Parmi les bataillons qui furent à l’œuvre dans le Donbass, le bataillon Harpon est sans doute le plus secret de l’Ukraine. Son commandant nominal, Andreï Levous le déclara lui-même dans une interview en 2015. C’est en effet une unité du SBU, particulièrement chargée de la chasse aux résistants du Donbass, et de manière générale à toutes les personnes en Ukraine favorable de près ou de loin à la Russie. S’il n’existe plus à l’heure actuelle, il fut versé dans le régiment de police spéciale Mirotvorets en août 2015, qui lui continue son œuvre gestapiste en Ukraine. Il est très difficile de découvrir des informations à son sujet, mais ce simple fait augure de sinistres et pendables actions dans toute l’Ukraine, et particulièrement dans le Donbass. Il est certain que les archives du SBU en diraient long sur ses répressions, tortures et assassinats. Peut-être les forces russes pourront-elles s’emparer de certains de ces documents, mais voici en attendant un petit historique d’une autre unité délirante de l’Ukraine.
Un bataillon spécialement formé pour les répressions politiques dans l’Est de l’Ukraine et dans le Donbass. Le bataillon fut formé le 15 septembre 2014, avec des anciens des compagnies d’autodéfense du Maïdan qui avaient fait la révolution dite « de la Dignité » dans l’hiver 2013-2014. Ces hommes étaient tous des fanatiques ultranationalistes, bandéristes et néonazis, radicaux et accompagnés parfois de quelques gamellards. La CIA et les États-Unis financèrent en effet ces compagnies (ce n’est plus un secret), qui tinrent les barricades sur la place du Maïdan et dans la capitale ukrainienne. Les membres du bataillon venaient également du mouvement néonazi S 14, du Pravy Sektor, du Congrès nationaliste ukrainien de la Jeunesse, venus du Parti National-Socialiste d’Ukraine, Svoboda, ainsi que d’organisations scoutes diverses liées aux catholiques uniates. Le bataillon fut l’un des plus secrets des bataillons de représailles. Non pas qu’il ne fut pas connu, mais que contrairement à tous les autres, il ne communiqua que très peu sur ses activités. Il s’agissait en effet d’une unité formée sous l’égide du Ministère de l’Intérieur et opérant directement sous les ordres de la police politique d’Ukraine, le SBU. A ce titre, le bataillon fut envoyé dans la zone ATO (novembre), pour participer surtout aux répressions politiques contre les populations civiles du Donbass, et également au nettoyage ethnique. Il stationna longuement à Kramatorsk, mais aussi Svetlodarsk, ville libérée par les Républicains dans le courant de mai 2022. Ces missions n’étaient en principe pas militaire, mais de police. Le bataillon participa au maintien de l’ordre sur les arrières immédiats de la ligne de front et rechercha activement les résistants pour les neutraliser, tout en terrorisant les populations civiles.
Terreur et contrôle des populations civiles du Donbass. La mission du bataillon était le contrôle systématique des populations, arrestations et contrôles des voitures. Dans le témoignage et l’interview de Davidiouk, ce dernier raconte avec prudence, mais avec précision ce que firent les soldats du bataillon. Il est intéressant de noter que dans son récit, l’agent du SBU indiquait la peur et l’angoisse qu’il ressentait à l’arrivée de la nuit. Car c’est à la nuit que les habitants du Donbass, massivement hostiles à leur agression et au Maïdan, se montraient les plus entreprenants pour se livrer à des opérations de résistances passives ou actives. Les techniques habituelles pour repérer les partisans de l’insurrection républicaine étaient tout d’abord l’arrestation et l’interrogatoire des personnes âgées, plus faibles, dans l’espoir, soit d’une bravade (les plus ancien n’hésitant pas vu leur grand âge à dire ce qu’ils pensaient, puis à creuser dans leur entourage), soit de tomber sur des « bavards ». Ces personnes indiscrètes bien que peu nombreuses l’étaient suffisamment pour prêter main forte aux agents du SBU. Ce sont elles qui dénoncèrent les