Andreï Melnik est une des figures du nationalisme ukrainien, bien moins connue que Bandera, puisqu’il fut mis en minorité, après un conflit politique qui provoqua la scission de l’OUN, en OUN-B (Bandera) et OUN-M (Melnik). Il avait été pourtant nommé chef de l’OUN (1939), et rêvait de devenir « le Führer » des Ukrainiens. Cependant ses partisans furent en partie exterminés et assassinés par les bandéristes, ses maquis détruits, ralliés ou dissous. A l’ère contemporaine, la figure plus séduisante (c’est dire !), de Stepan Bandera devait l’éclipser au point qu’il est désormais oublié. L’homme n’avait cependant pas grand-chose à envier à Bandera. Il était même déjà un chef historique des nationalistes ukrainiens durant la Guerre Civile russe, et avait trempé dans les massacres et pogroms de Juifs, de l’armée de Petlioura. Voici l’histoire d’un personnage qui essaya d’être à la place de Bandera, et fut effectivement élu par un congrès nationaliste ukrainien « chef à vie des Ukrainiens ».
Les débuts d’un nationaliste dans l’armée des pogroms de Petlioura. Il naquit en 1890, dans la région de Lvov, dans l’Ouest de l’Ukraine qui était alors une partie de l’empire Austro-Hongrois. Il était issu d’une famille pauvre de paysans, par ailleurs membres de l’église gréco-catholique, toujours très hostiles aux chrétiens orthodoxes. Il s’enrôla dans l’armée austro-hongroise (1912), entamant en même temps des études d’ingénieur à Vienne, la capitale de l’empire. Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il commanda une compagnie de volontaires ukrainiens qui furent engagés sur le front de l’Est contre les Russes (1914-1916). Il fut finalement fait prisonnier durant l’offensive de Broussilov (juin 1916), et envoyé dans un camp de prisonnier près de Tsaritsine (qui sera ensuite renommée Stalingrad, puis Volgograd). Il réussit cependant à prendre la fuite (janvier 1917), à l’occasion des troubles des débuts de la Révolution bolchevique et rejoignit Kiev. Il devînt rapidement un officier supérieur de l’armée nationaliste de Petlioura, l’un des premiers dirigeants et général de l’OUNR (éphémère république fondée à Kiev en 1918). Cette armée se livra à d’horribles pogroms et massacres (entre 80 000 et 120 000 victimes), et fut finalement détruite, notamment par l’invasion de l’Ouest de l’Ukraine par la Pologne (mais aussi la Roumanie et la Hongrie). Devenu un haut-gradé, chef d’État-major, il fut capturé et interné par les Polonais à Rovno (fin 1919). Libéré, il fut envoyé en mission dans la jeune Tchécoslovaquie, à Prague (1920-1921), l’espoir étant d’obtenir des puissances occidentales un soutien dans la formation d’une Ukraine indépendante… La France et l’Angleterre étant des alliées solides de la Pologne, les espoirs ukrainiens furent déçus, la Conférence des Ambassadeurs (1923) enterra ce vain espoir.
