qui n’est ni celle du bar Fogel ni celle de « l’Espace ouvert », comme indiqué sur son site internet officiel.

L’adresse indiquée est le 51 A, rue Pionerskaya à Saint-Pétersbourg, à savoir l’adresse du quartier général de Fatianova.

Et concernant le fait que Fatianova ne connaîtrait pas Natalia Zaostrovtseva, il semble qu’elle la connaissait assez pour avoir l’adresse de son compte Instagram (alors que le pseudo Instagram ne contient pas son nom complet), et le lancer en pâture à ses groupies qui sont allés harceler la jeune femme en la traitant de « salope », d’actrice, etc, la poussant à restreindre l’accès à son compte.

Autre chose étrange, une des groupies de Fatianova poste en réponse à ce tweet, qu’elle l’a « virée » (sous-entendu, de ses contacts Instagram). Si cette jeune-fille est inconnue au bataillon dans le quartier général de Fatianova, comment se fait-il qu’ils l’avaient dans leurs contacts ?

Deuxième problème, sur l’image que Fatianova met dans son post Twitter pour envoyer ses sbires harceler Natalia, on voit clairement que la jeune femme porte un sac violet sur lequel est affiché clairement le slogan de… Fatianova (« Je n’ai pas peur, et n’ayez pas peur », « Я не боюсь. И вы не бойтесь ») !

Le même sac violet que celui porté par une volontaire de Fatianova, dont la photo apparaît sur le fil Twitter de cette dernière :

Fatianova elle-même dans le commentaire posté sur le compte Instagram de Natalia, dit clairement qu’elle porte le sac que portent ses volontaires. Moi quand je vois ça j’ai un peu de mal à gober l’excuse du « je ne la connais pas ».

Autre chose des plus bizarres, The Insider prétend que la deuxième personne reconnaissable sur cette vidéo (la blonde visible au début à droite), Anastasia Tokareva, qui appartient au parti Iabloko (les « écologistes », mais qui en réalité font partie de la même pseudo-opposition russe que Navalny), aurait été invitée là sans trop savoir pourquoi, prétendument pour se faire un peu d’argent, et qu’elle soutient le parti depuis seulement un mois.

Problème, la jeune femme a un compte Instagram elle-aussi (depuis 2019), sur lequel elle indique clairement qu’elle a rejoint le parti Iabloko le 3 avril 2021. Donc on a là un mensonge avéré de The Insider et des autres médias pro-occidentaux qui essayent de démystifier maladroitement cette histoire. Car ils savent où est son compte Instagram, et il m’a fallu moins de deux minutes pour y trouver l’information.

Le parti Iabloko prétend de son côté qu’elle ne serait pas venue si elle avait su de quoi la conférence parlerait (mais elle n’en part pas quand la présentatrice expose son plan de provocations, bizarre).

En clair on a des excuses qui ne sont étayées par rien autre que des affirmations, avancées par des gens issus d’une équipe connue pour ses méthodes douteuses et son usage immodéré du mensonge. Je rappelle en effet, qu’une ancienne activiste de l’équipe de Navalny, Marina Romanova, a admis avoir reçu 50 000 roubles pour accuser la police de l’avoir frappée ! En réalité ce sont les membres de l’équipe de Navalny qui l’ont frappée.

Dois-je aussi rappeler la série incroyables de mensonges tant dans l’affaire Navalny que dans son pseudo documentaire sur le « palais » de Poutine qui n’a jamais été sa propriété et n’a jamais ressemblé à ce que Navalny a montré dans sa vidéo.

Quant à The Insider, ils travaillent main dans la main avec Bellingcat (et avec les mêmes procédés) et Navalny. Or le parti pris, les méthodes douteuses et les financements de Bellingcat venant de gouvernements de l’OTAN sont prouvés depuis longtemps.

Je rappelle qu’un ancien commandant de la RPD a gagné son procès en diffamation contre Bellingcat, qu’un témoin du crash du MH17 vient aussi de porter plainte contre eux pour le même délit, et qu’un des journalistes de The Insider est actuellement poursuivi pour la même chose par le journaliste néerlandais Max van der Werff. Autant dire que ce que raconte ce média est à minima à prendre avec d’énormes pincettes, pour ne pas dire plus.

Certains commentateurs ont appelé le comité d’enquête russe à se pencher sur cette vidéo et j’espère que ce sera le cas afin de faire toute la lumière sur les personnes impliquées dans cette histoire, et vérifier si oui ou non les anciens collaborateurs de Navalny sont de nouveau associés à des provocations liées aux élections russes.

Christelle Néant

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