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Les tueries des Ukrainiens dans le Donbass ne seront pas oubliées

Les tueries des Ukrainiens dans le Donbass ne seront pas oubliées

Nous avons eu la chance de rencontrer Vladislav Deïnego lors de notre voyage dans la République de Lougansk, et qui fut le négociateur attitré pour la RPL, durant les accords de Minsk. Cette rencontre était pour moi essentielle, car j’avais eu la chance de faire, notamment en compagnie de Xavier Moreau, l’interview de Denis Pouchiline, lui-même négociateur et représentant de la RPD (aujourd’hui chef de la République Populaire de Donetsk, intégrée à la Fédération de Russie). Nous ayant accompagné plusieurs jours, j’ai eu l’opportunité de discuter longuement avec lui, avant qu’il nous accorde un entretien où il nous raconta l’ensemble du processus du Maïdan, puis les événements politiques jusqu’à la signature des accords de Minsk 2 (février 2015). Son témoignage est essentiel et m’a permis personnellement d’assembler quelques autres morceaux du puzzle.

Vladislav Deïnego, la force tranquille et le droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes. Originaire de la région de Lougansk, Vladislav naquit durant la période soviétique dans un village de l’oblast (12 mars 1964). Il fit des études supérieures, et s’orientait au départ vers une carrière d’ingénieur et cadre dans le secteur minier et métallurgique. Il devînt cependant un haut fonctionnaire, dirigea un centre d’informations des services publics en charge notamment des élections dans la région et ville d’Altchevsk (notamment les élections de 2002, 2004 et 2006). Il entra en politique au niveau local, étant lui-même élu conseiller municipal dans cette ville (2006), réélu par la suite (2010), et militant dans les rangs du Parti Socialiste d’Ukraine, puis dans le Parti des Régions. Il fit le choix courageux de s’engager du côté républicain, ayant vu de l’intérieur le dérapage cauchemardesque du Maïdan, et fut même élu dans le Conseil Suprême de la jeune République Populaire de Lougansk (mai 2014), à sa formation. Il fut également reconduit après l’élection présidentielle (2 novembre), comme député du Conseil Populaire, et occupa par la suite la vice-présidence de la RPL. C’est le Président Igor Plotnitsky qui le désigna pour être le représentant de la République (10 novembre) dans les négociations qui s’annonçaient et qui conduisirent à aux accords de Minsk. Il fut ensuite nommé Ministre des Affaires Étrangères de la RPL (12 septembre 2017), poste qu’il occupa jusqu’à l’intégration de la république dans la Fédération de Russie (septembre 2022). Malgré qu’il fut un négociateur officiel, les USA le frappèrent de « sanctions » totalement absurdes, n’ayant pas de biens en dehors du Donbass (22 décembre 2015), en indiquant comme raison : « pour avoir établi un État non reconnu en Ukraine, sans l’autorisation du gouvernement ukrainien ». Le référendum populaire qui créa justement la RPL… élection libre et démocratique décida justement la sortie de l’Ukraine (mai 2014), que cette dernière le veuille ou non ! L’Ukraine, comiquement, le dénonça comme ayant reçu un passeport russe (mai 2020), alors qu’il participait toujours aux tours de négociations de Minsk (toutes les 2 semaines). En oubliant de préciser… que l’immense majorité des habitants du Donbass avait déjà fait cette démarche ! L’idée était de le présenter comme un agent étranger, refusant de toute façon de reconnaître sa nature de « Russe de la RPL », et encore moins le choix démocratique des populations du Donbass. Après l’opération spéciale russe, ce fut le tour des pays de l’UE de le frapper de sanctions (8 avril 2022), « pour avoir participé à des politiques qui ont déstabilisé l’Ukraine et sapent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté ou l’indépendance de l’Ukraine ». Cette nouvelle pantalonnade qui niait là encore le choix des populations de Lougansk, fut suivie des mêmes sanctions absurdes infligées par le Canada (26 avril), le Royaume-Uni, l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, et cerise sur le gâteau… la Suisse !

