Cette organisation nationaliste fut fondée en Ukraine occidentale en 2009. Ce groupuscule extrémiste se revendiquait d’une idéologie « nationale socialiste révolutionnaire », en opposition et conflit avec toutes les organisations nationalistes ukrainiennes bandéristes « de droite », comme le Trizoub, le Parti National-Socialiste d’Ukraine, Svoboda, le S 14, le Marteau Blanc, les Patriotes d’Ukraine, etc. Elle se présenta comme une alternative de gauche pour des nationalistes ukrainiens qui ne se reconnaissaient pas dans l’héritage bandériste de droite. Elle avait pour modèle à la fois l’UPA et le nationalisme bandériste, l’anti-communisme, mais aussi l’anti-capitalisme. Ce mouvement, après quelques années d’activités fut la cible de répressions politiques du SBU, puis sombra dans les limbes de l’histoire. Les raisons principales des répressions furent l’extrémisme politique, et sa quasi disparition fut liée à la mainmise des groupes nationalistes bandéristes de droite sur le Maïdan de l’hiver 2013-2014. Son histoire donne aussi un autre éclairage de certains des « personnages » qui se trouvaient sur les barricades de Kiev en 2014.
Les étranges nationalistes ukrainiens « de gauche », admirateurs de la SS. Le mouvement tenta de se structurer et réussit à fonder des cellules dans une vingtaine de villes d’Ukraine (Kiev, Lvov, Vinnitsya, Ternopol, Dniepropetrovsk, Zaporojie, Nikolaïev, Odessa, Sébastopol, Simferopol, Kherson ou Tchernigov). Pour se reconnaître et dans un aspect paramilitaire et anarchiste, le standard du vêtement du militant devait être une tenue noire, des lunettes de soleil, et un mode de vie sain sans alcool et sans drogues tiré de la sous-culture punk Straight edge. Le mouvement organisa une première manifestation à Kiev, pour la fête du 1er mai (2009). Elle rassembla environ 500 militants, puis organisa une marche autonome de l’UPA. L’organisation se montra immédiatement violente, troubles de l’ordre public, incendies criminels, agressions de personnalités, dont un député du Parti de Région à Zaporojie (tirs avec des armes traumatiques). L’année suivante d’autres cellules furent créées dans le pays, à Donetsk, Krivoï Rog, Poltava, Rovno, Soumy ou Tcherkassy, et un site d’informations fut ouvert (2010). Environ 200 actions et manifestations furent organisées à travers tout le pays, notamment des grèves, sur le thème commun aux bandéristes « de la libération des prisonniers politiques ». Les principales manifestations furent une marche aux flambeaux en mémoire « des Héros » à Lvov, avec plus de 1 000 militants (culte bandériste des morts), et la marche en mémoire des soldats de la division SS Galicie, avec plus de 2 000 participants. L’année 2011 vit le même nombre de manifestations, ponctuées de violences. La marche du 1er mai « contre le capitalisme » devînt le grand moment de l’organisation, avec les autres manifestations bandéristes habituelles (par exemple l’anniversaire de la fondation de l’UPA). Le mouvement pouvait à cette époque rassembler plusieurs milliers de militants et pris des contacts avec d’autres organisations nationalistes en Lettonie, Biélorussie et Russie. Il s’illustra dans des tentatives de désordres et perturbations de la Fête de la Victoire du 9 mai, avec pour cible politique prioritaire le Président Ianoukovitch. Et il fut aussi à la base du recyclage de l’insigne de la division SS Das Reich (ensuite symbole du bataillon Azov en 2014), wolfsangel blanc sur un drapeau noir (symbole désigné comme représentant (l’Idée de la Nation, ou AO).
