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Severodonetsk, la vie a repris le dessus

Severodonetsk, la vie a repris le dessus
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Lors de mon dernier voyage, nous avons pu passer un peu de temps dans la ville de Severodonetsk, dans la République Populaire de Lougansk. Cette ville fut le théâtre avec celle de Lissichansk, de féroces batailles dans le printemps et l’été 2022, avant que l’armée ukrainienne s’en retire vaincue (25 juin 2022). Avant l’opération spéciale la ville comprenait un peu plus de 103 000 habitants, et était avant le Maïdan une composante de l’ancien oblast de Lougansk. Sa prise marqua un jalon important dans la reconquête des territoires du Donbass, la ville n’ayant pas pu résister à l’époque à l’arrivée des troupes de représailles de l’Ukraine (été 2014). Les Ukrainiens n’ayant pas pu s’emparer de Lougansk, c’est elle qui devînt la capitale de l’administration d’occupation, l’équivalent de Marioupol pour la RPD. Dans le programme d’ukrainisation forcée des zones où habitaient majoritairement des Russes ethniques, ordre fut donné par Kiev de changer son nom selon les normes de la langue ukrainienne (Siverodonetsk, ou Siverkodonetsk, 2021). Cet artifice ne changea évidemment pas la nature des gens qui y vivaient… ils étaient et restaient massivement Russes… d’âme et de cœur.

Une ville maltraitée par les Ukrainiens durant leur occupation. La ville s’était ralliée presque immédiatement au mouvement de liberté qui souffla sur le Donbass (printemps 2014). Les miliciens locaux s’emparèrent de la localité et y organisèrent le référendum. La population décida alors de rejoindre la République Populaire de Lougansk (mai 2014). La ville fut un temps défendue par l’Armée du Sud-Est, une force insurgée constituée du célèbre bataillon Prizrak, mais aussi de la Garde Nationale des Cosaques. Isolés et en pointe du dispositif des Républicains, la ville tomba aux mains des Ukrainiens (22 juillet). Il est à noter que parmi les forces ukrainiennes, se trouvait le bataillon Aïdar, qui se distingua par d’infâmes et horribles crimes de guerre et pillages, durant toute sa progression de l’été 2014. Dans le sillage de la soldatesque arrivèrent ensuite les sbires du SBU, la police politique ukrainienne. A ce jour, nous ne savons pas quelle fut l’ampleur des répressions, j’espère pour ma part m’y rendre de nouveau pour enquêter sur ce sujet. Pendant l’occupation ukrainienne, les fanatiques bandéristes, notamment du député radical Lyashko, s’attaquèrent aux symboles russes ou soviétiques dans la ville. Dès 2014, un monument à Lénine fut détruit, puis les soldats en garnison détruisirent petit à petit les autres monuments. Notamment ceux à Kalinine (19 mai 2015), et du maréchal Voroshilov (juin 2015). La municipalité tenta de résister au changement de noms des rues, mais elle fut contrainte de débaptiser plusieurs d’entre elles (2017-2021). La résistance armée du Donbass ne resta pas inactive, et l’un des conseillers municipaux, Sergeï Samarski, connu pour ses positions favorables à Kiev, fut abattu par la résistance (2 novembre 2017). Après sa reprise par les forces républicaines et russe, le gouvernement ukrainien a continué comiquement de produire des informations (fausses) sur la ville, notamment sur les populations encore sur place. Selon eux, il resterait un peu plus de 9 000 habitants dans la ville, les autorités locales m’ont indiqué le chiffre de 40 000, les gens revenant sur place.

Malgré la proximité du front, une ville déjà en reconstruction. Le plus impressionnant de cette visite fut de voir les reconstructions déjà effectuées ou à l’œuvre dans la ville. L’ensemble des installations d’approvisionnement en électricité, et les lignes électriques (qui étaient vétustes, ou détruites), ont été entièrement reconstruites. Plus surprenant encore fut de voir la reconstruction d’un centre sportif pour les enfants et les adultes, entièrement rénové et équipé de matériels neufs. Mais aussi de découvrir le Palais de la Culture, un énorme bâtiment, lui aussi entièrement reconstruit. Depuis sa reconstruction en 2023, les Ukrainiens ont tenté de nouveau de le détruire en le bombardant. Les Russes ont procédé immédiatement aux réparations. La ville se trouve donc dans une situation bien meilleure, mais reste dans le danger des éventuels bombardements ukrainiens. La ligne de front ne se trouve pas si loin, en passant la rivière, on arrive alors à Lissichansk, frontière de l’ancien oblast de Lougansk Une passante interrogée déclarait : « Tout va mieux maintenant, la ville reprend vie, des gens reviennent dans leurs logis. Je suis moi-même retraitée, j’étais infirmière. Mes enfants et petits enfants se trouvent en Europe, réfugiés en Allemagne, c’était la meilleure solution pour leur sécurité. Ils sont favorables à la Russie, nous attendions tous l’arrivée de l’armée russe depuis 2014. Je vous demande de ne pas diffuser ma photographie pour leur sécurité ! Je touche maintenant ma retraite de la Russie, l’Ukraine ayant fermé nos pensions de retraite. Je ne me plains pas, le plus dur est derrière nous, et la ville sera reconstruite, il y a déjà pas mal de services qui ont rouverts. Lorsque ce sera plus calme mes enfants reviendront, je n’avais pas moi-même l’intention de partir avec mon mari, mais pour les petits il était important d’assurer leur sécurité. Ils touchent toujours les aides en Allemagne, mais ils sont prudents et cachent leurs opinions sur ce qui se passe en Ukraine. Ils pourraient avoir de graves ennuis… ». Interrogée sur la suite de la guerre, cette dame était certaine de la victoire russe, mais regrettait que cela soit si long, « à cause du soutien de l’OTAN », affirmait-elle. Un peu plus loin, nous fûmes reçu dans cette maison de la culture flambant neuve, où des administrés locaux nous déclarèrent que les électeurs, comme partout en Russie, pourront participer au vote de l’élection présidentielle. Discrets, mais le sourire aux lèvres, le candidat qu’ils avaient l’intention de choisir paraissait déjà très clair !

