Le bataillon Sainte-Marie n’a aujourd’hui plus d’existence car il fut dissous à la fin de l’année 2016. Mais son histoire interpelle grandement, à la fois par le choix de son nom, mais aussi par les hommes qui se trouvaient derrière sa création. Ils sont deux et leurs biographies sont extrêmement intéressantes. Elles conduisent à une frange peu connue du nationalisme ukrainien, engagé dans une guerre mystique et quasi religieuse du Patriarcat de Kiev contre celui de Moscou. Vous découvrirez à ce propos un christianisme… anarchiste et révolutionnaire, ultranationaliste et radical, qui montre bien que l’hydre nationaliste ukrainienne peut prendre des formes et des couleurs différentes et étonnantes. Derrière tout cela se trouve également un micro parti politique, le Parti Fraternité, fondé par un personnage sulfureux et chaotique du nom de Dmitri Kortchinskiy. Son histoire à elle seule vaut un roman… de série B, sorte de mercenaire, philosophe raté, en révolte permanente, qui fut dans le passé successivement pro-russe puis pro-ukrainien, retournant les vestes, changeant de couleur et en représentation permanente. Il ira jusqu’à la glorification de la SS. La religion chrétienne n’est cependant ici qu’un décor, car derrière se cache en fait une violence inouïe. La compagnie fit même partie avant sa création du bataillon Azov et participa au massacre de Marioupol et aux répressions terribles contre les populations civiles du Donbass. Quelques centaines de paumés ou de crédules auront été entraînés derrière-eux, certains en seront morts, ce qui reste d’eux est même groupé dans un « bataillon Fraternité » d’agités et d’extrémistes.
Au nom du Christ, de la Sainte-Vierge et d’Azov. Il fut formé le 21 septembre 2014, par des ultranationalistes ukrainiens également liés au orthodoxes du Patriarcat de Kiev. Une première compagnie fut fondée sous le nom de Fraternité, puis compagnie de Jésus Christ, dans le sein du bataillon néonazi Azov (printemps 2014). Ce bataillon étant formé essentiellement au départ d’ultranationalistes adorateurs des dieux païens slaves et vikings, ainsi que d’athées, la compagnie ne faisait pas bon ménage et détonnait dans le paysage azovien. La compagnie fut envoyée rejoindre Azov, en garnison à Marioupol. Les habitants de la ville d’Irpen, non loin de Kiev organisèrent une collecte pour acheter un minibus blindé et des fournitures et médicaments pour la compagnie (11 octobre). Une autre collecte fut organisée à Odessa, par le maire-adjoint qui envoya des réserves de nourriture, 120 paires de chaussures militaires américaines, des vêtements pour le personnel médical, des casques en kevlar et enfin un camion militaire Kraz (de fabrication ukrainienne). A la même époque, les étudiants et militants nationalistes de l’Université nationale polytechnique de Lvov achetèrent également une voiture Opel Frontera pour la compagnie. Elle participa ensuite essentiellement et de manière indépendante à des missions de reconnaissances, d’infiltrations et de sabotages sur les arrières des Républicains, en position à Marioupol. Les éléments de la compagnie Sainte-Marie furent envoyés dans le bataillon de représailles Shakhtersk. Ce bataillon en partie composé d’un ramassis de pillards et de transfuges du Donbass s’était livré depuis le début de juillet 2014, à des exactions nombreuses contre les populations civiles, notamment par des pillages systématiques, des rackets et des violences inouïes. La compagnie Sainte-Marie n’eut toutefois pas le temps de relever le niveau, car d’autres débordements provoquèrent la dissolution du bataillon (16 octobre). La compagnie Sainte-Marie, des forces de police et quelques éléments récupérables de Shakhtersk servirent alors à former le bataillon Sainte-Marie, dépendant du Ministère de l’Intérieur (fin 2014). Cette unité de police devait participer avec le SBU, à la chasse aux résistants, aux répressions politiques, aux barrages et contrôles routiers et aux quadrillages des zones civiles occupées dans le Donbass. Après avoir végété toute l’année 2015 et une partie de l’année 2016, les éléments les plus fanatiques, notamment ceux de l’ancienne compagnie d’Azov commencèrent à donner leur démission pour aller s’enrôler dans des unités combattantes, mieux équipées, mieux loties ou tout simplement rentrèrent chez eux. Les effectifs s’érodèrent lentement jusqu’à que le commandant du bataillon, Kortchinskiy, prenant du pauvre effectif et de la faible motivation des volontaires présents, se décide de lui-même à l’annonce de l’auto-dissolution du bataillon (22 juin 2016, effective sans doute après septembre).