gens qui avaient participé ou organisé le référendum républicain, et tous « les voisins séparatistes ». J’ai moi-même relevé dans la petite ville de Sartena libérée en 2022, le témoignage d’une grand-mère de plus de 80 ans, qui fut dénoncée par une autre femme de son âge, directrice d’un centre culturel de la diaspora grecque et l’une des rares à supporter l’Ukraine bandériste dans le secteur. Elle fut arrêtée par le SBU, condamnée une première fois à un an de prison avec sursis avec interdiction de quitter la localité pendant toute cette période. Un second procès devait se tenir… le 24 février 2022, lorsque les Russes passèrent à l’attaque. Le drame de ces dénonciations est comparable à ce que l’on vit en France dans les années 1940-1944, des centaines, des milliers de dénonciations, certes d’une minorité, mais qui fit des ravages dans les rangs des populations russophones. Les autres méthodes étaient l’intimidation par l’occupation du terrain, les pressions physiques ou psychologiques sur les populations civiles. Ce qui fut généralement observé partout, c’était d’abord les humiliations, les insultes et les brimades lors des contrôles (dans tout le Donbass), mais aussi dans certains cas le pillage, les tracasseries administratives, la volonté de faire tourner en bourrique les gens. Dans le cas d’un doute, de la découverte d’un suspect, même improbable, quelques menaces et sévices physiques pouvaient également faire l’affaire pour obliger les gens « à se mettre à table ». Les menaces les plus courantes étaient de s’en prendre à leurs enfants, même en bas âges, à leurs vieux parents, ou de les dépouiller totalement. Une autre méthode consistait à s’installer chez des suspects en les jetant dehors et en les enjoignant à quitter l’Ukraine ou le Donbass. Des milliers quittèrent en effet le pays. Les biens de ces gens étaient ensuite volés par les soldats, vendus à des receleurs, offerts à des proches, ou parfois laissés en pâture à des voisins peu scrupuleux qui se chargèrent de nettoyer les habitations des « déportés ». Dans de nombreux cas, suspects ou pas, des gens furent dépouillés totalement ou partiellement de leurs biens seulement parce qu’ils avaient un train de vie plus élevé que la moyenne. Dans ces cas nombreux, les voitures étaient ciblées en premier, disparaissant facilement vers l’arrière et pouvant de plus être chargées d’autres biens volés dans les habitations. Dans une villa volée à leurs propriétaires à Svelodarsk (2014), lors de mon entrée dans la bâtisse au moment de la libération de la ville (mai 2022), il ne restait absolument plus rien du mobilier ou des affaires privées des gens qui avaient habités ici. Tout avait été volé, revendu ou offert en cadeau à des proches. Une autre cible privilégiée était les entrepreneurs et auto-entrepreneurs. Ces cibles faciles à identifier par leurs commerces ou locaux, furent victimes au mieux de rackets, et au pire carrément dépouillés de leurs propriétés. Des fermes ont ainsi été complètement vidées du matériel agricole, des magasins pillés et leurs stocks envolés. Pour ceux assez discrets et prudents pour se taire, une arme redoutable existait pour les confondre : leur téléphone mobile. Saisis, visités et analysés, ceux-ci livraient alors diverses informations, à travers les messageries, les réseaux sociaux, les pages consultées, ou même les SMS. Aujourd’hui le simple fait de communiquer avec sa famille en Russie, ou de donner un opinion contraire à l’Ukraine est passible de très lourdes peines, considéré comme une trahison. Plus d’une personne a disparu ainsi corps et biens. Toutes les villes et villages du Donbass, et certaines d’Ukraine ont leur lot de disparus. On estime à ce jour, que plusieurs milliers de personnes ont ainsi été liquidées dans la région de Marioupol, au moins 300 dans la ville de Slaviansk (etc.) et que beaucoup plus encore ont été emprisonnées, jugées à la va vite par des tribunaux de l’opération ATO et sont devenues des sous-citoyens de l’Ukraine.
