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Mais quels étaient les pères qui accouchèrent de Bandera ?

Mais quels étaient les pères qui accouchèrent de Bandera ?

Si à l’heure actuelle, le sinistre Bandera est devenu à la fois l’épouvantail à moineaux, mais aussi le Dieu vivant d’une partie de l’Ukraine, le personnage est finalement quasiment inconnu en Occident. Plus méconnus encore sont « les pères de Bandera », ces hommes qui furent les premiers nationalistes ukrainiens et qui firent des tentatives avortées et sanglantes de proclamations de républiques ukrainiennes. Bandera n’était alors qu’un adolescent (né en 1909). Les diverses tentatives se déroulèrent durant le chaos de la Révolution russe, et de l’effondrement des empires centraux. De ce chaos émergea plus tard Stepan Bandera.

Une Ukraine écartelée depuis des siècles. A cette époque, la Pologne qui avait été démantelée par les différents partages (1772, 1792 et 1795), n’existait plus. Les provinces polonaises de « l’Ukraine », alors désignées sous leurs noms de provinces (Galicie occidentale et orientale, Volhynie, Transcarpates), étaient intégrées à l’empire des Habsbourg. C’est dans ce giron, que dans une tentative de politique de « tolérance » et de reconnaissance des nationalités et peuples de l’empire, que fut créé le « mariage austro-hongrois » (1867). Le régime autorisa le développement des cultures nationales, et accorda quelques libertés, qui éclairées par l’exemple hongrois, donnèrent des idées aux Ukrainiens. C’est dans cette zone qu’au contact de l’Europe centrale, et plus largement de l’Occident, que l’idée nationale ukrainienne trouva ses racines. Dans une série de révolutions durant le Printemps des Peuples (1848), le nationalisme se propagea dans toute l’Europe et fermenta. Cette fermentation était issue de la Révolution française et des campagnes napoléoniennes, elle eut pour terrain d’abord l’Italie et l’Allemagne, mais se répandit dans l’Europe centrale et les Balkans. Le mouvement déclencha une série de guerres qui conduisirent à l’indépendance et la création de nouveaux états en Europe (Grèce 1821, Italie 1861, Allemagne 1871, Serbie, Bulgarie et Roumanie 1878). La Première Guerre mondiale fut l’occasion pour les empires centraux d’avancer à l’Est, et d’occuper la plus grande part de l’Ukraine ainsi que Kiev. C’est eux, déjà, qui armèrent et attisèrent le nationalisme ukrainien (Hetman Skoropadsky). De l’Ouest de l’Ukraine, les nationalistes ukrainiens eurent pour la première fois l’opportunité d’agir sur un territoire plus vaste. Un temps, ils espérèrent même fonder un pays, mais divisés échouèrent et furent engloutis dans le grand brasier de la Guerre civile russe. Non sans que leurs soldats se livrent à de nombreux pogroms et massacres.

Des chefs ukrainiens divisés et plusieurs États ukrainiens… parfois ennemis. Dans cette anarchie totale, les Allemands tentèrent de fonder un État fantoche qui s’écroula dès la signature de l’armistice de novembre 1918. Les chefs ukrainiens étaient de tendances politiques différentes. L’on trouvait d’un côté des hommes issus des mouvements révolutionnaires et socialistes, influencés par la Révolution russe de 1905, et par leur filiation avec la Russie. Ils fondèrent une Rada centrale à Kiev et furent un moment des alliés des Bolcheviques. L’Hetman Skoropadsky était lui d’une famille aristocratique et était une garantie pour la bourgeoisie et les propriétaires terriens menacés par la Révolution russe. Son Union nationale ukrainienne rallia un temps les faibles forces nationalistes. Les éléments les plus contre-révolutionnaires se trouvaient dans cette faction, et passèrent ensuite dans les rangs de la République nationaliste ukrainienne. Plus à l’Ouest, de purs ukrainiens, des régions de Lvov et d’Ivano-Frankovsk, fondèrent une autre république ukrainienne… dont la tendance était nationaliste, mais aussi marquée de l’influence des uniates et des catholiques (dont la filiation était de l’empire Habsbourg et polonaise). Ces hommes se divisèrent lors… de l’invasion polonaise déclenchée par le maréchal Pidsulski (1919), les uns ralliant la Pologne (la préférant à l’arrivée des Russes et des Bolcheviques), les autres combattants tout le monde ! Au milieu de cette division, d’autres Ukrainiens, des régions de l’Est, fondèrent des républiques socialistes et bolcheviques, à Kharkov et dans le Donbass (filiation de la Révolution de 1905 et 1917). Pour compliquer le tout, d’autres chefs ukrainiens qui étaient socialistes, espérèrent un État ukrainien indépendant, mais allié de la Russie bolchevique. Et pour finir, un révolutionnaire et anarchiste (Nestor Makhno), leva finalement une armée complète de paysans (armée verte) qui combattit les autres partis, avant de s’allier aux Bolcheviques, qui liquidèrent plus tard ce gêneur… Si vous ajoutez encore des troupes de l’Entente débarquées à Odessa, et les armées blanches de la contre-révolution, l’imbroglio était total.