Une bouillie idéologique incompréhensible. Dans l’année 2012, au milieu de parutions « nationales-révolutionnaires », les principales influences furent définies comme Nestor Makhno, le général Franco, Joseph Staline, Stepan Bandera, ou encore le grand écrivain ukrainien Taras Shevchenko. De cette bouillie, la Résistance Autonome y ajouta un pan écologique, ainsi que la « philosophie de la protestation » (grèves et manifestations permanentes). S’y ajoutèrent aussi la diffusion de leurs idées par des événements « culturels », ou le « sport ». Le mouvement obtînt des succès notables, en organisant une « Conférence Internationale » (2012), rassemblant des néofascistes de gauche venus du pays, de Russie, de Biélorussie, de Pologne et d’Italie. Les marches furent organisées parfois en chemises traditionnelles ukrainiennes (comme à Vinnytsia), ou en l’honneur de l’anarchiste et commandant d’une armée verte, Nestor Makhno. Il atteignit alors son apogée en réussissant à rassembler parfois plus de 3 000 personnes, notamment et surtout à Lvov. Les agressions se multiplièrent contre les bureaux du Parti des Régions dans plusieurs villes. Lors des élections législatives, le mouvement appela ses militants à ne soutenir aucun candidat en lice (y compris le parti National-Socialiste d’Ukraine, Svoboda), ainsi qu’à détruite les bulletins de vote. Se rappelant l’aspect anti-capitaliste, le mouvement lança des actions en faveur des salariés, dénonçant « l’exploitation des travailleurs, les constructions illégales, les escroqueries des personnels dans les entreprises, l’expulsion des squatteurs ». Ils se lièrent aux mineurs qui prirent d’assaut la Maison de la Fédération des Syndicats, à Kiev (mars 2013), et avait réussi à fonder un grand « centre social » avec une salle de sport, surnommé « la citadelle » (Lvov). S’enhardissant, ils s’attaquèrent également au Parti Svoboda, menaçant des députés, provoquant des heurts et des bagarres. Ce parti ayant placé des députés à la Rada, les répressions s’abattirent sur le mouvement. Des demandes furent faites pour fermer « la citadelle », et la police procéda à l’arrestation de 58 militants, dont plusieurs furent condamnés. Le mouvement dénonça alors la xénophobie des autres factions bandéristes, mais se positionna également « contre l’héritage du colonialisme » (défini comme russe). Le mouvement détruisit également des chantiers considérés comme illégaux et réussit à faire cesser plusieurs constructions, dérangeant certainement toute une faune politique et mafieuse locale.
Des émeutiers du Maïdan et marrons de la farce. Logiquement, la Résistance Autonome envoya des centaines d’émeutiers armés dans la capitale (hiver 2013-2014). D’autres groupes participèrent au coup d’État américain dans les villes de Lvov et de Tchernigov. Les confrontations eurent également lieues contre les militants du Parti Svoboda, notamment à Lvov, où la Résistance Autonome s’empara de l’administration régionale (28-29 janvier 2014). En Crimée, où le mouvement avait une antenne, mis en minorité et face à une population massivement pro-russe, la plupart des militants prirent la fuite (idem pour ceux de Donetsk et d’autres localités du Donbass). Le mouvement avait tenté de prendre une position médiane à ce sujet, en affirmant « la guerre entre les peuples, non ! La paix entre les classes, oui ! ». Ces déclarations sombrèrent bientôt dans le déclenchement de la guerre dans le Donbass. Faisant fi de leurs bonnes intentions, des dizaines de militants du mouvement s’enrôlèrent dans les plus terribles bataillons de représailles de l’Ukraine : Aïdar, Azov, Donbass, Shakhtarsk, OUN, ou encore Lougansk-1. Le mouvement atteignit à cette date son apogée, avec plus de 1 000 manifestations et actions souvent musclées à travers le pays. Ils prirent même un moment le contrôle du Marché de la gare de Lvov, le revendiquant « autogéré » et le défendant pendant des mois contre les forces de l’ordre. Le mouvement n’étant pas sous le contrôle de l’État (ou allié à ce dernier), une vague de perquisitions, d’arrestations fut lancée contre les militants. Des explosifs, des armes, de grosses sommes d’argent furent découvertes, et des extrémistes condamnés. Le Maïdan ayant accouché d’un nouveau régime, les plus extrémistes des militants ayant été dissous dans les unités de police supplétive et de l’armée, le mouvement entra alors bientôt en agonie. Marginalisés et minoritaires dans le mouvement bandériste, ils furent bientôt contrebattus et pourchassés par les hommes du Pravy Sektor, et du corps des volontaires du DUK (2015-2016). Pour empêcher les troubles, les forces de l’ordre s’interposèrent lors d’une des fameuses marches organisées à Lvov (2015). La Résistance Autonome se coucha et annula la manifestation. C’était la mort du mouvement. Quelques années plus tard, il fut dissous officiellement (2018), et rejoignit une autre formation politique extrémiste : Avant-Garde. Le bandérisme altermondialiste de gauche avait vécu.