Du rêve irréalisable du bataillon de saboteurs aux chevaliers de l’Ordre de la Croix de Fer. Le bataillon aurait dû se livrer à des opérations de sabotages sur les arrières des Républicains, mais fut en réalité employé à contrer les mouvements de résistances, et ne fut jamais en mesure d’organiser la fameuse guérilla dont son chef de bataillon se vanta à de nombreuses reprises. Il y avait peu d’hommes dans le Donbass prêts à trahir leur terre, peu d’espoir d’obtenir de l’aide, et quasi aucune possibilité à un groupe de saboteurs de se maintenir longuement sur les arrières des Républicains sans être immédiatement repérés. Le bataillon fut finalement versé dans le régiment de police spéciale Mirotvorets, unité du Ministère de l’Intérieur (7 août 2015). Une partie des hommes furent à ce moment démobilisés (12 août). L’étude des profils des membres du bataillon montre bien qu’il s’agit d’une unité constituée exclusivement d’hommes venant de l’Ouest de l’Ukraine et de fanatiques russophobes, néonazis, bandéristes, embrigadés souvent de très longue date dans ces mouvements. Ces membres firent souvent le coup de poing sur les barricades du Maïdan, et beaucoup firent connaissances par deux biais : le scoutisme et le milieu des motards. Ces membres sont parmi les plus dangereux des cohortes ukrainiennes, car ils allient à l’idéologie, la haine raciale et l’idée qu’il faudra détruire la Russie et la Biélorussie de fond en comble. De tels extrémistes sont hélas enclins à commettre les pires crimes de guerre, tant sur les civils que sur les prisonniers de guerre. L’une des preuves de ses actions de répressions dans le Donbass, plus que de tenir le front, ce sont ses pertes quasi nulles : seulement deux soldats tués pendant toute son existence. Il est intéressant de noter que ce bataillon si secret de par sa nature d’unité du SBU et de saboteurs, lâcha du lest après sa disparition et que des informations et interviews apparurent deux ans après (2017). La volonté était probablement de servir la propagande et surtout d’humaniser les hommes pour éviter que ce long silence soit interprété comme un aveu de très lourds secrets (qui existent pourtant). Le bataillon garda étrangement une page Facebook très peu vivante mais active jusqu’en 2018.
Pavel Bilous dit Kaboul (?-), ancien des compagnies de défense du Maïdan, il s’enrôla dans un bataillon de représailles qui partit sur le front du Donbass (printemps 2014), et participa à la première bataille de Debaltsevo (été 2014). Il passa dans le bataillon Harpon et fut grièvement blessé à la jambe, au torse et à l’épaule, lors d’un bombardement d’artillerie (22 juillet 2015). Il fut emmené à Kiev pour y être soigné et après une convalescence repris son rang, mais dans le régiment de police spéciale Mirotvorets, où avait été versé Harpon (août).
Evgueny Birioukov dit Kempfer (1980-2015), originaire de la ville de Konotop, il s’enrôla dans le bataillon Harpon après sa formation (décembre 2014). Il fut tué près d’un barrage routier entre Avdeevka et Yassinovataya, lors d’un bombardement d’artillerie, le 22 juillet 2015. Il fut criblé d’éclats d’obus et tué sur le coup, alors que son camarade Gorditchouk était mortellement blessé et deux autres blessés. Il fut enterré dans sa ville natale et laissait une veuve et deux enfants. Il fut médaillé à titre posthume par le Président Porochenko (15 septembre).
Taras Davidiouk dit le Vieux (1986-), originaire de Rivne, membre dès son plus jeune âge d’un mouvement scout bandériste et ultranationaliste. Il participa durant toute sa jeunesse à des camps paramilitaires, créant une organisation scout bandériste qui organisa des camps et des voyages « pour honorer les héros ukrainiens du passé ». Il s’engagea plus fortement dans cette direction en intégrant l’organisation nationale des scouts d’Ukraine Plast. Il entra ensuite dans le groupuscule patriotique local Jeune Mouvement des habitants de Rivne (2002), avec lequel il participa aux restaurations des tombes des soldats collaborateurs de l’Allemagne nazie de l’UPA. Alors que l’association disparaissait (2008), il était devenu une sorte de mentor pour les plus jeunes, qu’il entraîna dans le Mouvement des Scouts Ukrainiens, et travailla bientôt comme journaliste pour le journal ultranationaliste Volyn. Il fonda à cette époque un site de « réinformations » qui distilla dans la société ukrainienne l’idéologique bandériste, la russophobie et la xénophobie (dénommé Gorin). Il s’engagea dans les compagnies d’autodéfense du Maïdan, d’abord dans la 14e puis la 15e compagnie (hiver 2013-2014). Il aurait voulu partir avec ses disciples pour les bataillons de représailles, mais ne fut pas pris faute d’expérience militaire (avril-mai 2014). Il participa d’abord à récolter de l’aide pour les soldats de l’opération ATO, puis il apprit de ses amis scouts du Plast la formation d’un nouveau bataillon. Il s’y enrôla avec des amis, l’unité étant le bataillon Harpon (septembre) et fut envoyé sur le front du Donbass, pour participer aux représailles (2014-2015). Il servit dans le bataillon jusqu’à sa dissolution et son versement dans le régiment Mirovorets (août 2015), et passa un moment dans cette unité (2015-2016). Il s’enrôla ensuite dans une unité de l’armée ukrainienne, dans le 130e bataillon de reconnaissance, restant longtemps dans la région de Svetlodar, puis dans la 14e brigade. Il servit jusqu’à la fin de son contrat (mars-avril 2019), puis rentra à Rivne où il créa une petite agence de presse locale. Il se présenta au bureau d’enrôlement des volontaires le lendemain du déclenchement de l’opération spéciale russe (25 février 2022). Il fut intégré dans une unité de volontaires (26 février) et envoyé rapidement combattre sur le front. Il était toujours vivant le 26 juillet dernier, donnant une interview pour une journaliste d’un média local de Rivne. Il affirmait qu’il se préparait à la guerre contre la Russie… depuis 2006. A ce niveau de haine, on peut imaginer le résultat sur le terrain et au contact des populations civiles du Donbass.