L’accouchement dans les douleurs du Bandérisme, la forme la plus extrême du nationalisme ukrainien. La fin de la Guerre civile russe, et les différents traités qui réglèrent les questions de frontières dans l’Europe centrale et de l’Est, ne changèrent finalement que peu la situation des Ukrainiens. La Tchécoslovaquie et la Roumanie héritèrent de territoires ethniques ukrainiens, avec le soutien de leurs alliés français et britanniques. La Pologne annexa le reste des territoires occidentaux, et l’URSS garda finalement le centre, le Sud et l’Est du pays (traités de Saint-Germain, Trianon, Versailles, Riga, conférences des ambassadeurs de Gènes et Paris, 1919-1923). Les différents chefs nationalistes poursuivirent leurs existences en exil, pour l’essentiel en Pologne, Tchécoslovaquie, Allemagne et France. Cette première génération ne joua finalement pas de rôle dans la suite de l’histoire (ou presque). La radicalisation des nationalistes ukrainiens se fit dans la zone sous contrôle polonais. La langue ukrainienne (contrairement aux régions contrôlées par l’URSS, la Tchécoslovaquie, la Roumanie) était interdite en Pologne dans les écoles et l’administration. Sur ce terreau naquit une haine du Polonais, qui s’ajoutait à celles déjà ancrées du Juif ou du Roms. C’est dans cet espace, peuplé de seulement 60 % d’Ukrainiens, que les théories racialistes des nazis trouvèrent rapidement un terreau fertile (jusqu’à nos jours). Le reste de la population était constitué de Polonais (25%), de Juifs (12%), de Roms, d’Allemands ethniques, de Hongrois et de quelques autres minorités. La suite fut simple, dès la fin des années 20, l’OUN, Bandera et les nationalistes ukrainiens furent recrutés par la République de Weimar, puis logiquement par l’Allemagne nazie. Bandera et Choukhevytch furent des agents de l’Abwer. Plus tard, ils participèrent à la Shoah par balles, et exterminèrent les minorités ethniques dans les massacres de Volhynie (1943-1944). De cette base est né le bandérisme contemporain ukrainien, véhiculant un très lourd passif. Ce dernier est aujourd’hui nié ou minoré par l’Occident (et presque assumé).

Des chefs nationalistes qui malgré eux accouchèrent de Bandera. Pour en savoir plus et pour ceux qui voudraient approfondir un peu, voici un mini-dictionnaire qui vous permettra d’aborder les principaux personnages et entités politiques de l’Ukraine nationaliste pré-bandériste.