Un agent des services secrets nazis. Il se livra immédiatement à des activités subversives contre la Pologne, et tenta de retourner en Galicie, sous contrôle polonais (1922), afin d’y organiser des maquis, des activités clandestines, des sabotages et d’autres actions. Il fut rapidement arrêté par la police polonaise (avril 1924), et condamné à 4 ans de prison (1924-1928). Libéré de nouveau, il entama une ascension politique dans le mouvement nationaliste ukrainien : membre du conseil d’une maison d’édition luttant pour la promotion de langue ukrainienne (1932-1938), Président de la plus importante des associations de Gréco-catholiques (1933-1938), membre de l’Union des anciens combattants ukrainiens, l’un des cadres, puis président du sénat de l’organisation politique nationaliste de l’OUN (1934-1938). Il devînt l’une des plus grandes figures de ce mouvement. Il participa à l’organisation d’actions dans les universités, de manifestations, de coups de main, d’assassinats et d’attentats contre les Polonais, ou des Ukrainiens considérés comme « traîtres ». Après le démembrement partiel des organisations clandestines par les Polonais (OUN et UVO, l’armée insurrectionnelle secrète ukrainienne), il réussit contrairement à Bandera à prendre la fuite et à se cacher. Enfin, il devînt le chef nominal de l’OUN à la veille de la Seconde Guerre mondiale (27 août 1939). Il avait été recruté de longue date par l’Allemagne nazie, et était un agent de l’Abwehr, les services secrets de la Wehrmacht. Admirateur de Mussolini, comme Bandera, se définissant comme « fasciste et nationaliste ukrainien », il était toutefois sceptique et critique vis à vis du nazisme, tentant toutefois d’utiliser l’Allemagne pour atteindre l’indépendance de l’Ukraine. Il essaya vainement d’obtenir de son chef, l’amiral Canaris, d’être nommé « chef du peuple ukrainien », après la libération des territoires de l’Ouest de l’Ukraine. Ayant échoué, il fut dépassé par sa droite par Stepan Bandera, figure plus radicale et agressive, ce qui provoqua la scission de l’OUN (1940). Cependant, il s’engagea, et avec lui tout le mouvement nationaliste ukrainien, dans la collaboration avec l’Allemagne nazie. Il fit préparer une constitution pour le futur État ukrainien, et mit à disposition d’Hitler ses partisans, des agents, saboteurs et supplétifs de police (1939-1942). Il fit même un appel à Adolf Hitler pour proclamer l’indépendance de l’Ukraine lors de l’opération Barbarossa, se trouvant alors à Berlin (été 1941).
L’ennemi de Stepan Bandera. Il poursuivit sa collaboration avec les nazis, les troupes ukrainiennes sous ses ordres, étant toutefois dissoutes pour être intégrées dans les bataillons de police supplétive du SD (Service de sécurité de la SS, 1941-1942). N’ayant pas participé à la proclamation unilatérale des Ukrainiens (liés à Bandera), d’une Ukraine indépendante (été 1941), il ne fut pas inquiété et resta au service des Allemands. Cependant, la guerre sourde et ouverte l’opposant à Bandera prit une tournure sanglante. Les partisans de Bandera fondèrent l’UPA (octobre 1942), et entreprirent de liquider et assassiner les partisans de Melnik, s’attaquant même à ses maquis, qui furent massacrés. Après avoir longuement végété à Berlin, ayant émis des critiques envers l’Allemagne, il fut arrêté par la Gestapo (26 janvier 1944). Son emprisonnement ne dura pas, il fut bientôt libéré ainsi que Bandera (arrêté en 1941), avec mission de rassembler toutes les forces ukrainiennes pour résister à l’avance de l’Armée Rouge (octobre 1944). Il accepta de jouer la carte hitlérienne, sans doute contraint et forcé contrairement à Bandera. Il prit finalement la fuite de la capitale de l’Allemagne nazie devant l’avance des Soviétiques (printemps 1945). Après quelques