Le Petit Dico. Le petit dictionnaire qui suit est très modeste, les informations en sources ouvertes étant rares sur les membres de la Résistance Autonome. L’enrôlement de nombreux de ses membres dans les pires unités de représailles de l’Ukraine, aura conduit à la fin d’un mouvement bandériste de gauche, qui se posait à son époque « en alternative ». N’ayant aucun membre devenu chef de bataillon, fonctionnaire dans les ministères, dans la police du SBU, ou s’étant hissé sur un siège de la Rada d’Ukraine, le mouvement s’éteignit faute de soutien international, national, d’argent, et faute de « troupes ». Totalement aspiré par l’aura et le prestige des nouvelles formations politiques ou militaires, les militants désertèrent et les autres disparurent dans l’obscurité ukrainienne. En 2022, des formations « anarchistes et nationalistes » réapparurent toutefois dans les rangs de l’armée ukrainienne.
Comité Noir (2009-2014-2018), groupuscule bandériste et néonazi fondé en Ukraine (1er mai 2009), lié au mouvement de la Résistance autonome. Défendant des idées assez similaires, le comité fournit bon nombre de militants pour le coup d’État du Maïdan (hiver 2013-2014). Le mouvement décida se rejoindre le Secteur Droit de Iaroch après sa formation (novembre 2013), mais d’autres militants poursuivirent leur chemin de leur côté. Le Comité Noir décida de se dissoudre et entra dans l’organisation nationaliste et anarchiste de l’Avant-Garde (10 novembre 2018).
Zénon Dachak (19 juillet 1994-), originaire de Lvov, militant de la Résistance Autonome, membre du syndicat Protection du Travail, il donna des conférences de presse où il dénonça « Les coups et la répression des militants durant les manifestations à Lvov », dénonçant le Président Ianoukovitch, mais aussi le Parti Svoboda (août 2013). Il fut l’un des coordonnateurs de la Résistance Autonome pour la direction des militants lors du coup d’État du Maïdan (2013-2014). Il termina sa carrière en s’enrôla dans les rangs du terrible bataillon de représailles Aïdar (2014), unité qui se livra à de nombreux crimes de guerre dans le Donbass, au point de faire réagir jusqu’à la communauté internationale (rapport d’Amnesty International, Médiapart, etc.). Il servit au moins quelques années dans l’unité. Son sort actuel n’est pas connu. C’est un criminel de guerre présumé pour les crimes commis dans le Donbass dans l’été 2014.
Idéologie, les grandes lignes de la Résistance Autonome en termes d’idéologie étaient : la révolution socialiste, le nationalisme, l’anti-mondialisme, l’anti-capitalisme, l’anti-autoritarisme, l’anti-impérialisme, la culture et les traditions populaires en opposition à la culture de masse, l’écologie, la philosophie de protestation (grèves et manifestations permanentes), le sport, la vie saine.
Alexandre Koltchenko (26 novembre 1989-), originaire de Simferopol, Crimée, il fit des études secondaires et travailla comme simple employé dans l’imprimerie. Militant de la Résistance Autonome, militant écologiste. Il participa à des manifestations pro-Maïdan, s’encarta au Pravy Sektor, puis participa à des rassemblements en faveur de l’Ukraine (printemps 2014). Il décida de ne pas prendre la fuite après le retour de la Crimée au giron russe (mars 2014) mais fut bientôt arrêté par la FSB (16 mai) et transféré à Moscou (23 mai). Le mouvement cria « aux répressions politiques », et fit des collectes de fond pour le soutenir. Il refusa de collaborer à son procès, affirmant être un citoyen ukrainien. Il fut condamné après une longue procédure à 10 ans de prison (2015-2016). Une manifestation de nationalistes ukrainiens eut lieu devant l’ambassade de Russie à Paris, pour demander sa libération (30 juin 2015). L’OSCE demanda ensuite sa libération et déclara sa détention illégale (juillet). Il fut ensuite reconnu comme « prisonnier politique » en Occident (3 août). Le Président Porochenko l’a médaillé « pour le courage » (24 septembre). Il entama une grève de la faim pour la libération d’Oleg Sentsov (31 mai 2018), qui ne dura pas. Il fut finalement échangé avec l’Ukraine (7 septembre 2019). Une fondation nationaliste ukrainienne finança l’achat de 4 appartements à Kiev pour lui et sa famille (novembre). Il s’est porté volontaire lors de l’opération spéciale russe (2022), et a été envoyé à l’entraînement, se mariant peu après (avril).