Un dérangé mystique et adorateur de la Croix… amoureux des agitations politiques et de la guerre. Parmi les fondateurs du bataillon se trouvait une curiosité politique ubuesque de l’Ukraine, un certain Dmitri Kortchinskiy (1964-), originaire de Kiev, il fit des études universitaires dans l’industrie agroalimentaire (1982-1984), puis fit son service militaire dans l’Armée soviétique (1985-1987), et retourna à l’université pour étudier l’histoire (1987). Il fut membre de l’Union Helsinki ukrainienne, et de différentes organisations de l’opposition au régime communiste (1987-1988), avant de fonder sa propre organisation, l’Union de la Jeunesse ukrainienne indépendante (1989). Il s’engagea dans les manifestations de masse à Kiev contre l’URSS, et fut bientôt arrêté par le KGB comme dissident politique. Il se radicalisa en étant l’un des fondateurs à la fois de l’Assemblée nationale ukrainienne (OUNA), mais aussi de la Fondation d’autodéfense populaire ukrainenne (OUNSO), mouvements extrémistes, ultranationalistes, bandéristes fricotant également avec le néo-nazisme (1990). Il s’enrôla comme mercenaire du côté des insurgés russes de Transnistrie (1992), puis revînt en Ukraine, où il organisa la capture de la Laure de Kiev-Petchersk avec des militants ultranationalistes et du Patriarcat de Kiev. Il se présenta pour la première fois aux élections de la Rada, sans succès (novembre). Il s’enrôla ensuite comme mercenaire dans la guerre d’Abkhazie, dans le camp des Géorgiens et contre les pro-russes changeant radicalement de camp (1993). A son retour, il se présenta une seconde fois à la Rada d’Ukraine, et ne fut pas élu (9,87 %, mars 1994). Il s’enrôla ensuite comme mercenaire durant la Première Guerre de Tchétchénie, aux côtés des séparatistes (1994-1996), puis fut exclu de l’OUNA par les ultranationalistes ukrainiens (1997). A son retour, il créa l’organisation radicale nationaliste Bouclier de la Patrie, organisa des manifestations dans la ville d’Odessa (1998), avant de fonder un Institut des problèmes de la Politique régionale et de la Science politique moderne (1999), qui évidemment ne trouva aucune audience. Il réitéra en fondant le Parti Fraternité (1999-2002, officialisé en 2004), et commença une ascension politique lente. Bientôt remarqué, il réussit à devenir animateur dans différentes émissions politiques à la télévision (2001-2004). Il organisa et participa à une émeute non loin de l’Ambassade du Canada (2003). Il se présenta même à l’élection présidentielle au moment de la Révolution Orange (0,17 %, 2004), puis prit le parti de Ianoukovitch et des pro-russes (changeant encore une fois de camp). Il dénonça l’illusion que représentait Iouchtchenko. Il s’associa au Parti socialiste progressiste, déclarant lutter contre le rapprochement de l’Ukraine à l’OTAN et aux États-Unis. Il se rapprocha également du national-bolchevique et de l’étrange Alexandre Dougine, pendant une courte période (2004-2007). Il fit alors de nouveau un virage à 180° en prenant position pour la Géorgie et s’enrôla comme mercenaire (2008), puis revînt faire de la télévision (2009-2010).
