Si vous ne connaissez pas ce personnage, nous allons aujourd’hui lever le voile sur les racines historiques de l’Ukraine du Maïdan. Car il n’y a aucun hasard et pour ceux qui n’ont jamais abordé l’histoire de l’Ukraine, voici un élément de compréhension intéressant. Nous sommes en 1879, dans la province de Poltava dans l’empire des Romanov, au centre de l’Ukraine. La Russie tsariste de cette époque était figée dans ses contrastes. Depuis la Révolution française et les campagnes napoléoniennes, l’Europe avait appris à connaître des idéaux nouveaux, autour de la liberté, des droits de l’Homme et du citoyen, puis bien vite ceux du capitalisme, du nationalisme arrivant avec la Révolution industrielle. C’est juste à cette charnière que naquit Simon Petlioura
Le petit parcours d’un apprenti révolutionnaire… jusqu’à la franc-maçonnerie. Lorsque Petlioura vînt au monde, l’Europe déjà avait subi de très grandes transformations, le printemps des Peuples de 1848, l’indépendance et l’unification de l’Italie en 1860, le mariage austro-hongrois de 1867, la création de l’Empire allemand en 1871, le recul progressif du vieil empire Ottoman… La Russie quant à elle, prenait les virages avec difficulté, abolition du servage de 1861, commencement de sa révolution industrielle vers les années 1890, ouverture vers la France démocratique via la fameuse alliance de 1892, tout allait très lentement tandis que les idées bouillonnaient. Fils de cosaque orthodoxe, en principe fidèle à la Russie et au Tsar, Simon Petlioura s’engagea toutefois sur la voie révolutionnaire, membre et fondateur du parti révolutionnaire ukrainien (1900), il goûta à la prison (deux ou trois mois en 1904), et préféra passer dans la partie de l’Ukraine alors dans les mains de l’empire Austro-hongrois (Lemberg/Lvov). Après une vie de errance essentiellement en Russie, il devînt journaliste et traversa la Grande Guerre, avant d’entrer dans la loge maçonnique Jeune Ukraine (1917).
De l’indépendance de l’Ukraine, au chef de guerre. C’est alors qu’une occasion unique se présenta lors du tremblement de terre de la Révolution russe. Installé à Kiev, il fut élu à la tête d’un comité militaire ukrainien, puis ce fut l’apparition d’un Conseil central ukrainien et bientôt l’émergence d’une Rada centrale d’Ukraine. Il fut bien vite en opposition avec cette dernière et leva un bataillon qui lui permit de mettre en échec un soulèvement bolchevique à Kiev (janvier 1918). Ayant vaincu les faibles forces de l’Armée rouge, l’Ukraine se proclama indépendante, le 22 janvier 1918. Cette jolie histoire devait rapidement s’achever par un coup d’État, fomenté par… l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Ayant mis à terre la Russie tsariste puis contraint la Russie révolutionnaire à signer la paix de Brest-Litovsk (mars 1918), les empires centraux mirent la main sur l’Ukraine. Ils installèrent un Hetmanat d’Ukraine, sous la direction de Skoropadsky qui sombra bientôt, l’Allemagne ayant été vaincue et contrainte à évacuer l’Ukraine après sa défaite (novembre 1918). Abandonné par ses soutiens, Skoropadsky fut vite débarqué (décembre 1918) et une République populaire ukrainienne installée à Kiev.