Stepan Klotchourak (1895-1980), originaire de la Transcarpatie, alors dans l’empire des Habsbourg. Il fit des études supérieures à Vienne, et servit comme officier dans l’armée impériale durant la Première Guerre mondiale (1914-1918). Il fut l’un des chefs de l’insurrection houtsoule et fut désigné comme président de la république du même nom et commandant de l’Armée ukrainienne de Galicie (OUGA). Il participa aux combats contre les bolcheviques et l’armée blanche de Denikine, puis à la défaite se réfugia en Tchécoslovaquie, le territoire de la petite république ayant été attribué à cette dernière (Traité de Saint-Germain, 1919). Il participa à des activités politiques, la publication de journaux, autour du nationalisme ukrainien. Durant les événements tragiques de 1938-1939, les Ukrainiens (Choukhevytch en tête), formèrent un « Sich des Carpates » (d’où le nom du bataillon ukrainien actuel, Carpatian Sich), et une sorte d’État indépendant ukrainien, dont il fut l’ambassadeur et « ministre » (15-18 mars 1939). La Slovaquie ayant été formée comme État fantoche de l’Allemagne, le reste de la Tchécoslovaquie ayant été annexé par les nazis (mars 1939), et la Transcarpatie ayant été attribuée à la Hongrie par l’arbitrage allemand, il prit la fuite et s’installa à Prague (1939-1945). Il ne mena plus d’activités politiques, et ne collabora ni avec la résistance, ni avec les nazis. Il fut arrêté par le Smersh soviétique (20 mai 1945), et condamné à 8 ans de goulag. Il fut emmené dans le camp de Vorkouta, libéré (1953), mais assigné à résidence (jusqu’en 1957). Il fut autorisé à s’installer en Tchécoslovaquie, et tenta de poursuivre ses activités nationalistes clandestines. Il réussit à faire envoyer un mémoire, qui fut publié à New York (1978), provoqua une perquisition du KGB et la confiscation de toutes ses archives (1979). Il mourut peu après, le 8 février 1980, à Prague.

Evgueni Konovalets (1891-1938), originaire de la région de Lvov, fils d’un instituteur. Il fit des études supérieurs à Lvov en droit, et participa à de nombreuses activités politiques et nationalistes. Il entra au Conseil général de l’Union étudiante ukrainienne (1913), puis fut mobilisé dans l’armée austro-hongroise (1914). Il fut fait prisonnier par les Russes (1915-1917), mais fut libéré par la Révolution de Février (1917). Il rejoignit Kiev, et fut l’un des nationalistes qui firent le coup d’État qui mena à la fondation de la Rada centrale, et de l’OUNR (1918). Il leva des volontaires et combattit dans les rangs ukrainiens. Il se livra avec ses hommes à d’horribles pogroms et massacres ethniques (1918-1919). Les Ukrainiens ayant été écrasés, l’armée de l’OUNR se disloqua et fut dissoute (décembre 1919). Il fut fait prisonnier par les Polonais et interné dans un camp (1920). Libéré, il passa en Tchécoslovaquie. Il devînt rapidement le principal chef des nationalistes ukrainiens, commandant l’organisation militaire clandestine ukrainienne (UVO, 1920-1938). Trois « armées » furent créées pour lutter contre la Pologne, la Roumanie et l’URSS. Il lança avec Petlioura, après le traité de Riga, des raids sur le territoire de l’URSS, à partir de la zone polonaise (1921). Les troupes ukrainiennes furent décimées, l’URSS protesta auprès de la Pologne, ils prirent la fuite et installèrent le QG ukrainien à Berlin (déjà!). Ce fut la base des bonnes relations entre l’Allemagne (plus tard nazie) et les nationalistes ukrainiens. Après la Conférence des Ambassadeurs (1923), il chercha également des soutiens en Lituanie (qui revendiquait des territoires polonais), qui lui accorda un modeste subside. C’est lui qui lança la politique terroriste contre les Polonais, organisant des assassinats, attentats à la bombe, sabotages et actions clandestines. Bandera et les jeunes nationalistes ukrainiens emboîtèrent le pas. Il peut être considéré comme le « Père de Bandera » (haine des Polonais, des Russes, des minorités ethniques, des Roms, des Juifs, etc.). Entre 1922 et 1928, l’Allemagne finança les activités de l’UVO (2 millions de marks). Il organisa un congrès des nationalistes ukrainiens à Berlin (1927), qui conduisit à la création de l’OUN, puissante organisation politique nationaliste ukrainienne (1929). Pour financer l’UVO et l’OUN, une politique d’attaques de banques, postes et trains postaux fut initiée en Pologne (1930-1938). Il lança aussi une politique d’assassinats des propriétaires terriens polonais et des « traîtres » (plusieurs milliers d’assassinats, incendies de fermes, etc.). C’est à ce moment, que le jeune Bandera apparut à un poste de cadre dans l’OUN. Il engagea l’UVO et l’OUN dans la collaboration la plus totale avec l’Allemagne nazie (1933-1945), et organisa l’assassinat d’un diplomate soviétique. Il rencontra Adolf Hitler à deux reprises, qui lui proposa d’intégrer les Ukrainiens dans des écoles du Parti nazi, dans des écoles militaires et dans les services secrets de l’armée (Abwehr). L’OUN déménagea également à Berlin (1934), et une future légion ukrainienne formée dans le but de la future guerre contre la Pologne et l’URSS. Mais après la signature du traité de non-agression entre l’Allemagne et la Pologne (janvier 1934), il donna l’ordre à Bandera de faire cesser les attaques contre les Polonais. Bandera organisa l’assassinat du Ministre de l’Intérieur polonais (1934). L’Allemagne livra à la Pologne quelques nationalistes et mis fin temporairement à ses soutiens. Ils reprirent très vite, mais il fut liquidé par un agent du NKVD, grâce à une boîte piégée de chocolats, à Rotterdam, le 23 mai 1938. La place fut bientôt occupé par Bandera, le plus extrémiste des nationalistes ukrainiens. Plus tard, il liquida en les faisant assassiner les plus modérés (de l’OUN-M).