Fermentation intense de cervelle jusqu’à la glorification de la SS. Il appela au soulèvement en faveur du Maïdan (hiver 2013-2014), faisant une déclaration publique en ce sens (30 novembre 2013), et mena l’assaut avec environ 300 de ses militants contre le bâtiment de l’administration présidentielle. Ils se livrèrent à des violences, en usant de cocktails Molotov et d’armes à feu, de gourdins et de chaînes. Après l’assaut d’un point bancaire au bulldozer, la police ukrainienne lança un mandat d’arrêt contre lui (1er décembre). Prenant peur, il abandonna là ses camarades et passa à l’étranger, le Ministère de l’Intérieur annonça qu’il était recherché par un mandat Interpol (15 décembre). Il fut finalement arrêté en Israël (5 février 2014), mais la Révolution du Maïdan étant sur le point de réussir, le mandat Interpol fut annulé, et il fut libéré (6 février). Son parti Fraternité fut bientôt interdit sur le territoire de la Crimée par le Parlement de la République autonome (11 mars), et une procédure judiciaire fut entamée contre lui en Arménie (15 mars), puis en Russie (21 mars), ou son parti fut interdit (17 novembre). Il rentra en Ukraine et fut amnistié par la loi sur « les prisonniers politiques », s’enrôlant bientôt dans la compagnie Sainte-Marie (septembre). Il participa aux opérations militaires qui suivirent, passa au bataillon Shakhtersk, puis fut le second, puis le commandant du bataillon Sainte-Marie (fin 2014-2016). Suite à un mandat d’arrêt international lancé contre lui par la Russie (2013), pour des crimes de guerre commis en Tchétchénie, il fut arrêté en Italie à l’aéroport de Rome (novembre 2015), mais bientôt libéré. C’est lui qui annonça la dissolution du bataillon devenu squelettique (2016). Il tenta de perturber avec des militants homophobes, la Marche de l’égalité en faveur des LGBT (2016), mais ils furent arrêtés par la police avant d’être relâchés. Il déclara que l’Ukraine n’était pas prête à s’engager dans une offensive en Crimée et qu’elle devait attendre le début de l’effondrement du régime russe, en maintenant la pression sur le Donbass (2018), puis annonça qu’il participerait à la glorification des combattants SS de la division à l’occasion des cérémonies pour la Victoire contre l’Allemagne nazie (8-9 mai). Il fit encore une déclaration assassine lors de l’ouverture du pont de Crimée en souhaitant qu’il fut une potence pour le Président Poutine et que tous les participants à la construction de cet ouvrage soient exécutés (18 mai). Suite à cela il fut couché sur une liste de citoyens sanctionnés par la Fédération de Russie (1er novembre 2018). Il alla encore plus loin au sujet des vétérans de l’Armée Rouge, en déclarant qu’ils étaient ou des criminels de guerre ou des victimes, demandant que tous les vétérans survivants fassent individuellement des excuses aux combattants de l’UPA, et qu’ils jettent toutes leurs médailles (1er décembre). Il supporta la candidature à l’élection présidentielle de Porochenko (2019). Après l’élection de Zelensky, il émit de nombreuses critiques à l’égard du Président Zelensky, bientôt médaillé par un métropolite du Patriarcat de Kiev (octobre). Il fonda une école de Philosophie à Kiev, où il enseigna ensuite (2020). Il décrivit son mouvement politique comme « le Hezbollah chrétien », ou les « talibans orthodoxes ». Il fut accusé à la fois par les nationalistes ukrainiens d’avoir été un agent de la Russie, et par cette dernière d’être un agent provocateur de l’OTAN. Ses nombreux livres sont interdits en Russie pour ses positions antirusses notoires. Il participa en compagnie des néonazis du S14 à des manifestations visant à obtenir la fermeture et l’interdiction de chaînes télévisées pro-russes en Ukraine (hiver 2020-2021). Il se plaignait amèrement de l’échec de la guerre dans le Donbas et du fait que dans d’immenses parties de l’Ukraine, les populations ne regardaient que la télévision russe et ne supportait pas du tout le régime de Kiev (janvier 2021). La liste des provocations et articles à ce sujet sur Kortchinskiy prendrait des dizaines tellement ce personnage délirant n’a cessé en plus de 30 ans de générer des scandales divers et variés.
