La rencontre s’est déroulée en secret à Lougansk, où nous avons été plusieurs journalistes étrangers à avoir la chance de rencontrer le chef de la RPL, Leonid Passetchnik. Pour des raisons évidentes de sécurité et vu les menaces d’assassinats des sbires du SBU et de Kiev, le chef de la République populaire de Lougansk nous a malgré tout reçu cordialement. Lors d’un entretien ouvert nous avons pu poser diverses questions sur les thèmes que nous avions choisis. Économie, infrastructures, crimes de guerre, future coopération étrangère sur le territoire de la RPL, activités et liens commerciaux avec le restant de la Russie, humanitaire, aide des autres républiques et régions de la Fédération de Russie, voilà les thèmes qui ont été abordés.
Le territoire de Lougansk et de l’ancien oblast de l’Ukraine n’avait pas reçu d’investissements publics sérieux depuis la fin des années 70-80. Selon ce que j’ai constaté sur le terrain n’étant venu à Lougansk que deux fois en 2016 (l’essentielle de mes missions s’étant déroulés en RPD), les infrastructures civiles sont dans un très mauvais état. Le Président a déclaré que la ville et la région n’avaient pas reçu d’investissements majeurs de l’État ukrainien pendant toute la durée de sa présence dans la région (1991-2014). De fait, que l’on parle de routes, de bâtiments publics tels des écoles, des gymnases, des postes ou des administrations, l’essentiel avait été construit sous l’URSS dans les années 60-80. Depuis la libération de nombreux territoires occupés par l’armée ukrainienne la Russie s’est lancée dans de vastes programmes d’investissements au niveau fédéral, ou avec l’aide de toutes les régions de Russie. La République populaire de Lougansk avait un territoire très réduit du fait de l’agression ukrainienne de 2014, mais la quasi totalité de ce dernier est désormais libéré. Contrairement à Donetsk toujours quotidiennement bombardé par les Ukrainiens, la ville de Lougansk est désormais paisible comme de nombreuses villes dans les alentours. Ceci a permis aux Russes, après le référendum de septembre 2022, et le rattachement à la Fédération de Russie, d’envoyer des brigades de travailleurs et d’importants fonds pour commencer les rénovations, la reconstruction et même la construction de nouvelles installations.
Les criminels de guerre ukrainiens seront poursuivis après la guerre. C’est la question que j’ai posé, à savoir si les deux républiques de Lougansk et Donetsk et la Russie, continueraient à poursuivre les criminels de guerre ukrainiens, de l’armée, des unités supplétives de police, des unités de mercenaires ou même de la police politique du SBU. Le Président Passetchnik a été affirmatif, les criminels seront poursuivis. Selon lui c’est même un devoir impératif dont le but est celui qui a été annoncé par le Président Vladimir Poutine en personne : la dénazification. En Occident, les gouvernements ou les médias nient ce fait et cachent souvent les crimes qui sont commis dans le Donbass et en Ukraine depuis 2014. Le Président a également ajouté qu’il s’agissait de rendre justice aux victimes nombreuses du Donbass, et de préparer aussi l’avenir en essayant de traduire un maximum de ces hommes devant des tribunaux. La renaissance du nazisme, sous des formes modernes, également issues du fascisme, ou du bandérisme doit conduire à des actions fortes et une réelle fermeté. L’avenir des générations futures, que l’on parle du Donbass, de la Russie ou même du monde est un enjeu considérable. Et cet avenir passera forcément par la liquidation des résurgences du bandérisme et nazisme en Ukraine, déclarait le Président.
Leonid Passetchnik, de Magadan à la naissance de la République. Méconnu du public français et occidental, il naquit à Lougansk (15 mars 1970), et était le fils d’un policier. Sa famille déménagea dans les confins soviétiques à Magadan (1975), région célèbre pour sa production de métaux précieux et d’anciens goulags. Son père fit une carrière exemplaire, notamment en luttant dans la région contre les trafiquants et chercheurs illégaux d’or. Il revînt pour ses études à Donetsk où il effectua une école militaire, et entra ensuite dans la célèbre police du SBU, puis gravit les échelons jusqu’au grade de lieutenant-colonel (1993). Il fut muté à la tête d’un département pour la région de Lougansk devant lutter contre la contrebande (sévissant alors sur les frontières de la Russie et Biélorussie). Il s’illustra dans de nombreuses opérations, notamment lors d’une prise record de presque 2 millions de dollars de produits de contrebande (15 août 2006). Il fut muté à la direction du SBU (2010-2013), pour la région de Stakhanovsk, oblast de Lougansk. Les événements du Maïdan, sa perception claire de ce qui se passait et le sentiment que tout cela allait mal finir, provoqua son envoi de sa démission à Kiev (décembre 2013). Il était alors au grade de colonel et déclara par la suite qu’il était alors devant un dilemme d’importance : ou fermer les yeux et continuer à servir Kiev, ou refuser d’être manipulé et employé dans les futures répressions à venir. La guerre ayant éclaté, il se retrouva devant un nouveau choix important : devait-il rejoindre les insurgés républicains de Lougansk ? Il prit sa décision et passa du côté de la RPL, alors que le conflit prenait de l’ampleur. Sa défection et son passage dans les rangs républicains fit sensation. Il fut couché dès le 17 mars 2014, sur une liste de sanctions de l’Union européenne « pour avoir soutenu et mis en œuvre des actions et des politiques qui portent atteintes à l’intégrité territoriale de l’Ukraine ». Vous apprécierez ici l’absurdité et l’absence d’indépendance de l’UE se mêlant d’affaires internes d’un pays non membre, et surtout ignorant cyniquement le vote des habitants de la RPL pour l’indépendance et la création de la RPL (mai 2014). L’UE renforça par la suite les sanctions contre lui (2018), suite à son élection, mesures sans effet ne possédant aucun bien en dehors du Donbass. D’autres pays sous pression de la diaspora ukrainienne ou pour de basses raisons politiques, instaurèrent des sanctions contre lui (entre 2017 et 2020), notamment les USA, le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni. Contrairement à ce que l’on dit en Occident, très nombreux furent les Ukrainiens, parfois même non originaires du Donbass, qui firent son choix, et choisirent la résistance. Il fut nommé Ministre de la Sécurité d’État de la République Populaire de Lougansk (9 octobre 2014). Après la crise politique qui éclata dans la république (2017), il fut bientôt élu par le Conseil populaire de Lougansk, comme chef de ce dernier (25 novembre). Il se présenta à l’élection du chef de la RPL (2018), et fut élu avec un score confortable de 68,3 % (11 novembre). Il était perçu comme un gage de stabilité par la population et jusqu’à ce jour dirige les destinées de la république. D’autres sanctions inutiles et sans effet furent imposées contre lui par le Japon et la Nouvelle-Zélande (2022). Le moment le plus fort de son mandat fut sans doute la proclamation de la réunion des territoires des républiques de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporojie à la Russie. La décision faisait suite à un référendum où la population de l’ancien oblast de Lougansk vota son intégration dans la Fédération de Russie. Elle donna lieu à une rencontre historique à Moscou, avec le Président Poutine (30 septembre).
Laurent Brayard