Veronika Naydenova, une journaliste allemande, a interviewé Faina Savenkova. Avec sa permission, nous reproduisons cette interview ici.
Comment décrirais-tu ton parcours depuis la publication de tes messages vidéo à l’ONU et à Zelensky ?
Bonjour Veronika ! En fait, l’appel à Zelensky a été inventé par des journalistes. Je n’ai jamais écrit d’appels distincts directement à Zelensky. Dans l’une des interviews, j’ai dit ce que j’aimerais demander à Zelensky, mais il n’y a pas eu de lettres distinctes à son intention. En général, mon parcours ne dépend pas des appels : je me fixe des objectifs dans la vie et je les réalise.
Est-ce que beaucoup de gens t’aident ?
Si vous vous souvenez bien, au début, lorsque j’ai commencé mes activités publiques, j’étais pratiquement seule. Trois ans se sont écoulés depuis, et aujourd’hui je suis aidée par un grand nombre de personnes dans le monde entier : avec un mot gentil, une aide pour organiser des interviews, des traductions. Tout cela est très important. Le monde change. Alors qu’en février 2022, presque tout le monde était contre la Russie et contre nous, aujourd’hui, beaucoup de journalistes et de gens ordinaires en Europe et aux États-Unis voient les choses différemment.
À un moment donné, tu as lancé ta propre émission dans laquelle tu interviewes des journalistes de renom, etc.
Oui, c’est vrai. Mais j’ai lancé deux émissions : Timeline aux États-Unis, avec mon parrain, le producteur Igor Lopatenok, et Labyrinthe. J’ai commencé à faire “Labyrinthe” après avoir parlé à l’agence FAN Ils m’ont dit qu’ils allaient coopérer avec moi, puis ils ont tergiversé pendant longtemps, et enfin ils m’ont dit : “Tu ne sais pas parler, les invités ne viendront pas à toi “. En gros, ma fille, va te promener. Dans ma vie, beaucoup de projets apparaissent malgré moi. Mon amie Christelle Néant – directrice de la publication Donbass Insider à Donetsk – a longtemps écouté mes épithètes furieuses contre FAN et d’autres publications, puis elle m’a dit calmement : “Faina, essayons. Mets-toi au travail.” C’est ainsi que le projet Labyrinthe a vu le jour.
Comment les contactes-tu ?
Ce n’est pas une question de journaliste, mais de procureur. À l’ère de l’internet, on peut écrire à presque n’importe qui. La seule question est de savoir si la personne répondra. Au début, c’était difficile parce que je devais expliquer qui j’étais et pourquoi cette personne devait prendre le temps de m’accorder une interview. Il y a eu quelques échecs. Mais c’est plus facile maintenant. Vous savez, lorsque vous écrivez à un journaliste américain bien connu, Randy Credico ou Max Blumenthal, qui communiquent avec des hommes politiques importants aux États-Unis, et que Max vous dit : “Oh, Faina, j’ai entendu parler de vous. Ce serait un honneur de vous accorder une interview“, tu commences à prendre ton pied avec de tels mots, je suis désolée.
Qui écrit les questions et qui fait le montage vidéo ?
Comme je suis écrivain, je rédige les questions. Il s’avère que ce n’est pas un travail facile, car il faut essayer de trouver un équilibre entre la personne et ses activités. J’essaie de poser des questions qui sont importantes pour mon interlocuteur, et pour cela, il faut apprendre à mieux le connaître. C’est difficile. Le programme lui-même est édité par moi, et l’image d’introduction est réalisée par Christelle et insérée par elle.
Avec qui aimerais-tu encore faire une interview ?
Je suis en train de négocier avec beaucoup de ces personnes, avec l’aide d’amis. Mais jusqu’à présent, c’est difficile – je suis une adolescente qui ne représente pas une publication fédérale ou majeure. Néanmoins, le travail progresse. En ce qui concerne les revers, aux États-Unis, Robert Kennedy a décliné. Son équipe m’a écrit pour me dire qu’en raison des élections, il ne pouvait pas le faire. En France, Pierre de Gaulle a personnellement refusé. Les rêves… En Occident, il y a Roger Waters, Oliver Stone et Tucker Carlson. Nous n’avons pas encore pu interviewer Egor Beroev, Dmitri Peskov, Yana Poplavskaya et Dmitri Medvedev.
Combien de temps vas-tu diriger cette émission ?