Un deuxième comparse tout aussi agité… le fondateur de la compagnie de… Jésus Christ. S’il s’agissait d’un dérangé tout cela serait plutôt drôle, mais voici maintenant l’histoire d’un second personnage : Dmitri Linko (1987-). Originaire de la ville de Kirovograd, il milita en faveur de la Révolution Orange et pour l’élection de Victor Iouchtchenko (2004). Il participa à cette époque à l’agression d’un militant pro-russe, chef de l’organisation Patrie Unie, Valery Kaurov, sur lequel il versa un seau d’excréments (2007), ce fut son premier « fait d’armes » en tant qu’ultranationaliste. Il fit des études supérieures à Kiev, diplômé en géologie (2008), participant à une manifestation qui tourna à l’émeute, pour commémorer « les héros » de l’UPA et le 66e anniversaire de la création de cette armée nationaliste collaborationniste (18 octobre 2008). Il fut arrêté pour des violences et troubles à l’ordre public avec huit autres fanatiques surexcités. Il se fanatisa encore un peu plus lors d’une manifestation en l’honneur de Maxime Tchaïka (1988-2009). Lui aussi étudiant, 4e année de journalisme à l’Université d’Odessa, dont il était originaire, il faisait partie d’une organisation ultranationaliste dénommée « Gloire et Honneur », ainsi que du fan club de l’équipe de football dans la même ville. Il fut tué lors d’une rixe entre militants d’extrême-droite, et militants d’extrême-gauche antifa (17 avril 2009), blessé de deux coups de couteau, il mourut de sa blessure quelques heures plus tard. La mort du jeune homme provoqua une forte émotion et une vague de colère, de violences et d’émeutes. Les ultranationalistes considérèrent que les coupables étaient des pro-russes, tandis que le mouvement antifa se défendit en qualifiant la mort de Tchaïka comme une légitime défense. L’affaire tournant au psychodrame et pouvant entraîner des dérapages, le père de Maxime Tchaïka appela à ne pas venger son fils. Iouchtchenko en personne lança la police politique du SBU sur les traces du meurtrier. Pour l’anniversaire de sa mort, Linko participa à une manifestation qui vira à l’émeute et l’assaut des bureaux d’un politicien local connu pour ses opinions pro-russes : Igor Markov (avril 2010). Il fut arrêté avec d’autres ultranationalistes, puis bientôt jugé. Des ordres furent donnés en haut lieu, il y eut un non-lieu et la libération des prisonniers. Mais l’affaire mécontenta alors les populations russes, aussi un nouveau mandat d’arrêt fut lancé contre lui. Il préféra s’enfuir et réussit à se cacher d’abord en Inde. Il écopa par contumace de quelques mois de prison. Avec son ami Alexis Serediouk, il passa ensuite en Égypte… où il participa aux manifestations de la révolution colorée égyptienne contre Hosni Moubarak qui fut renversé (janvier-février 2011). Il revînt en Ukraine, son affaire oubliée, il se présenta même aux élections législatives de la Rada d’Ukraine (2012), dans les rangs du Parti Fraternité, prônant le Christianisme, le national-anarchisme et le christianisme nationaliste… Il échoua mais persista en se présentant au Conseil régional de Tcherkassy, sans plus de succès (2013). Ce révolutionnaire passablement illuminé, passa ensuite en Turquie, où il participa aux manifestations contre Erdogan (juin 2013). La Révolution américaine du Maïdan lancée à Kiev durant l’hiver 2013-2014, lui donna la chance de revenir au pays. Il donna en effet toute sa mesure, commandant d’une compagnie d’autodéfense du Maïdan dite de Jésus Christ. Ses hommes capturèrent un bulldozer qu’ils utilisèrent pour prendre d’assaut un point bancaire. La police le déclara à cette occasion de nouveau recherché. Mais dans la fournaise de la révolution, sa compagnie participa aux violences et émeutes, qui coûtèrent la vie à 17 policiers, environ 110 civils, sans compter plus de 1 900 blessés.