Dans les flammes ardentes de la Révolution et les massacres de Juifs. Cette république fut presque immédiatement attaquée par l’Armée rouge de Trotski, qui s’empara de Kiev (février 1919). Petlioura fut mis à la tête de la République populaire ukrainienne. Son armée, dénommée l’UNR se trouvait alors aux prises avec les forces bolcheviques, les forces vertes de l’anarchiste Nestor Makhno, les forces blanches tsaristes venant de la Crimée et du Kouban et de nombreuses bandes incontrôlables de pillards. Héritier d’un antisémitisme cultivé de longue date chez les cosaques d’Ukraine, son armée se livra à d’atroces pogroms, qui jusqu’à aujourd’hui font encore parler d’eux, notamment comme toujours sur les querelles des chiffres ! Combien assassinèrent-ils de Juifs ? Personne ne le saura jamais, mais les historiens se sont arrêtés sur une fourchette basse de 50 000 personnes (en quelques semaines seulement), et de 120 000 pour la fourchette haute. Dans une atmosphère d’anarchie totale, ses forces furent bientôt repoussées, bien que jointes à celle d’une autre armée ukrainienne indépendantiste (UHA, aux ordres d’une deuxième république ukrainienne !). L’estocade fut portée par les forces polonaises qui envahirent l’Ukraine, alors que la Pologne venait tout juste d’obtenir son indépendance grâce à la victoire des alliés dans la Grande Guerre.
Devant l’inexorable défaite, choisir la lutte à outrance… ou la diplomatie. Petlioura préféra alors tenter de tendre la main aux Alliés et aux Polonais. Se tournant résolument vers l’Ouest, il joua la carte de l’Europe Occidentale contre la Russie, que le vainqueur soit rouge ou blanc. Cette stratégie l’obligea d’abord à entériner la session à la Pologne des territoires convoités par cette dernière, à savoir les deux Galicie et la Volhynie (traité de Varsovie, 22 avril 1920). Cette trahison de la cause ukrainienne entraîna bientôt la scission du mouvement indépendantiste ukrainien. Ceux qui restèrent fidèles à Petlioura furent engagés dans les batailles menées contre la Russie bolchevique avec les troupes polonaises. Malgré la prise de Kiev (mai 1920), bientôt perdue (juin), la guerre russo-polonaise s’acheva par un armistice et Petlioura esseulé ne put continuer longtemps la guerre contre le seul adversaire encore en lice : l’Armée rouge. S’étant débarrassée de tous ses ennemis, la Russie bolchevique n’eut aucun mal à balayer les maigres forces ukrainiennes qui ne tardèrent pas à se débander. Les uns passèrent en Pologne et en Europe, les autres continuèrent une guérilla stérile qui s’éteignit bientôt (1921-1924).
La longue errance jusqu’à la mort… dans une rue de Paris. Protégé un temps par la Pologne, devenu grand-maître de la loge Ukraine (1922), il échappa à un attentat perpétré par des agents soviétiques (1923), et préféra prendre le large en errant dans diverses capitales européennes. D’abord en Hongrie, puis en Autriche, en Suisse et enfin à Paris où il arrive en 1924. Il ne cessa jamais de revendiquer son statut de chef du gouvernement en exil ukrainien, cependant forcé de se dissimuler sous de fausses identités. Il fut finalement identifié et retrouvé par un… anarchiste du nom de Samuel Schwartzbard, Bessarabien et Juif qui lui tira sept balles de revolver dans une rue de Paris (25 mai 1926). Son assassinat provoqua l’entrée en lice de la Ligue contre les Pogroms (plus tard LICRA), à la défense de l’assassin, jeté en prison. Ce dernier affirma en effet avoir liquidé le leader ukrainien pour venger les massacres de Juifs commis par Petlioura et son armée durant ses campagnes (1918-1921). Le journal L’Humanité s’engagea lui aussi dans la lutte médiatique, défendant l’assassin, contre un autre journal : L’Action Française convaincue quant à lui que le tueur agissait pour le compte de Moscou.
L’histoire un éternel recommencement. Le jury de l’époque acquitta Schwartzbard pour son acte, considérant que ce dernier avait bien comme mobile la vengeance pour les atroces pogroms (octobre 1927). La bataille des historiens devait finalement montrer que les Soviétiques avaient sans doute armé le bras de Samuel Schwartzbard pour envoyer dans un autre monde, un leader ukrainien indépendantiste bien gênant. C’est qu’entre temps l’Union soviétique était née (1922), Lénine était mort (1924) et… Staline avait pris tous les pouvoirs (1927). Les tueurs de Staline devaient par ailleurs pourchasser d’autres membres de la famille de Petlioura, deux des sœurs de Petlioura, religieuses dans un monastère furent bientôt assassinées (1928). L’histoire retiendra cependant que Petlioura, devant l’évidence des massacres de Juifs commis sous ses ordres… avait préféré incriminer l’Armée rouge de ces tueries (dès 1919). L’Union soviétique devait se souvenir longtemps de cela et brosser de lui un portrait au vitriol. Pour des raisons de propagande inversée, l’Ukraine se lança après son indépendance dans sa réhabilitation…. Ainsi que celle d’autres « héros » de l’Ukraine.