Lemkov (République populaire ruthène de Lemkov (1918-1920), après la défaite et l’écroulement de l’empire austro-hongrois, la minorité ethnique des Lemkos proclama son indépendance (5 décembre 1918). Cette république était russophile et souhaitait la renaissance d’un État russe dont elle ferait partie. Isolée aux portes de la Pologne, elle s’opposa à la ZOUNR, et devant les menaces chercha le soutien de la jeune Tchécoslovaquie (en demandant son rattachement avec un statut autonome). Les troupes polonaises occupèrent son territoire (12 mars 1920), et traduire en justice pour haute trahison ses dirigeants. Le territoire fut confirmé à la Pologne par la Conférence des ambassadeurs (Paris, 1923). Son chef, le docteur Jaroslav Kaczmarczyk (1885-1944), fut arrêté par les Polonais (8 janvier 1921), mais fut acquitté dans un procès visant à rallier les Lemkos. Il ne joua ensuite plus aucun rôle important et refusa même de participer à un Congrès des Lemkos à New York de peur des répressions polonaises (1923).

OUNR (République populaire ukrainienne), autoproclamée par la Rada centrale à Kiev (1917-1921), elle n’eut jamais qu’un contrôle partiel sur le pays, le centre avec Kiev et une partie du Sud. Après une éclipse durant l’épisode de la dictature de Skoropadsky (avril-décembre 1918), elle s’autoproclama de nouveau (14 décembre). Devant les menaces diverses (Pologne, Bolcheviques, armées blanches, armée verte), elle se décida à s’unir à la République populaire d’Ukraine occidentale (ZOUNR, 22 janvier 1919). Cette union ne dura guère et fut bientôt dénoncée et rompue par les chefs de la ZOUNR (décembre). Les troupes nationalistes ukrainiennes ayant été écrasées par les différents belligérants, l’Ukraine fut partagée entre les deux seuls combattants encore en lice, la Pologne et les Bolcheviques, par le traité de Riga (1921). Les territoires de l’Ouest restèrent à la Pologne (provinces autrefois des Habsbourg), le reste aux mains des Bolcheviques (territoires autrefois de la Russie tsariste).

Simon Petlioura (1879-1926), voir l’article sur ce personnage dans nos lignes.