Pour en savoir plus :

Vladimir Mikhaïlovitch Jivag (14 décembre 1971-février 2017), il fit des études supérieures et devînt le directeur d’une entreprise locale. Il fut élu maire de la ville de Starobelsk, dans l’ancien oblast de Lougansk, région de Severodonetsk, officiellement sans étiquette politique. Favorable au Maïdan, il tenta de se faire élire à la Rada d’Ukraine (octobre 2014), mais ne fut pas élu. Il se compromit en collaborant avec les Ukrainiens et fut liquidé par la résistance du Donbass en février 2017.

Prizark (ou 14e bataillon de la défense territoriale de la RPL), bataillon historique des miliciens de Lougansk (fondé en avril 2014), au départ commandé par Alexeï Mozgovoï (1975-2015), assassiné dans un attentat en mai 2015. L’attentat fut revendiqué par l’Ukraine, une autre version impute sa mort à des conflits locaux dans le chaos de l’insurrection républicaine. L’unité participa à la conquête de Severodonetsk, puis de Lissichansk et comptait plus de 1 000 hommes à son apogée. Après avoir perdu les deux villes, il se replia sur Altchevsk. Il recruta un certain nombre de combattants volontaires étrangers, dont des Russes, des Slovaques, des Bulgares, des Grecs, des Finlandais, des Français et bien d’autres nationalités (une vingtaine). Le bataillon participa à la victoire de Debaltsevo (hiver 2014-2015), puis fut réformé en 14e bataillon de défense territoriale, dans le processus de professionnalisation des forces armées de Lougansk. Le bataillon tînt ensuite longtemps les lignes dans les environs d’Artëmovsk (2017-2018). Après le début de l’opération spéciale, il fut engagé dans la bataille d’Avdeevka (2022).

Sergeï Victorovitch Samarski (?-2 novembre 2017), originaire de Severodonetsk, il fonda un commerce de gros en produits alimentaires, boissons et tabac (1997-2017), qui fut sa principale activité professionnelle pendant longtemps. Il créa ensuite une autre affaire, une boulangerie-pâtisserie (1999-?), ses affaires prospérant rapidement. Il entra en politique, en fondant la branche politique du Parti Batkivshina, le parti de la Reine du Gaz, Ioulia Timochenko, à Severodonetsk (début années 2000). De ce fait, il fut favorable au premier Maïdan (2004-2005), et bien sûr au second (hiver 2013-2014). Il rejoignit bien vite la formation politique de Porochenko, puis se fit élire dans le Conseil municipal de la ville et fut l’un des fers de lance des tentatives de contraindre les populations à s’ukrainiser. Il fut nommé commissaire en charge de la prévention de la corruption, toujours dans le cadre de ses acvitités « policières ». Il fonda pour se faire, un mouvement patriotique bandériste, Vidrodjeniya Donbassou (Renaissance du Donbass, 21 avril 2016), qui avait pour but de motiver le « patriotisme ukrainien ». Surveillé dans ses activités et ayant participé à dénoncer ses concitoyens, collaborateur du SBU, il fut finalement liquidé par la résistance des républicains du Donbass, le 2 novembre 2017. Kiev tenta de dissimuler la raison de sa mort en faisant porter le chapeau « à des bandits », et un député ukrainien déclara : « il sera à jamais le modèle du patriote ukrainien inébranlable qui a lutté toute sa vie contre la corruption, la trahison et l’injustice […] Les autorités ont négligé leurs responsabilité et ont permis ce meurtre politique flagrant. J’ai également demandé l’épuration du Conseil municipal de Severodonetsk, embourbé dans la corruption, mais les opposants et leurs sbires ont déjoué la tenue d’élections extraordinaires pour continuer à piller à la ville. Aujourd’hui, ils ont agi en toute impunité, dont l’un des résultats a été le meurtre de Sergeï ».

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1 Comment

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    Fort bien. Merci.

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