Artem Dimid (1995-2022), originaire de la région de Lvov, fils d’un prêtre et aumônier qui servit dans les rangs d’une compagnie d’autodéfense de bandéristes (hiver 2013-2014). Il s’enrôla lui-même dans les rangs du bataillon Harpon, puis ensuite dans ceux d’Azov (2014-?), où il servit pendant quelques années. Il rentra chez lui, mais il se porta volontaire dès le début de l’opération spéciale russe (24 février 2022). Il fut mortellement blessé dans un combat avec les Russes, et il fut abandonné par ses camarades ayant pris la fuite. Il mourut le jour même dans une ambulance russe, le 18 juin 2022.
Petro Gavrich dit le Corbeau(1975-), ancien soldat de l’armée ukrainienne dans les années 90, puis entrepreneur privé. Il s’enrôla en même temps que des amis dans le bataillon Harpon (septembre 2014), dans lequel il servit jusqu’à son incorporation dans le régiment Mirotvorets (août 2015). Dans une interview en 2017, il avoua à demi mot les violences commises contre les populations civiles du Donbass, portes enfoncées à coups de pied, civils braqués avec des armes à feu, violences verbales et physiques, qu’il assurait être nécessaires « pour montrer son pouvoir ».
Nikolaï Gorditchoukdit le Rongeur(1986-2015), originaire de Rivne, d’une famille de policiers, il vécu à Kamenets-Podolsk où son père était ensuite en poste. Il fit des études supérieures en psychologie dans sa ville, et était un scout de l’organisation bandériste Plast (dès 1993). Il devînt instructeur et chef du camp paramilitaire Légion 12 (2009-2014). il se rendit bientôt célèbre comme musicien et chanteur dans diverses formations musicales « patriotiques », animateur d’une émission pour la jeunesse dans une radio locale. Il participa aux événements et émeutes du Maïdan, venant s’engager à Kiev dans la 15e compagnie d’autodéfense, dite des Hommes Libres, l’une des plus fanatiques (hiver 2013-2014). Ami d’enfance de Koukharouk, il s’enrôla avec lui dans le bataillon Harpon (septembre 2014). Il fut tué dans un bombardement, blessé par des éclats d’obus reçus aux membres et au torse, près d’un barrage routier entre Avdeevka et Yassinovataya, dans la région de Donetsk. Mortellement blessé, il mourut durant son évacuation vers l’hôpital militaire de Krasnoarmeesk, le 22 juillet 2015. Il fut enterré à Kamenets-Podolsk lors d’une cérémonie populaire visant à motiver et augmenter le culte « des héros » (25 juillet). Il fut médaillé à titre posthume par le Président Porochenko (15 septembre), puis par la ville, et de l’Ordre des Chevaliers de la Croix de Fer (mai 2016), tandis qu’une plaque commémorative était installée dans sa ville et qu’une rue était renommée en sa mémoire.