aventures, il put rejoindre le Luxembourg où il s’installa. Bien qu’affaibli par les manœuvres de Bandera, il réussit à se faire élire « chef à vie des nationalistes ukrainiens » (1947), dans un congrès. Après l’assassinat de Bandera (1959), il resta le chef incontesté et rêvait de fonder un Congrès mondial ukrainien, lorsqu’il mourut à Clairvaux en 1964. Le fameux congrès fut fondé trois ans plus tard. Malgré l’apparence de sa victoire finale, et le fait qu’il fut considéré comme le vrai chef de l’OUN de 1939 à sa mort, le « Führer à vie des Ukrainiens » fut par la suite détrôné par son ennemi de toujours : Bandera. Plus extrémiste, plus jeune, plus audacieux et actif, Bandera avait aussi le triple avantage d’avoir participé à la déclaration d’indépendance ratée de 1941, d’avoir été l’idéologue et quasiment le chef de l’UPA, et enfin d’avoir ceint la couronne du martyr par son assassinat. De fait, Melnik, dont les partisans passaient pour des modérés, avaient été pour l’essentiel massacrés par les bandéristes. Ce furent eux, qui du Canada, en passant par les USA et les exils de la diaspora créèrent les mythes et l’image patriotique et nationale de Bandera (de 1959 jusqu’aux 2 Maïdan). Après la réussite du premier Maïdan (hiver 2004-2005), le gouvernement de Iouchtchenko avait émis l’idée de transférer les dépouilles de Bandera et Melnik en Ukraine (2006). Le projet tomba à l’eau, mais Bandera lui fut réhabilité (ce qui provoqua un tollé international de protestations, 2008). Melnik sombra alors dans les oubliettes de l’histoire. C’est en scandant son nom et celui de l’assassin de la Shoah par balles, Roman Choukhevytch, que la « révolution de la dignité » du second Maïdan (hiver 2013-2014), se fit sans lui. Aujourd’hui, ce sont les slogans bandéristes qui sont lancés par les soldats et citoyens zombifiés de l’Ukraine (salut bandériste dans l’armée, cris bandéristes et leurs réponses, culte des morts, etc.). Ces slogans, ne riez pas, ont été repris jusqu’à des proches du Président Macron…
Petit dictionnaire de Melnik et ses partisans. Voici quelques autres pistes, fiches, et personnages pour ceux qui voudraient en savoir plus à propos de Melnik et de ses partisans. Le révisionnisme et négationnisme ukrainien ont eu du mal, par ailleurs à caser l’encombrant Melnik. Cette « erreur historique » a été réparée par le seul et unique culte du héros ultime : Bandera. Ils toutefois utilisés par la propagande car les partisans de Melnik furent aussi décimés par la Gestapo (après avoir collaborés, à partir de 1942).
Vladimir Bagaziy (1902-1942), originaire de la région de Kamenets-Podolsk, professeur à l’école juive de Kiev (1939), à l’arrivée des Allemands dans la ville (1941), il se dévoila comme l’un des membres de l’OUN. Ce fait était faux, mais il réussit à obtenir des Allemands le poste de vice-maire de Kiev, et s’engagea dans la collaboration. Il fut même nommé maire de Kiev (29 octobre 1941), et contacta les nationalistes ukrainiens de la tendance de Melnik. Il assista à des fusillades de prisonniers soviétiques, de partisans, de Juifs et de divers prisonniers dans les carrières de Babi Yar, ce qui a été confirmé après la guerre par le témoignage d’un de ses gardes du corps (à trois reprises, plusieurs centaines de morts, dont des femmes et des enfants). Il aida à fonder divers services de membres de l’OUN dans la capitale (journal, par la suite fermé), maison d’édition, etc, avec des partisans de Melnik. Il fut démis de ses fonctions de maire (16 février 1942), et fusillé à une date inconnue avec son fils, après juin 1942. Il était accusé d’avoir maintenu des liens avec les clandestins de l’ancien Parti communiste, et d’avoir participé au début de résistance des Ukrainiens (essentiellement de la tendance de Melnik).