Du massacre de Marioupol au siège confortable de la Rada d’Ukraine. Amnistié suite à la réussite de la Révolution, il s’enrôla avec ses camarades dans le bataillon Azov. Il commandait la 5e compagnie et participa aux massacres commis par le bataillon à Marioupol, notamment après la reprise de la ville par les ultranationalistes et néonazis (13 juin 2014). Il passa avec ses hommes dans le bataillon Shakhtarsk, avec qui il combattit à Peski, Mariinka et Ilovaïsk durant la bataille perdue des frontières (juillet-août). Ce bataillon se livra à des pillages et des exactions terribles contre les civils, au point qu’il fut bientôt dissous (16 octobre), la compagnie Sainte-Marie fonda alors le bataillon du même nom dont il prit le commandement nominal jusqu’à sa dissolution (fin 2014-2016). Très ambitieux, il se présenta aux élections législatives de la Rada, et fut largement élu (27 novembre 2014), sous l’étiquette du Parti Radical de Liashko, une formation politique nationaliste, populiste, avec un programme social de gauche et de lutte contre les oligarques et la corruption. Il avait par ailleurs fondé le mouvement de la Jeunesse du Parti Radical, dont il avait prit la tête. Il fut mêlé à une agression verbale musclée, où avec un autre député ukrainien radical, ils prirent à partie dans l’Assemblée du Conseil de l’Europe, un membre de la délégation russe, et chef de file du Parti communiste, Guénady Ziouganov ainsi que son adjoint Ivan Melnikov. Ils les aspergèrent également de sang symbolique. L’échange acide de propos et l’agression avaient pour objet la détention de l’infâme criminelle de guerre et néonazie ukrainienne, Savtchenko, députée de la Rada et alors détenue par les Russes (26 janvier 2015). Un peu plus tard, accompagné de 15 sbires armés jusqu’aux dents, il attaqua dans le centre de Kiev, un office notarial (20 avril). Ils saisirent de force les locaux, le matériel et le mobilier, puis arrachèrent l’enseigne pour la remplacer par un panneau annonçant les bureaux de sa représentation comme député. La police étant arrivée sur les lieux, ils ne purent pénétrer dans les lieux, Linko se protégeant avec son immunité parlementaire. Il fut accusé dans une sombre affaire (31 mars 2017), commencée en 2010, à savoir l’extorsion par un journaliste, dénommé Goujva, d’une somme de 10 000 dollars, payée par Linko à ce dernier pour ne pas publier un dossier très compromettant. Linko déposa une plainte à son tour (juin), et déclara que toute l’affaire avait été montée contre lui dans un complot organisé par le SBU et sur ordre de Porochenko. Ses dernières révélations furent faites par lui et son ami Igor Mosiychuk en 2019, lui-même ancien député et membre du Parti néonazi Pravy Sektor. Goujva prit ensuite la fuite en Autriche où il demanda l’asile politique (1er octobre 2018), suite à des menaces de mort très claires. Plus tard, alors que des militants nationalistes étaient mis en cause dans le vol de voitures, il se rendit avec une vingtaine de gros bras à leur procès, dans un tribunal à Kiev. Il agressa avec sa bande le juge Sergeï Rodionov, lui cracha dessus et sema un chaos total lors de l’audience (8 octobre 2017). Il indiqua ensuite que les militants avaient été arrêtés suite à un pot de vin de 50 000 dollars qu’aurait reçu ce juge. L’immunité parlementaire de Linko enterra finalement l’affaire. Lors d’un plateau TV sur la chaîne NewsOne, un autre politicien du Parti Radical, Sergeï Melnichouk, lui frappa au nez d’un coup de poing, dans une bagarre mémorable