Bogdan Koukharouk (1980-), originaire de Lvov, il fit des études et travailla ensuite dans le tourisme dans sa région. Il était un fan de moto et fréquentait aussi le milieu des motards, où il rencontra d’autres personnages qui s’enrôlèrent plus tard avec lui dans les bataillons de représailles dans le Donbass. Ultranationaliste de longue date, il était aussi un membre depuis son enfance des mouvements scouts bandéristes. Il fut membre de l’association Plast, puis membre du club des seniors de l’organisation nationale des Scouts d’Ukraine, l’Ordre de Fer de l’Ostrog. Ces membres sont adoubés à la manière des chevaliers et se croient investis d’une mission, en particulier de l’anéantissement de la Russie, de la défense de la race blanche et sont convaincus qu’ils font partie d’un peuple d’élite qui sauvera l’Europe « des hordes asiatiques russes ». Il s’enrôla dans les compagnies d’autodéfense du Maïdan, à Kiev (hiver 2013-2014). Ayant des problèmes de santé il ne fut pas appelé par la mobilisation, mais s’engagea dans les soutiens arrières des soldats de l’opération ATO. Il participa au transport du résultat des collectes et à la distribution sur les arrières immédiats du front. Il se porta volontaire à Kiev pour une formation militaire sur un camp d’entraînement, puis s’enrôla dans le bataillon Harpon (septembre 2014). Il servit dans la région d’Avdeevka et de Yassinovataya, et alors qu’il était en patrouille de reconnaissance, une mine le blessa lui et quatre autres soldats, sur les huit alors présents. Il survécut à ses blessures et continua de servir au moins jusqu’à son versement dans le régiment Mirotvorets (août 2015). Il fut nommé à la tête de la police municipale de la ville d’Ivano-Frankovsk, grâce à l’appui népotique de son ami Mikhaïl Maliartchouk (2016). Il intégra dans la ville d’Ivano-Frankovsk, une unité spéciale de police municipale, la Varta, ayant pour mission aux côtés des policiers de maintenir l’ordre dans la ville, sorte de milice populaire pouvant prêter main forte (2018). Il déclara fait intéressant à cette date : « Cela me fait mal de voir comment dans les villes occidentales d’Ukraine, un pourcentage important d’événements criminels sont associés au sentiment séparatiste ». En clair, l’unité était chargée de continuer à pourchasser tous les habitants qui dans cette région pouvait avoir une opinion pro-russe et de poursuivre l’ignoble travail des répressions politiques. Elle se trouvait sous son commandement, forte de 25 hommes, tous vétérans de l’opération ATO. Cette pratique montre ici les dérives de l’Ukraine, en substituant la police municipale à une autre police, politique celle-ci et chargée des sales besognes. Lors de son interview, il portait un t-shirt arborant le wolfsangel de la terrible 3e division SS Totenkopf, la division qui fournissait les gardiens des camps de concentration, en plus d’être une division motorisée puis blindée de la waffen SS. Il fut médaillé de l’Ordre Neskorenikh (2018), ainsi que 42 autres citoyens de la ville d’Ivano-Frankovsk, ordre qui fut fondée cette année-là… à l’exemple de la Légion d’Honneur.
Andreï Levous (1979-), originaire d’un village de la région de Lvov. Pendant ses études secondaires, il rejoignit un mouvement politique ultranationaliste et bandériste, l’Union de la jeunesse ukrainienne indépendante (1994). Il fit des études supérieures à l’Université de Lvov, en histoire, diplômé (2002). Il fut nommé professeur d’histoire et de droit dans le secondaire la même année. Il milita en faveur de la candidature de Ioutchenko (2004), dans le sein du Parti Notre Ukraine. Il devînt l’un des attachés parlementaires d’Andreï Paroubiy (2007-2012). Il se lia très vite à la police politique du SBU, notamment avec l’ancien chef de cette police : Valentin Nalivaïtchenko (2010), avec qui il forma un autre mouvement bandériste, le Renouveau du Pays. Derrière cet homme, il fut l’un des coordonnateurs de l’association ultranationaliste des Hommes Libres, membre du Comité Résistance, dans le contexte très particulier de la défaite électorale cuisante de Victor Ioutchenko, qui ne fut pas réélu, et