Boukovinskiy Kouren (organisation paramilitaire de Melnik), groupe formé en août 1941, de partisans de Melnik qui participèrent à l’opération Barbarossa avec les Allemands. L’unité comprenait environ 2 000 hommes, et fut dirigé sur Kiev, où il entra à la prise de la ville sur les soviétiques (septembre). Ils participèrent avec les Allemands à divers massacres, notamment de Juifs, le révisionnisme ukrainien conteste de nos jours ces faits historiques. Le groupe fut dissous, mais ces effectifs transférés dans différents bataillons de police supplétive ukrainienne dans la Schutzmannschaft (SD, service de sécurité de la SS). Notamment parmi les 67 bataillons formés d’Ukrainiens, versés dans les 109e 115e et 118e bataillons. Ces bataillons furent ensuite versés dans la 30e division SS. Elle fut envoyée en France (fin 1943), certains Ukrainiens passèrent dans les rangs de la résistance française, les autres poursuivirent leur combat pour l’Allemagne nazie jusqu’à la fin de la guerre. Un monument a été érigé à Tchernigov sous la présidence de Iouchtchenko (2009), au moment de « grandes manœuvres » entamées par lui pour la réhabilitation de Bandera, Choukhevytch, des collaborateurs ukrainiens, et de réécriture à marche forcée de l’histoire.
Dilo (journal, 1880-1939), journal régional fondé dans l’empire austro-hongrois en Galicie, dont Melnik fut l’un des cadres. Le joural avait pour ambition, en langue ukrainienne d’attiser la flamme du nationalisme. Les Polonais lui menèrent la vie dure, la publication changeant alors souvent de nom, notamment celui de « Svoboda », repris par le Parti National-Socialiste d’Ukraine dans les années 2000. Le journal était peuplé de membres de partis modérés, Parti National-Démocratique ukrainien, Parti du Travail, Association démocratique ukrainienne, et de quelques nationalistes de la tendance de Melnik. Il disparaît à l’arrivée des Russes dans Lvov (août 1914), puis une nouvelle fois à l’arrivée des Polonais (fin 1918), puis de nouveau à l’arrivée des Soviétiques (septembre 1939).
Oleg Kandyba alias Oljitch (1907-1944), originaire de Jytomyr, fils d’un célèbre écrivain, il vécut à Kiev (1912-1919). Son père fut nommé attaché culturel à l’ambassade de Russie en Hongrie, et fit venir sa famille sur place (1918), puis à Vienne, Berlin et enfin Prague (1923). Il y fit des études supérieures de philosophie, puis d’archéologie. Il fit des fouilles par la suite pour le Musée Nationale de Tchécoslovaquie en Ukraine, Allemagne et dans les Balkans. Il devînt poète, écrivain, et intégra l’OUN (1929). Il devînt un agent des Allemands (vers 1934), et l’un des cadres les plus importants de l’OUN (1937-1938). Il fut envoyé aux USA pour rencontrer la diaspora ukrainienne (1938), puis retourna en Tchécoslovaquie. Il y fut surpris par l’affaire des Sudètes, et rejoignit le « sich des Carpates », où il fut arrêté par les Hongrois (Premier arbitrage, 1938-1939). Libéré, il se rendit en Galicie et collabora avec les Allemands. Il dirigea un groupe paramilitaire, le Boukovinski Kouren (1939-1941), un groupe de partisans de Melnik. Il se rendit à Kiev à la suite de l’armée allemande (1941-1942), et fut élu vice-président de l’OUN (1942). Il devînt le Président intérim de l’OUN à l’arrestation de Melnik (janvier 1944). Il fut pourchassé par la Gestapo et arrêté (25 mai). Il fut torturé à mort dans la nuit du 9 au 10 juin 1944. L’homme était en effet considéré comme suspect et ennemi des nazis.
Maquis (de l’OUN M), formés avec les partisans de Melnik, les maquis de l’OUN M furent détruits et massacrés par les partisans de Bandera à partir de 1942. Les principaux chefs furent assassinés, les survivants enrôlés de force ou sous la menace de mort dans les maquis bandéristes de l’UPA. Leur situation devînt très vite dramatique, surtout à la fin de 1943, et au début de 1944, lorsque les Allemands livrèrent des armes à l’UPA. Avec le soutien allemand, les dernières formations de l’OUN M furent détruites après avoir été marginalisées.