en plein direct (avril 2018). Malgré une plainte cette affaire tourna mal pour le député, son certificat médical ne confirma pas le nez brisé qu’il avait déclaré, et un procès se tînt où Linko fut débouté de sa plainte. Une autre savonnette fut glissée sous ses pas, la révélation que sa mère avait soudainement reçue une somme de 4 millions de Hryvnia (après son élection comme député en novembre 2014), d’une provenance inconnue et alors que cette dernière vivait avec des ressources très modestes. L’affaire n’eut jamais aucune suite. Il fut inclus sur une liste de sanctions de la Fédération de Russie (1er novembre 2018), et ayant repris des études fut diplômé en droit à l’Université de Kiev (2019). Il ne parvînt pas à se faire réélire à la Rada, toujours pour le Parti Radical qui fut balayé de l’assemblée. Il fut par contre élu au Conseil général de Kirovograd, élu également vice-président (11 décembre 2020). Il apparut ici et là dans des déclarations contre la corruption dans la presse, et a disparu quasiment des radars médiatiques. Il est fort probable qu’après le déclenchement de l’opération spéciale russe (24 février), il ait tenté de s’enfuir d’Ukraine. Pris par les Russes sur le front, il aurait gros à perdre et beaucoup à raconter, il se trouve certainement à l’arrière ou à l’étranger.
Il y a peu de choses à dire après la lecture des deux biographies hallucinantes de ces deux personnages, que rajouter de plus ? Mais citons encore pour mémoire :
Valéry Derech (1982-2015), originaire de l’Ouest de l’Ukraine, de la ville de Khmelnitsky, il étudia à l’université pour devenir interprète et traducteur, diplômé (2005). Il défendit une thèse sur « L’influence des médias et d’Internet sur les processus politiques aux USA ». Il s’enrôla et devint le chef d’une troupe nationaliste et orthodoxe de scouts, du Patriarcat de Kiev, dénommée « Les Saints », lui-même ayant le surnom de Amen. Il occupa divers emplois et se maria. Il s’enrôla dans une compagnie d’autodéfense du Maïdan, et participa aux violences à Kiev (hiver 2013-2014). Il suivit la compagnie Jésus Christ de Linko, au sein du bataillon Azov, devenue la compagnie Sainte-Marie, puis dans le bataillon du même nom. A ce titre il fut impliqué dans les massacres et terribles répressions politiques menés à Marioupol (après le 13 juin 2014), puis aux batailles de Mariinka, de Peski et à la déroute militaire de la bataille d’Ilovaïsk (août-septembre). Il participa également à des reconnaissances et des sabotages sur les arrières des Républicains. Il fut tué dans un accident de voiture avec deux autres soldats, Vasily Rosokha et Leonid Soukhatsky, dans une reconnaissance menée dans la région de Pavlopol, non loin la route express entre Marioupol et Donetsk, le 22 février 2015. Sa ville natale en fit un citoyen d’honneur un peu plus tard.
Kirill Heinz (1986-2015), originaire de Koursk en Russie, d’origine ethnique allemande. Il fit des études professionnelles pour devenir électricien. Contaminé par l’idéologie nazie, il passa en Ukraine pour s’enrôler dans les bataillons de représailles et intégra entre autre le bataillon Sainte-Marie (septembre 2014). Il fut blessé mortellement à Pavlopol, non de loin de Marioupol et Volnovakha, le 10 février 2015, durant une reconnaissance. Une cérémonie de mémoire fut organisée en l’honneur de tous les « soldats » ukrainiens morts durant la guerre contre les Républicains du Donbass, son nom étant cité comme celui d’un « héros ». Un héros qui avait trahi sa patrie… la Russie.