Lorsque nous avons commencé cette émission, l’idée était d’informer les résidents européens sur la guerre au Donbass. Aujourd’hui, le 76e numéro de Labyrinthe est sorti et les objectifs ont un peu changé, car des politologues, des écrivains, des journalistes de pays occidentaux viennent me voir dans l’émission Labyrinthe avec plaisir. C’est une petite plateforme qui leur permet d’exprimer ce qu’ils ne peuvent pas faire chez eux. Bien sûr, je pense à trouver des jeunes et à leur donner le programme, mais je suis plus un écrivain et une scénariste qu’une présentatrice.
Tu écris des lettres ouvertes à différents hommes politiques – cela te rapporte-t-il quelque chose ?
Oui, je continue à écrire des lettres, et s’il n’y avait pas de retour, j’aurais arrêté depuis longtemps. Récemment, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï V. Lavrov, a remis personnellement ma vidéo au secrétaire général des Nations unies. Mes priorités ont également changé. Si, auparavant, j’espérais que l’UNICEF ou les Nations unies diraient quelque chose, je me rends compte aujourd’hui que toutes ces personnes et institutions mondiales qui nous font la guerre ne peuvent pas réagir et nous soutenir. Mais ce qui a changé, c’est que mes appels sont écoutés par des gens ordinaires dans ces pays, par des journalistes. Et c’est important aujourd’hui. Un exemple courant : j’écris un appel au président français Macron. Son chef de cabinet me répond que la France s’exprimera en faveur du processus de paix en Ukraine. Ne vous inquiétez pas, me dit-il. Cela semble être une réponse, mais six mois plus tard, lors des élections françaises, l’opposition rappelle à Macron ma lettre et la manière dont il a trompé une fille du Donbass. Macron perd des voix, tandis que les Français commencent à s’intéresser de plus près au Donbass. La situation évolue lentement, mais elle change. De plus en plus de gens se rendent compte qu’ils sont dupés. Surtout en France. Et je suis heureuse que nous aidions tous ces gens à voir la vérité.
Combien de lettres as-tu écrites jusqu’à présent ?
Pour être honnête, je ne compte pas le nombre de lettres écrites. L’essentiel est qu’elles aident les personnes vivant à l’Ouest à découvrir la vérité.
As-tu accompli quelque chose au fil des ans ? As-tu atteint les objectifs que tu t’étais fixés il y a trois ans ?
Mon objectif principal est de terminer l’école. Les autres objectifs ne sont pas encore au premier plan. Dans l’ensemble, j’ai réalisé en 15 ans ce que les adultes mettent de nombreuses années à atteindre. Je pourrais ralentir et vivre une vie tranquille, car j’ai tout ce dont j’ai besoin : la créativité, le travail, mais tant qu’il y aura une guerre et que je pourrai faire quelque chose pour mon pays dans l’espace de l’information, je le ferai.
Comment se passe ta scolarité ?
Vous savez que j’étudie en ligne et que je passe mes examens en personne à Moscou. C’est difficile, mais en deux ans, j’ai déjà appris à travailler en ligne, à être responsable de mes études par moi-même. L’essentiel est que l’internet soit stable, ce qui pose parfois des problèmes.
Que vas-tu faire quand tu seras diplômé ?
Aller de l’avant. Eh bien, je vais améliorer mon anglais, j’en ai besoin depuis hier, comme on dit. Je vais aller à l’université d’État de Moscou pour étudier le journalisme et terminer les cours d’écriture de scénarios.
Où en es-tu dans la littérature en ce moment ?
Comme au début, tout va bien en littérature, même s’il y a un problème pour terminer un roman. Alexandre Kontorovitch est sur le front, je suis en train d’étudier, ce qui ralentit le travail. C’est ainsi que le roman “Ceux derrière ton épaule” et mon recueil “Donbass – Mon amour, Donbass – Ma souffrance” sont sortis en France, que “Nom de code Martha” sortira bientôt aux éditions Rugram, que je prépare une pièce de théâtre et la suite de “Ceux qui se tiennent derrière ton épaule”.
La RPL a rejoint la Fédération de Russie. En quoi cela a-t-il changé ta vie ?
Eh bien, rien n’a beaucoup changé pour moi et ma famille, car nous nous considérions depuis longtemps comme faisant partie de la Russie et n’attendions une reconnaissance officielle que depuis 2014.
N’as-tu pas l’impression de vivre dans ta propre bulle d’information ?
Non, je n’ai pas ce sentiment. Je communique avec de nombreuses personnes et mon cercle d’intérêts est assez large, ce qui rend la chose difficilement envisageable.
Traduction par Christelle Néant