Orest Masikievitch (1911-1980), originaire de Bucovine (alors dans l’empire austro-hongrois), il fit des études supérieures en philosophie et sociologie (années 30). Pendant ses études, il entra dans un mouvement nationaliste ukrainien, « la fraternité étudiante Zaporojie », dont il fut un temps le président. Il entra dans l’OUN et créa des cellules clandestines en Roumanie. Lors de la cession de sa région natale à l’URSS (juin 1940), il prit la fuite et passa à Bucarest. Il prit le parti de la faction de Melnik à la scission de l’OUN, et entra dans les troupes du Bukovinskiy Kouren de Melnik (1941). Il fut nommé par l’administration d’occupation allemande, maire de la ville de Nikolaïev (octobre-décembre 1941). Il fut considéré par l’administration allemande comme l’un des collaborateurs les plus efficaces, mais fut ensuite suspecté d’activités clandestines par le Gestapo. Arrêté, il fut condamné à mort, mais gracié et libéré pour ses services rendus à l’Allemagne nazie (1942). Il préféra se faire petit, prit la fuite devant l’avance de l’Armée Rouge à Bucarest, où il fut arrêté par le Smersh (octobre 1945). Envoyé à Moscou, il fut condamné à une peine de 10 ans de goulag, qu’il purgea (1945-1955). Libéré, il retourna en Roumanie, à Bucarest, où il se consacra à des activités littéraires et à la poésie. Il mourut à Buftea, Roumanie, le 8 octobre 1980.
Ralliement (aux alliés occidentaux), à l’exemple de ce qui se passa en Italie, les partisans de Melnik pensèrent un moment pouvoir réaliser ce revirement. Melnik emprisonné, puis acceptant de jouer de nouveau la carte allemande (1944), cet espoir était de toute façon vain. En effet, l’Ukraine n’était pas un Etat constitué, et l’Ukraine occidentale placée dans la sphère d’influence de l’URSS de Staline, notamment et surtout après les conférences de Téhéran et Yalta (1943 et 1945), qui conduisirent au traité de Potsdam (août 1945).
Ivan Rogatch (1913-1942), originaire de Transcarpatie, il milita précocement pour l’indépendance de l’Ukraine. Il fut arrêté en Tchécoslovaquie, pour la diffusion de propagande, fut relâché participa à l’insurrection du Sich des Carpates (1938-1939). Il s’illustra à cette époque par des vexations, des destructions et des passages à tabac de Juifs et Tchèques, considéré même par les Ukrainiens comme particulièrement virulent et xénophobe. Il prit la fuite à l’arrivée des Hongrois (Premier et Deuxième arbitrage), s’installa en Slovaquie, puis à Lvov (polonaise puis soviétique). Melnik l’envoya à Kiev, à la suite de l’armée allemande (1941), où il fonda un journal collaborationniste. Les Allemands toutefois fermèrent le journal, n’ayant pas l’intention de laisser les Ukrainiens s’installer dans le paysage et proclamer un État d’indépendant non voulu par Hitler (décembre 1941). Les Allemands fondèrent alors un nouveau journal, ayant une ligne ultra collaborationniste avec les plus extrémistes des Ukrainiens. Il fut arrêté considéré comme trop mou et suspect. Il fut fusillé le 21 février 1942, dans les sinistres carrières de Babi Yar, où ironie du sort ses « ennemis juifs » avaient été massacrés par les Allemands et les Ukrainiens (en compagnie de sa sœur et d’autres Ukrainiens jugés peu fiables). Cette version est aujourd’hui contestée, ceci aurait été inventé par le révisionnisme ukrainien pour tenter de faire oublier leur participation à la Shoah par balles. Il aurait tout simplement été exécuté avec d’autres dans les locaux de la Gestapo, à Kiev. A l’indépendance de l’Ukraine une croix en bois fut érigée en sa mémoire (1992), mais le « héros » ne correspondant pas beaucoup à la ligne bandériste fut ensuite vite oublié dans les méandres ukrainiens de l’histoire.