Vasily Rosokha (1992-2015), originaire de Kiev, il fit des études en économie et en finances, notamment à l’École nationale du fisc, à Irpen. Membre d’un fan club ultra de l’équipe de football de Kiev, militant ultranationaliste, il s’enrôla dans une compagnie d’autodéfense du Maïdan et participa aux émeutes et violences (hiver 2013-2014), au sein de la compagnie Jésus Christ de Linko. Il suivit ses camarades dans le bataillon Azov, compagnie Sainte-Marie, et participa lui aussi aux mêmes crimes et batailles que Derech (printemps 2014-hiver 2015). Il fut tué dans l’accident de voiture qui les tua ainsi que Soukhatsky, le 22 février 2015.
Oleksi Serediouk (?-), originaire de Kiev, pour le début de son histoire se référer à la biographie de son ami Linko ci-dessus. Ultranationaliste, membre du Parti Fraternité, il participa au Maïdan américain à Kiev (hiver 2013-2014). Il suivit la compagnie d’auto-défense Jésus Christ de Linko, dans les rangs du bataillon Azov, participant aux mêmes crimes et batailles durant toute la période (printemps 2014- fin 2016), passant dans la compagnie Sainte-Marie, puis de là dans le bataillon Shakhtersk et dans le bataillon Sainte-Marie dont il devînt l’un des cadres et officiers supérieurs. Après la dissolution du bataillon il rentra à Kiev, où il se fit remarquer dans différentes actions violentes en compagnie d’autres fanatiques et vétérans des massacres de l’ATO. Il travailla ensuite et jusqu’à ce jour comme journaliste et activiste pour la presse d’extrême-droite. Il manifesta notamment pour la fermeture des chaînes de télévision pro-russes en Ukraine, puis fut arrêté par la police, menaçant de sauter par une fenêtre, cependant après une scène tragi-comique, il préféra se rendre (4 février 2021). Il fut bientôt libéré. Il fut pris dans une rixe alors qu’il menait une enquête et pris à partie par une bande de pro-russes originaires de Kharkov (selon ses dires), mais plus probablement par des trafiquants caucasiens (on aime les romans en Ukraine). Ayant demandé les papiers de l’un d’eux, il fut passé à tabac et roué de coups de poing et coups de pied. Il ouvrit ensuite le feu sur ses agresseurs qui échangèrent un feu nourri contre des policiers arrivés sur les lieux. Étant en civil, il fut arrêté, ainsi que quatorze autres personnes, il y eut deux blessés (1er février 2022). Il fut ensuite transporté dans un hôpital jouant passablement la comédie. Son Facebook révèle qu’il s’est marié avec une ultranationaliste couverte de tatouages (mai). Il se rend parfois sur les arrières du front et partait visiter il y a quelques jours le bataillon de volontaires ultranationalistes Vikings (24 juin).
Leonid Soukhatsky (1969-2015), originaire de la ville de Katowice en Pologne, il effectua son service militaire dans les forces armées polonaises et devînt commandant de char. Il émigra en Ukraine, s’installant dans la ville de Tetiev dans la région de Kiev. Il s’enrôla dans les pompiers (1993), commandant de la caserne de la ville (2000-2008), puis travailla dans le privé (2008-2014). Après le commencement de la guerre dans le Donbass, il s’enrôla dans les forces ukrainiennes aux côtés des ultranationalistes, intégré dans la 17e brigade mécanisée ukrainienne, au grade de sergent-chef (28 août 2014), il resta dans cette unité jusqu’en décembre et rentra en permission. Il parada dans un programme TV, affirmant avoir détruit trois véhicules ennemis et racontant avoir servi dans la région de Marioupol. Revenu en Ukraine pour combattre, il fut mortellement blessé dans l’accident de voiture qui tua Derech et Rosokha, le 22 février 2015. Il laissait une veuve et une fille. Il fut décoré à titre posthume par le Président Porochenko (22 septembre), et la ville de Tetiev en Pologne le fit citoyen d’Honneur.
Azov est une organisation interdite en Fédération de Russie, pour l’apologie du terrorisme, le radicalisme, l’incitation à la haine et l’extrémisme