Les héros de l’Ukraine, de Petlioura aux collaborateurs de l’Allemagne nazie. Le premier geste fut celui du président Viktor Iouchtchenko, produit de la révolution colorée américaine dite Révolution Orange (2004). Montrée comme démocratique, cette révolution mis en réalité au pouvoir une Ukraine sous contrôle de la CIA. Iouchtchenko se promena vite jusqu’à Paris pour déposer des fleurs sur la tombe de Petlioura (mai 2005). L’homme devait ensuite se discréditer après avoir connu une belle popularité. Marié à Kateryna Tchoumatchenko, américaine d’origine ukrainienne, conseillère du président Reagan, membre du Département d’État des États-Unis, et agent de la CIA, c’est sous sa dictée que furent exhumés tous les héros emblématiques de l’Ukraine. Parmi eux, des anciens tueurs de la Shoah par balles comme Roman Choukhevytch, ou l’initiateur des massacres de Polonais de Volhynie et fondateur de l’UPA comme Stepan Bandera. Ces réhabilitations qui avaient été annulées ensuite sous la présidence de Ianoukovytch (2010-2014), furent bientôt de nouveau proclamées… par le président Porochenko, roi du chocolat et tête de file du Maïdan américain (2013-2014) qui le plaça au pouvoir (2014). Le centre Simon Wiesenthal, célèbre chasseur de nazis (1908-2005), dénonça avec force ces différentes réhabilitations d’antisémites, massacreurs et assassins divers, à de nombreuses reprises et fermement. Notamment lorsqu’en 2017 puis 2019 furent encore inaugurés des monuments pour Simon Petlioura. Le centre dénonça également les interdictions de livres en Ukraine (comme dans l’Allemagne nazie), de livres jugés dissidents et racontant… les crimes antisémites ou les véritables vies des fameux héros…
L’histoire et sa réécriture, le dernier champ de bataille politique. C’est ainsi que Petlioura est aujourd’hui dépeint par de nombreuses publications… comme un ami des Juifs et que dans le centre Simon Wiesenthal lui-même ont été présentés des travaux tentant de retrancher et changer les biographies des héros de l’Ukraine. Ce combat est très ancien de fait, mené à l’arrière-garde par la diaspora ukrainienne dans le monde. Particulièrement au Canada ou aux États-Unis où se réfugièrent beaucoup de supplétifs et collaborateurs de l’Allemagne nazie. Utilisées sans vergogne par les Occidentaux pour cause de Guerre Froide, les publications écrivant une histoire alternative des héros de l’Ukraine n’ont pas manqué depuis. Parmi elles, par exemple celles de Serhii Lytvyn, historien ukrainien très prolixe en la matière depuis le début des années 2000. Mais les honneurs décernés à ces « héros » sanglants de l’Ukraine n’ont pas cessés depuis le Maïdan, ils se sont multipliés. Pour des raisons politiques certaines, les mentions qui pouvaient être trouvées sur différents supports internet de ces faits (comme une bête fiche Wikipédia), ont disparu ou ont été remplacées par des versions des faits… ukrainiennes. Ceci n’empêche cependant pas le Centre Wiesenthal de protester encore et encore, la dernière protestation en date étant du 3 janvier 2022. Le jour de l’An 2022, des milliers d’Ukraine défilaient dans Kiev pour fêter Stepan Bandera le tueur de Juifs et de Polonais… sous la présidence d’un président ukrainien, Juif, Volodymyr Zelensky pour garantir que… non, il n’y a aucun antisémite, ni nazi en Ukraine. Nulle part !