remplacé par Ianoukovitch avec les voix des populations russophones. Il fut le porte-parole de Nalivaïtchenko lors des élections législatives de la Rada d’Ukraine, alors que ce dernier était candidat dans la région de Ternopol (2012). Il fut l’un des principaux activistes lors de la révolution du Maïdan, commandant-adjoint, en charge de la propagande et l’un des agents salariés par la CIA. Il prit à partir de ce moment de l’importance sur le plan politique, puisqu’il fut nommé commandant adjoint du SBU (26 février 2014), et bientôt commandant du bataillon spécial de représailles, le bataillon Harpon (septembre). Il se présenta comme candidat à la Rada d’Ukraine (octobre), et fut élu sur une liste du Front populaire de Iatseniouk. Il fut nommé à une commission de la Rada chargée des questions de la sécurité nationale et de la défense, ainsi que de celle chargée des relations de l’Ukraine avec l’OTAN. Il fit une déclaration publique en faveur des groupes terroristes et djihadistes tchétchènes (décembre), ce qui déclencha des poursuites pénales à son encontre en Tchétchénie. Il enregistra à la même époque une organisation publique, le Réseau pan-ukrainien des Hommes Libres (30 décembre). Il présenta une loi pour interdire que les citoyens russes puissent posséder des entreprises et monopoles sur le territoire ukrainien, qui fut votée (mars 2015). Le procureur d’Ukraine entama une procédure judiciaire à son encontre, suite à une plainte de Victor Medvedchouk qu’il avait accusé de séparatisme (janvier 2016), mais l’affaire fut vite classée (26 janvier). Il lança une pétition dans une quinzaine de grandes villes ukrainiennes pour faire condamner Medvedchouk pour trahison et séparatisme (mars 2017). Ce dernier contre-attaqua en l’accusant d’être impliqué dans la préparation de son assassinat, et une procédure judiciaire fut de nouveau lancée contre lui par le Procureur général d’Ukraine. Une fois encore elle fut classée sans suite. Il demanda également le boycott de la chaîne de télévision INTER, et l’expulsion du pays du politologue et journaliste Igor Chouvalov. Il fut couché sur une liste de citoyens ukrainiens sanctionnés par la Fédération de Russie (2018). Il s’attaqua au mouvement des gilets jaunes en France, en affirmant que le Kremlin était derrière cet important mouvement de grogne et de protestations. Il déclara que le mouvement était « une internationale populiste d’extrême-gauche ou droite, qui avait l’objectif de déstabiliser et de diviser l’Occident, selon des modèles idéologiques supportés par le Kremlin et visant à détruire l’Union Européenne et l’OTAN, tout en sapant les systèmes politiques et l’économie de ces pays » (2018). Il se représenta à son siège aux élections législatives de la Rada d’Ukraine (2019), dans le Parti Solidarité européenne de Porochenko et ne fut pas réélu. Après cette défaite, il milita dans les rangs des opposants à Zelensky, pour empêcher toute évolution diplomatique en faveur de la résolution de la crise du Donbass, et faire capoter les accords de Minsk. Il demanda aussi à cor et à cris, l’interdiction de tous les partis d’oppositions, l’interdiction de tous les médias qui n’étaient pas dans la ligne ultranationaliste de l’Ukraine, et la fermeture de toutes les églises et monastères qui dépendaient du Patriarcat de Moscou. Il fonda le Mouvement contre la Capitulation (2020), faisant des déclarations d’une rare violence, sur la nécessité d’envahir la Russie et de démanteler et dépecer ce pays, sans parler de la déportation des populations russes ou de leur extermination. Il fut inquiété par Zelensky, impliqué dans un scandale de corruption, notamment dans la perception illégale d’une compensation financière pour son loyer à Kiev, durant son mandat de député à la Rada, se montant à 14 000 euros pendant une période d’environ 3 ans (2014-2017). Le Procureur d’Ukraine chargé de la lutte contre la corruption lança une procédure judiciaire contre lui (2020-2021). Ce vieux dossier permis rapidement de remettre à sa place ce gêneur du temps passé, mais l’affaire tomba dans les limbes judiciaires sinueuses et corrompues de l’Ukraine.