Des camps d’entraînements des sbires du Maïdan… en Biélorussie, aux coulisses de Minsk 2. Vladislav Deïnego nous a donc raconté en détails tous les événements politiques autour du Maïdan, puis des différentes négociations. Il serait long et fastidieux de revenir sur ces faits connus, mais je vous renvoie aux livres de Lucien Cerise (le meilleur en langue française sur le sujet), ou encore celui de Xavier Moreau, Ukraine, Pourquoi la France s’est trompée et à mon propre ouvrage bien plus modeste, L’Ukraine le Royaume de la Désinformation. Les informations toutefois essentielles que j’ai retenues, ont été d’abord celles que Monsieur Deïnego récolta auprès des membres du Berkut (l’équivalent de la Garde mobile ou des CRS en France), qui furent envoyés sur le Maïdan. L’une des plus importantes est que les unités furent positionnées alors que rien n’avait encore commencé. Les hommes interloqués par l’absence de manifestants hostiles furent maintenus sur leurs positions avec l’affirmation « que cela allait commencer bientôt ». Cela commença en effet, preuve que le régime de Ianoukovitch était bel et bien au courant des manœuvres qui se préparaient et qu’il n’y avait pas de mouvements spontanés. Les Berkuts du Donbass racontèrent ensuite n’avoir pas vu ou très peu les fameux « étudiants » mis en avant par la propagande occidentale de l’époque, ce que nous savions évidemment déjà, mais qui fut la norme du narratif développé en Occident. L’autre information capitale fut celle venant d’un cadre du SBU (dont pas mal de membres décidèrent de soutenir les républiques ou passèrent en Russie). Ce cadre affirma avoir connaissance d’un camp d’entraînement en Biélorussie… pour les futurs agitateurs des compagnies d’autodéfense du Maïdan. Surpris par le pays d’accueil, la localisation fut choisie pour plus de discrétion et avec la location d’un lieu privé qui accueilli les futurs émeutiers (dans l’été 2013). Nous savions déjà que les Occidentaux, notamment les Américains avaient mis de l’argent sur la table pour organiser ces camps (il y en eut plusieurs et dans d’autres pays). Mais c’est la première fois que j’ai récolté un témoignage direct de ce fait. La méthode des révolutions colorées est bien sûr connue, et même antérieure, ce que vous pourrez découvrir dans ce reportage (avec des camps similaires), pour provoquer la chute du régime de Ceausescu en Roumanie (1989). La description des coulisses des accords de Minsk fut pour moi aussi très intéressante. Deïnego me racontant en effet quelques anecdotes. Parmi elles, les manœuvres évidentes de l’Ukraine de Porochenko pour faire échouer les négociations, les tergiversations, les petites savonnettes et les grains de sable dans les rouages. Selon lui, les représentants de l’UE, Français et Allemands obligèrent à plusieurs reprises l’Ukraine à négocier, un fait tout de même intéressant. Deux tables rondes étaient réunis, l’une avec les chefs d’État, Porochenko, Hollande, Merkel et Poutine, l’autre avec les négociateurs des deux Républiques (RPL et RPD), et un représentant pour l’Ukraine, la Russie, la France et l’Allemagne. Les tours de négociations se déroulèrent jusqu’en 2022… toutes les deux semaines et selon lui décidèrent de beaucoup de problèmes sur les dossiers économiques, humanitaires, de sécurité et d’ensembles (comme les corridors verts par exemple, l’action de l’OSCE, etc.). Cependant, jamais Minsk 2 n’aboutit à sa vraie raison d’être : régler la problématique du Donbass.

Témoin essentiel de l’histoire de ce conflit, Monsieur Deïnego, son témoignage, sera essentiel pour l’avenir afin de révéler et fixer les événements historiques dans leur exactitude, et non seulement selon les désirs et fantasmes de l’Ukraine ou de l’Occident.

Laurent Brayard

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