Oulas Samtchouk (1905-1987), originaire de Volhynie, il fut mobilisé dans l’armée polonaise après des études secondaires (1925-1927), mais il déserta et prit la fuite en Allemagne (23 août 1927). Il travailla comme simple ouvrier, sympathisa avec un futur cadre nazi, qui fut son protecteur. Il s’installa en Tchécoslovaquie (1929), et fit des études supérieures à l’Université libre ukrainienne de Prague. Il rejoignit bientôt les rangs de l’OUN, et l’un de ses cadres en responsabilité des artistes, journalistes et écrivains. Il rejoignit le Sich des Carpates (1938-1939), insurrection ukrainienne avortée, suite à l’effondrement de la Tchécoslovaquie. Il fut finalement capturé par les Hongrois, réussit à s’évader et retourna à Prague. Il intégra les troupes de Melnik (1941), qui participèrent au début de l’opération Barbarossa. Il s’installa à Rovno, où il fonda un journal collaborationniste, écrivant que le seul ennemi du peuple ukrainien était les bolcheviques et Juifs de Moscou (1942). Il fut toutefois arrêté par le SD (service de sécurité de la SS), pour un article jugé antiallemand, mais l’intervention de son vieil ami, Hermann Blume, chef de la police du Commissariat du Reich en Ukraine, le fit libérer. Il prit la fuite en Allemagne (1944), et réussit à rejoindre la zone contrôlée par les alliés (1945). Il émigra ensuite au Canada (1948), et fonda une maison d’édition (1954), s’attachant à la réécriture de l’histoire et le révisionnisme (l’un des fondateurs du mythe de l’Holodomor qui aurait visé seulement les Ukrainiens, victimisation du peuple ukrainien, etc.). Il publia ses mémoires et une importante littérature, et mourut à Toronto, le 9 juillet 1987.
Nikolaï Sciborsky (1898-1941), originaire de Jytomyr, officier dans l’armée russe durant la Première Guerre mondiale, plusieurs fois médaillé (1914-1917). Il fut blessé grièvement, gazé et retourna à Kiev. Il s’enrôla dans l’armée de l’OUNR de Petlioura (1918), nommé lieutenant-colonel (1920). Il participa certainement aux pogroms commis par cette armée. Il prit la fuite en Tchécoslovaquie, puis en France. Il fut l’un des fondateurs de la Ligue des nationalistes ukrainiens (1925), qui se fondit dans l’OUN (1927-1929). Il devînt l’un des cadres de l’organisation, membre « du gouvernement clandestin ukrainien ». Il fit publié à Prague des journaux nationalistes (1928-1934), et fut élu premier vice-président de l’OUN (1929). Il prit le parti de Melnik et rédigea une constitution pour la future Ukraine indépendante (1939-1940. Cette constitution n’était pas démocratique, il était partisan d’un régime autoritaire à l’exemple du fascisme. Il retourna en Ukraine à la suite de l’armée allemande, et fut assassiné à Jytomyr le 30 août 1941. Melnik accusa les bandéristes de l’assassinat ce qui est l’hypothèse la plus probable. Les Bandéristes accusèrent les Soviétiques du NKVD, et des historiens révisionnistes ukrainiens contemporains, les Allemands…
Emelian Senik (1891-1941), originaire de la région de Lvov, il servit dans l’armée austro-hongroise durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), puis à la défaite retourna en Ukraine. Il s’enrôla dans l’armée de la ZOUNR (République populaire occidentale d’Ukraine, fin 1918). Après la défaite face à la Pologne, la Roumanie, la Hongrie ou les bolcheviques, il fut l’un des officiers de l’UVO, l’armée insurrectionnelle clandestine ukrainienne (1921). Il participa à de nombreuses actions subversives contre la Pologne, et dut prendre la fuite en Tchécoslovaquie (1927). Nommé commandant régional de l’UVO (1928), rédacteur en chef du journal clandestin de l’organisation, cadre