Oleg Loukiantchouk (1996-), originaire de Kiev, simple étudiant en médecine, il participa aux émeutes et violences durant la Révolution du Maïdan (hiver 2013-2014). Il chercha à s’enrôler dans les bataillons de représailles pour le Donbass, mais ayant des problèmes de poids, il fut refusé. Il se porta alors volontaire pour un camp d’entraînement et de formation, mais se cassa la jambe dans les premiers jours suivant son arrivée. Après une longue convalescence, il fut contacté par un ami qui servait dans un bataillon dans la région de Debaltsevo. Ce dernier lui proposa de le suivre dans un nouveau bataillon, le bataillon Harpon (hiver 2014). Malgré sa jambe non remise, il fut pris grâce à ses connaissances en médecine et incorporé dans le service médical (janvier 2015). Il servit dans l’unité jusqu’à son versement dans le régiment Mirotvorets (août), et continua de servir, au moins jusqu’en 2017, date où il donna une interview avec d’autres anciens du bataillon Harpon (11 juillet).
Mikhaïl Maliartchouk dit Askold(1988-), originaire de la ville d’Ivano-Frankovsk, militant ultranationaliste et bandériste convaincu, il entra jeune dans les mouvements de cette idéologique et même en politique, car il fut élu au Conseil municipal de la sa ville et était un fonctionnaire et officier du département de recrutement du service ukrainien dans la région des Carpates. Il participa l’un des premiers à la Révolution du Maïdan, d’abord à Ivano-Frankovsk, puis vînt à Kiev pour s’engager dans une compagnie d’autodéfense (hiver 2013-2014). Il s’enrôla avec des amis dans le bataillon Harpon à sa formation (septembre 2014), et fut envoyé sur l’arrière du front, notamment dans la région de Gorlovka (2014-2015). Il servit dans le bataillon jusqu’à son versement dans le régiment Mirotvorets, où il fut intégré (août 2015). Il servait toujours dans ce régiment spécial de police lorsqu’il donna une interview à un média ukrainien (26 avril 2017). Askold est le nom d’un varègue compagnon de Riourik, qui fut assassiné sur ordre de son fils Oleg le sage. Nous sommes dans la plus pure tradition russophobe, où ce chef aurait été évincé par la dynastie des Riourikides, dans l’idée d’une éternelle victimisation de l’Ukraine qui bien sûr n’exista véritablement que dans la tête des premiers nationalistes ukrainiens au XIXe siècle. Cette légende est tirée d’une interprétation des différentes versions d’un texte de la Rus’ de Kiev, La chronique des temps passés. Il était président de l’Alliance d’Ivano-Frankovsk des anciens combattants de l’ATO, Légion de la Liberté (2018).
Ordre de Fer de l’Ostrog, ou Chevalier de la Croix de Fer, mouvement et organisation politique et confrérie « de chevaliers », fondée en 1917 par des nationalistes ukrainiens dans la région de Lvov. L’ordre après la défaite des armées nationalistes de Simon Petlioura qui avait commis de nombreux pogroms de juifs dans ses campagnes (1918-1921), survécut et essaima dans les différentes régions de l’Ukraine alors sous contrôle polonais. L’ordre organisa des camps « de formation », des voyages à vélo et fut bientôt interdit par les Polonais comme une organisation terroriste (1930). L’organisation perdura dans la clandestinité, puis ses membres collaborèrent avec l’Allemagne nazie et luttèrent dans les rangs de l’UPA (1939-1958). Ce qui restait des « chevaliers » continua toutefois son activité jusqu’à sa résurrection et sa croissance après l’indépendance de l’Ukraine (1991). Il devînt l’un des mouvements scouts les plus importants de l’Ukraine contemporaine, possédant à travers le pays un important réseau : à Lvov, Kiev, Ternopol, Ivano-Frankovsk, Lutsk, Rivne, Vinnytsia, Khmelnitski, Tcherkassy etc. Des compétitions sportives furent organisées, des spartakiades pan-ukrainiennes et des camps d’été (1996-à nos jours). Des milliers de jeunes furent ainsi embrigadés et continuent de l’être. De nombreux membres du bataillon Harpon en firent partie, et les plus anciens et chefs intégrés dans une organisation de seniors. La presse ukrainienne parle de ces derniers « comme des légendes vivantes ».