Evgueni Petroushevitch (1863-1940), fils d’un prêtre gréco-catholique, il entra au séminaire puis fit des études supérieures en droit à Lvov (diplômé 1887). Il devînt avocat et fonda le Parti National-Démocrate ukrainien (1899), et fut membre puis président de la représentation parlementaire ukrainienne auprès des autorités impériales (1907-1911). Il fut le personnage principal dans la lutte politique qui conduisit à la proclamation de la ZOUNR (13 novembre 1918). Il en fut le premier et dernier président, et après la perte de Lvov face aux Polonais, il prit la fuite et accepta l’union avec l’OUNR (22 janvier 1919). La Roumanie étant entrée dans la danse en s’emparant de la Bucovine, il se fit accorder les droits de dictateur (9 juin). Il se rallia à l’armée de Petlioura (OUNR), qui se rangea aux côtés des Polonais contre les Bolcheviques et ils purent reprendre Kiev pendant deux jours (30 et 31 août). Cette stratégie tourna au désastre après une série de défaites contre l’armée blanche et les Bolcheviques. Il prit la fuite et s’installa en Autriche, à Vienne. Il dénonça alors l’union avec l’OUNR (décembre), et tenta d’empêcher le partage de Riga (1921). Il tenta alors de porter la question « galicienne » (il n’était alors plus question d’Ukraine), à la Conférence des ambassadeurs qui traitaient des derniers problèmes de frontières après la Première Guerre mondiale. Une délégation « galicienne » fut acceptée à la Conférence de Gênes des ambassadeurs (avril 1922), dont il fut le principal dirigeant. Soutenue par la France, la Pologne réussit à enterrer le « projet galicien », dans la Conférence de Paris (15 mars 1923), qui entérinait par l’occupation des troupes polonaises, l’annexion de la « Galicie ». Abandonnée par les puissantes occidentales, les missions diplomatiques durent se dissoudre, et le gouvernement en exil à son tour (mai 1923). Il s’installa ensuite à Berlin et se livra ensuite à une intense propagande nationaliste visant la Pologne. Il lança des parutions, un journal « Le Drapeau Ukrainien », et se lia un moment avec les Soviétiques, fréquentant l’ambassade. Ce glissement vers l’URSS (1925-1930), provoqua des conflits internes, affaiblissant sa position, il perdit toute influence ou presque et vécut dans la gêne, soutenu par Skoropadsky lui aussi installé en Allemagne. Il protesta contre l’invasion de la Pologne, totalement à contre-courant, la nouvelle génération de nationalistes ukrainiens s’engageant derrière l’Allemagne nazie. Il mourut obscurément à Berlin, le 29 août 1940.

Pavel Skoropadsky (1873-1945), d’une famille aristocratique de la région de Poltava, il vécut sa petite enfance en Allemagne (1873-1878), puis fit une école de cadets de l’armée impériale à Saint-Pétersbourg (1886-1893). Il fut versé dans un régiment de cavalerie, passa dans la Garde impériale, puis dans l’État-major et participa à la Guerre russo-japonaise (1904-1905). Il fut nommé colonel (1906), puis général (1912). Il participa à la Première Guerre mondiale, et à la proclamation de la Rada d’Ukraine, il rallia cette dernière (1917). Il fut nommé commandant des forces ukrainiennes, forces (1918), et fut choisi par les Allemands pour être placé à la tête d’un État fantoche ukrainien sous leur égide (avril). Les Allemands fondèrent l’Union nationale ukrainienne et emprisonnèrent les chefs de la Rada (OUNR). Il fut proclamé par un congrès ukrainien Hetman de toute l’Ukraine (29 avril). Il s’empressa d’annuler toutes les réformes sociales de la Rada et donna des garanties aux propriétaires terriens et à la bourgeoisie. Sa dictature ne dura pas longtemps, l’Allemagne contrainte de signer l’Armistice du 11 novembre, évacua bientôt la région. Il avait tenté de négocier son ralliement à l’Entente (France, Grande-Bretagne, etc.). Aussi il proclama une Fédération panrusse (14 novembre), ayant pour but la reconstruction de la Russie… contre les Bolcheviques et les nationalistes ukrainiens. En vain, son armée se délita, son gouvernement fut renversé et il abdiqua (14 décembre). Il prit alors la fuite pour l’Allemagne et s’installa à Berlin. Il fut mortellement blessé par une bombe alliée lors des bombardements de masse de la capitale allemande, et succomba le 26 avril 1945.