important dans l’OUN (1929), il participa à un congrès nationaliste à Vienne, en Autriche. Membre de l’équipe dirigeante et de sa chancellerie, il fit des voyages aux USA, au Canada, en Argentine ou au Brésil à la rencontre de la diaspora ukrainienne (et pour y chercher des fonds et des soutiens politiques). Il fut recruté comme agent de l’Allemagne nazie dans l’Abwehr (vers 1933-1934). La Tchécoslovaquie ayant appris son recrutement par les nazis, fit saisir ses archives à Prague, ce qui provoqua une vague d’arrestations d’Ukrainiens agents nazis (1934). Il fut suspecté dans l’OUN d’être un traître et passa devant un tribunal révolutionnaire clandestin qui l’acquitta. Ses documents furent transmis en partie à la Pologne qui lança aussi des arrestations et des procès pour de nombreux extrémistes ukrainiens (dont Bandera). Il prit le parti de Melnik à la scission de l’OUN, et fut le président du congrès ukrainien de Rome (1940). Les bandéristes l’accusèrent de trahison et demandèrent sa démission, l’incident provoqua une véritable guerre d’influence entre les deux tendances. Il fut envoyé par Melnik à la suite des troupes allemandes à Kiev, avec des volontaires et supplétifs ukrainiens (1941). Il fut assassiné à Jytomyr, le 30 août 1941, en compagnie de Sciborsky. L’hypothèse la plus probable est qu’il fut assassiné par ordre de Bandera. Les partisans de Melnik accusèrent ces derniers de ce double meurtre. Les Bandéristes accusèrent Melnik et le NKVD soviétique… les révisionnistes ukrainiens contemporains, les Allemands !
Andreï Sheptitsky (1865-1944), originaire de Galicie, il servit un temps dans l’armée austro-hongroise (années 1880), puis fit des études de droit, devenant ensuite prêtre (1888). Docteur en théologie (1894), nommé par l’empereur François-Joseph évêque (1899), puis métropolite de Galicie de l’église gréco-catholique (1901-1944), il était un ami de Melnik. Il mena une politique agressive contre l’église orthodoxe et est l’un des responsables (toujours à notre époque), de la forme de guerre de religion que j’ai personnellement observé dans le conflit du Donbass (2015 à nos jours). Il fut député par son statut de métropolite du conseil représentatif ukrainien dans l’empire austro-hongrois (aussi appelé diète, 1901-1918). Après la prise de Lvov par les Russes durant le Seconde Guerre mondiale, il fut arrêté pour des propos russophobes (19 septembre 1914), et envoyé dans un monastère en Russie (Novgorod, puis Koursk). Il fut finalement libéré par les débuts de la Révolution bolchevique (1917), et fonda l’église gréco-catholique de Russie la même année. Il rentra ensuite à Lvov. Il prit la parole pour défendre l’idée d’une Ukraine indépendante et était un soutien important des nationalistes dans leurs activités clandestines (années 20 et 30). Toutefois, il était connu pour des positions publiques tolérantes avec l’importante communauté juive. L’apparition de la tendance extrémiste de Bandera, le força à prendre position en condamna les méthodes extrémistes, assassinats, violences, etc (1932). Il soutînt par son influence la nomination de Melnik comme chef de l’OUN (1938-1939). A l’arrivée des Soviétiques, il fit profil bas, et appela les prêtres à collaborer avec l’URSS (1939). Toutefois il trouva le courage d’écrire à Staline pour protester contre les répressions lancées par le NKVD (1940). Étrangement, il ne fut pas inquiété. A l’arrivée des troupes nazies (1941), il écrivit une série lettre pour féliciter Adolf Hitler et « les troupes victorieuses qui nous ont libéré de l’ennemi » (1941). S’étant passablement radicalisé, il soutînt également la proclamation