Danil Ribaltchenko dit le Poisson (?-), militaire de carrière qui servait dans les forces de l’armée de l’air ukrainienne. Il affirma n’avoir jamais fait de politique, ni s’y être intéressé jusqu’à la Révolution du Maïdan. Alors militaire sous contrat, il assista au début du conflit dans le Donbass, puis démissionna de l’armée et pris sa carte dans le parti néonazi Pravy Sektor (mars 2014). Il travailla comme bénévole puis fut envoyé sur la base de formation militaire 169 de Desna qui formait les hommes des bataillons de représailles. Il devait intégrer une unité de guérilla et de saboteurs, formée dans la région de Kherson et qui devait être envoyée en Crimée (plan qui ne fut jamais réalisé). Après un entraînement intensif et une longue station en face de la Crimée (octobre 2014-janvier 2015), il suivit finalement des camarades de son unité, tous membres du Pravy Sektor, pour intégrer le bataillon Harpon (janvier 2015), où il servit jusqu’à son versement dans le régiment Mirotvorets (août 2015). Il semble bien qu’il continua d’y servir.
Anna Stetsko dite Mitrailleuse (1981-), originaire de la ville d’Ivano-Frankovsk, liée dès son plus jeune âge au mouvement bandériste et néonazi. Elle travailla comme employée de banque et dans des archives avant la révolution du Maïdan. Elle se rendit à Kiev avec plusieurs centaines de bandéristes de sa ville, s’enrôlant dans une compagnie d’autodéfense (hiver 2013-2014). Elle se porta volontaire pour être former à des techniques de combats, dans un camp près de Kiev et tenta d’intégrer l’armée ukrainienne (avril 2014). Elle eut beaucoup de difficulté à se faire admettre et ne fut pas retenue, aussi s’enrôla t’elle dans le terrible bataillon Aïdar qui laissa une traînée de sang et des dizaines de cadavres lors de sa marche dans le Donbass (été 2014). Le bataillon ayant été décimé par les Républicains dans la bataille des frontières (un tiers de l’effectif tué au combat), elle préféra intégrer les rangs du bataillon Harpon alors en formation (septembre). Elle servit dans les rangs du bataillon jusqu’à son versement dans le régiment Mirotvorets, puis préféra rentrer chez elle (printemps 2016). Il est probable qu’elle se soit portée volontaire en 2022. Son seul service dans le bataillon Aïdar fait d’elle une criminelle de guerre en puissance.
Youri Titorenko dit l’Artiste (1983-), originaire de Ternopol, il mena une vie apolitique et sans remous jusqu’à la révolution du Maïdan, travaillant comme designer. Il avait passé une grande partie de son existence à se passionner pour la moto et connaissait le chef de bataillon Zhuk par ce biais. Bien que marié et avec des enfants, il s’enrôla dans le bataillon Harpon (début 2015), à l’exemple de ses amis, inventant pour son épouse des histoires sur le fait qu’il ne serait pas envoyé dans la zone de l’opération ATO. Il fut blessé par une mine lors d’une patrouille, avec un autre soldat, tandis que deux autres soldats du bataillon furent déchiquetés par la mine. Il rentra chez lui à la disparition de son unité et son versement dans le régiment Mirotvorets (août 2015). Il déménagea pour la ville d’Ivano-Frankovsk, où la plupart de ses bons amis furent recyclés dans la police municipale avec l’aide du conseiller municipal Maliartchouk (vers 2016). Il fut interviewé avec plusieurs camarades, tous motards et bikers et son portrait dressé dans une vidéo youtube, évoquant son passage dans le bataillon Harpon. On sent dans cette interview un certain malaise, l’homme témoignant les bras croisés, un signe de fermeture qui est bien connu. Son témoignage est d’ailleurs le plus court qui fut enregistré des compères : 4 min 35, contre plus de 21 pour Maliartchouk. Il s’enrôla comme volontaire après l’opération spéciale russe (24 février 2022), et fut médaillé de la Croix Cosaque remise par la ville d’Ivano-Frankovsk (6 juin).
Constantin Zhuk (?-), officier du Ministère de l’Intérieur d’Ukraine, mais aussi du SBU, commandant adjoint mais en réalité aux commandes de l’unité en l’absence de Levous, jusqu’à sa dissolution, il passa dans le régiment Mirotvorets (août 2015). Il est peut-être un parent de Rouslan Zhuk, chef du département des forces de sécurité du service d’État d’urgence de la ville de Rivne. Il était le président de l’association nationale des motocyclistes d’Ukraine (2022). Cet officier pourrait en dire très long sur ce qui se déroula dans les coulisses du SBU durant son service. Il n’y a quasiment pas d’informations sur lui sur la toile.