Transcarpatie (République de, 1918-1919), aussi dénommée République Houtsoule, fondée dans les Transcarpates, à l’annonce d’une insurrection ukrainienne réussie à Lvov (8 novembre 1918), elle eut une courte existence puisqu’elle décida rapidement d’intégrer la ZOUNR. La région était peuplée en partie de Hongrois, cette dernière invita les Houtsoules à les rejoindre dans le nouvel état indépendant. Ils refusèrent, les Hongrois envoyèrent un bataillon de gendarmerie (22 décembre). Cette unité fut faite prisonnière par les Houtsoules (8 janvier). Devant le danger la république rejoignit la ZOUNR, et lança une offensive contre la Hongrie, occupant quelques localités. Mais elle fut bientôt envahie par des troupes polonaises et roumaines (printemps 1919), et le traité de Saint-Germain accorda la région à la Tchécoslovaquie (10 septembre).

Longin Tsegelsky (1875-1950), fils d’un prêtre gréco-catholique de la région de Lvov, il fit des études supérieures de droit (1886-1894), membre du Mouvement National ukrainien, membre de l’organisation Jeune Ukraine, il se rendit à un congrès étudiant en Grande-Bretagne et critiqua la Russie et le Tsar Nicolas II. A son retour en Autriche-Hongrie, il fut arrêté et emprisonné quelques jours. Il diffusa et créa des journaux de propagande, dont le journal Svoboda, terme qui fut repris par le Parti National-Socialiste d’Ukraine (1991). Il était membre du Parti National-Démocrate ukrainien, de la diète de Galicie (1913), et militait pour l’autonomie de l’Ukraine dans l’empire austro-hongrois. Il fut l’un des agents qui pour l’Autriche, organisèrent des sabotages et des actions de propagandes sur le territoire de la Russie (1914-1917), mais il se retourna contre l’Autriche-Hongrie et fut l’un des fondateurs de la ZOUNR (1918). Il fut secrétaire d’État aux Affaires étrangères, et ambassadeur aux USA (1920-1921). Il ne rentra pas en Galicie et fut naturalisé citoyen américain, et fonda plusieurs journaux nationalistes ukrainiens à New York. Il mourut à Philadelphie le 13 décembre 1950.