Alexeï Makarov (?-), militant extrémiste de la Résistance Autonome, plusieurs fois condamnés pour des actions violentes, incendies, agressions. Il fut libéré après avoir purgé sa peine (2011), et pris la fuite en Suède, où il obtînt ensuite le statut de « réfugié politique ».
Alexandre Ogorodnikov (?-), originaire de Soumy, membre de la Résistance Autonome, il fut condamné à une peine de prison pour l’incendie criminel des bureaux du Parti des Régions dans cette ville (2011). S’il était encore en prison, il fut forcément libéré par le Maïdan.
Anton Parabol (?-), militant de la Résistance Autonome, il fut l’un des coordonnateurs des émeutiers du mouvement durant le Maïdan de l’hiver 2013-2014.
Boris Stomakhine (24 août 1974-), originaire de Russie, extrémiste et néonazi russe proche du mouvement Résistance Autonome. Il tenta de développer un mouvement similaire en Russie. Il lança un journal politique extrémiste et militait pour l’indépendance de la Tchétchénie (2000-2011). Ses publications furent reprises par les terroristes tchétchènes en exil et réfugiés en Europe occidentale. Il affirmait vouloir le démantèlement de la Russie et déclarait « la dissolution de l’empire colonial russe ». Il fit des déclarations terribles : « les Russes doivent être tués, et seulement tués. Parmi eux, il n’y a pas de gens normaux, intelligents, avec lesquels on pourrait parler et dont on pourrait espérer être compris. La responsabilité collective est totale, de tous les Russes, de tous les citoyens fidèles à la Russie ». Il revînt légèrement sur ses déclarations assassines mais déclara « qu’il ne pouvait s’identifier à ce stupide troupeau de bovins bipèdes, à cette abomination qui boit et pille, et bien sûr, un russe normal ne me dénoncera pas car j’écris la vérité ». Il fut condamné pour « Incitation à la haine et à l’hostilité pour des raisons raciales ». Libéré (21 mars 2011), il ne tarda pas à récidiver et fut de nouveau arrêté (20 novembre 2012). Libéré de nouveau, il fit des déclarations délirantes « Les Moscovites ont été installés dans les années 40 dans la Crimée déserte par Staline, et ils ont voté lors d’un faux référendum pour l’annexion de la Crimée à la Russie, il ne serait pas grave de les noyer dans la mer, ou de les brûler dans des fours ». Il fut alors arrêté et condamné pour justification du terrorisme (22 avril 2014), à une peine de 6 ans et demi de prison. Après avoir purgé sa peine, il prit la fuite en Occident, et fut invité en Ukraine à la formation du groupe Avant-Garde (2018). Il fut ensuite reconnu « comme victime de répressions politiques » en Occident (2019). Il s’engagea dans le soutien de l’Ukraine et l’abandon de la Crimée et des républicains du Donbass (2022). Il entra ensuite dans la sorte de « gouvernement en exil » formé par Khodorkovski en Lituanie « le forum des peuples libres ». Une des « œuvres » majeures de ce grand malade porte le titre de « Lénine, fascistes et la liberté des minorités sexuelles ».
Les organisations Résistance Autonome, Comité Noir, Avant-Garde, Azov ou Forum des Peuples Libres sont interdites en Fédération de Russie et définies comme faisant l’apologie du terrorisme, de la haine raciale et de l’extrémisme.