Vladimir Vinnitchenko (1880-1951), fils d’un paysan, il fut remarqué et fit des études supérieures, notamment en droit à Kiev. Il y étudia le droit et s’engagea dans le mouvement révolutionnaire et socialiste. Il rejoignit le RouP, le Parti révolutionnaire ukrainien (1901), mais fut repéré pour ses activités de propagande auprès des ouvriers et paysans dans la région de Poltava. Il fut arrêté et expulsé de l’Université (1902), puis mobilisé par la conscription. Il déserta et passa dans l’empire des Habsbourg, s’installant à Lvov (alors Lemberg). Il devînt l’un des chefs locaux du mouvement indépendantiste ukrainien, rédacteur d’un journal nationaliste. Il tenta de faire passer des journaux en Russie, fut découvert et arrêté (juillet 1903). Il fut condamné à une peine de six mois de prison, puis versé dans un bataillon disciplinaire pour y terminer son service militaire (1903-1905). A sa sortie, il repassa à Lvov et fonda le Parti ouvrier social-démocrate ukrainien (OuSDRP, décembre 1905). Il organisa des actions clandestines sur le territoire russe, pour propager la cause révolutionnaire, et la cause nationaliste ukrainienne (1905-1910). Arrêté plusieurs fois, il finit pas s’évader alors qu’il risquait une très lourde peine (1910), et prit la fuite en France. Il se réinstalla ensuite à Lvov (1913-1914). Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, il passa en Russie sous un faux nom, et continua ses activités subversives à Moscou (1914-1917). A la chute du Tsar (février 1917), il fut l’un des députés de la Rada centrale ukrainienne, que les nationalistes avaient fondée dans le chaos ambiant (avril). Il fut nommé par l’OuSDRP chef du parti, puis envoyé auprès du régime provisoire républicain russe, à Petrograd (mai), pour négocier la reconnaissance d’un État ukrainien. La Rada fut tolérée et une autonomie pouvait en ressortir, mais inquiétait le gouvernement provisoire. Invité à une réunion, il fut de fait immédiatement arrêté, mais le coup d’État bolchevique changea la donne (octobre), il fut libéré. Pendant ce temps, la Rada centrale proclama l’indépendance de l’Ukraine (OUNR, janvier 1918). Le nouvel État signa la paix avec les Empires centraux à Brest-Litovsk, et il devînt Premier ministre. Les Allemands motivèrent un coup d’État à leur tour à Kiev, et installèrent l’hetman Skoropadsky à la tête d’un État fantoche ukrainien (Union nationale ukrainienne). Il fut arrêté, mais les Allemands obtinrent sa libération, pensant à la menace de l’armée bolchevique. Il complota et tenta de renverser Skoropadsky, négociant avec les Bolcheviques en secret. Il accepta le principe d’une autonomie dans le futur État soviétique, à condition de mener une ukrainisation du pays (ce qui fut accepté). A la défaite des empires centraux (11 novembre), il lança une révolution avec Petlioura et fonda l’OUNR (République nationaliste ukrainienne). Il fut bientôt écarté comme suspect comme socialiste et trop proche des bolcheviques (début 1919). Il préféra prendre la tangente immédiatement, se rendit à Berne, puis en Hongrie. Il demanda aux bolcheviques hongrois de l’aide, afin de créer une alliance entre la Russie, la Hongrie et l’Ukraine contre l’Entente (France, Grande-Bretagne, armées blanches, etc.). Un projet délirant, la république hongroise fut écrasée, il prit la fuite en Autriche (fin 1919). Il écrivit une imposante Histoire de la révolution ukrainienne, et créa un Parti communiste ukrainien (dissident). Il tenta de négocier avec Lénine son retour, ce qui fut accepté et il rentra en Russie (mai 1920). Il accepta de rejoindre le Parti bolchevique, nommé vice-président du Sovnarkom pour la République Socialiste soviétique d’Ukraine, bombardé Commissaire aux Affaires étrangères. Il ne collabora pas longtemps, et il prit la fuite de nouveau pour l’Autriche (fin 1920). Il s’installa ensuite en Tchécoslovaquie (1922), puis en France près de Cannes (1925). Étrangement, il resta une référence et ses œuvres furent publiées en URSS à plusieurs reprises (1923-1930). Lors de la Grande Famine, il écrivit une lettre de protestation au Comité central du Parti à Moscou (1933), et ses œuvres furent déclarées interdites en URSS. Il refusa de servir l’Allemagne nazie et fut jeté dans un camp de concentration. Il survécut et retourna en France, exhortant Staline à une démocratisation de l’URSS (1950), et mourut le 6 mars 1951.

ZOUNR (République populaire d’Ukraine occidentale1918-1919), le Conseil national ukrainien fondé sous l’empire des Habsbourg, annonça la fondation d’un État ukrainien (19 octobre 1918), qui fut proclamé après la défaite des empires centraux (13 novembre). La république contrôlait la Galicie orientale, la Bucovine et la Transcarpatie. Elle fut immédiatement attaquée par la Pologne, puis la Roumanie, qui écrasèrent les troupes nationalistes ukrainiennes et occupèrent l’ensemble de son territoire (18 juillet 1919). Une partie des forces ukrainiennes rallièrent les Polonais lors de leur guerre contre les Bolcheviques (1919-1920). Son territoire fut finalement partagé entre la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Roumanie. Les chefs de la ZOUNR rompirent finalement l’union avec l’OUNR (20 décembre 1919), et constituèrent un gouvernement en exil qui se dispersa (15 mars 1923).

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2 Comments

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    Wow, article de référence. Merci.

      Laurent Brayard - Лоран Браяр

      Merci à vous, j’ai essayé d’être synthétique, pas simple, c’est une histoire tellement compliquée, et il y a tellement d’autres personnages à évoquer ! en tout cas merci Joseph de votre soutien

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