de l’indépendance de l’Ukraine par Bandera et ses acolytes. Il logea même des officiers du terrible bataillon Nachtigal, qui avec d’autres unités de la Légion ukrainienne participèrent à la Shoah par balles. Il tenta toutefois de sauver des enfants juifs et quelques familles durant les pogroms de l’été 1941. Il envoya une nouvelle lettre de félicitations à Hitler pour la prise de Kiev (23 septembre), parlant de « commandant invincible d’une armée allemande incomparable et glorieuse ». Il ne devait toutefois pas tarder d’écrire au Pape Pie XII pour se plaindre finalement des Allemands : « le pouvoir de l’Allemagne est mauvais et même plus diabolique que le pouvoir des bolcheviques » (août 1942). Totalement dépassé par les événements, il incita les Ukrainiens à partir pour le travail en Allemagne, mais tenta d’inciter les gréco-catholiques à stopper les massacres de Polonais (novembre). Il aida toutefois à la création de la 14e division SS Galicie (1943), et mis à disposition de l’armée allemande des ressources de son église (1943-1944). Dans un dernier effort, il condamna les tueries entre Ukrainiens (Melnik/Bandera), et celles des Juifs. Il sermonna aussi Bandera sur l’absence d’aumônerie dans l’armée de l’UPA. A l’arrivée des troupes de Staline dans Lvov… il envoya une lettre de félicitations à Staline (1944), reprenant les mêmes paroles destinées autrefois à Hitler. Il fit alors volte-face, parla du communisme « comme une doctrine aux grandes tendances mondiales », et condamna l’UPA et Bandera publiquement. Il enfonça le clou en incitant le clergé et les croyants à collaborer avec les Soviétiques. Enfin, il appela les partisans de l’UPA à déposer les armes. Il mourut le 1er novembre 1944, à Lvov de vieillesse et maladie. L’URSS liquida l’organisation de l’OUGKTs des gréco-catholiques dont il était le chef en 1946. une demande fut déposée au Yad Vashem pour lui décerner le statut de Juste (1964), qui fut refusée. Une nouvelle demande fut déposée (1981), elle aussi refusée pour ses compromissions avec les SS de la division Galicie. Les Ukrainiens déposèrent ensuite des dizaines d’autres demandes… toute refusées en Israël. La communauté juive d’Ukraine a décidé ensuite de lui décerner d’elle-même ce titre (2007). Le Président Porochenko a demandé ensuite au Vatican de lui attribué le statut de Bienheureux, et une nouvelle demande fut déposé en Israël (2015). Les deux demandes ont été refusées.
Elena Teliga (1906-1942), poétesse et écrivaine, d’une famille ukrainienne et biélorusse installée en Russie (Moscou, puis Saint-Pétersbourg). A la révolution, ils s’installèrent à Izioum (région de Kharkov), puis à Kiev, où son père devînt professeur à l’École polytechnique et un cadre dans un ministère de l’OUNR (république autoproclamée ukrainienne, 1918-1919). Sa famille prit la fuite en Pologne (novembre 1920), puis en Tchécoslovaquie (1922). Elle y rencontra Mikhaïl Teliga, un Cosaque du Kouban et ancien officier de l’armée de l’OUNR (1900-1942), avec qui elle se maria (1926). Elle suivit son mari à Varsovie, Pologne (1929), travaillant comme mannequin ou enseignante dans les années 30. Elle fréquenta activement les milieux ukrainiens et nationalistes à cette époque. Elle se mit au service des partisans de Melnik, et fut embauchée à Kiev par Samtchouk, pour travailler dans son journal collaborationniste (1941). Rendus suspects par une collaboration plutôt molle, et rêvant d’une indépendance ukrainienne, les principaux partisans de Melnik furent arrêtés par la Gestapo. Elle fut arrêtée avec son mari, et aurait été fusillée dans les carrières de Babi Yar (21 février 1942). Toutefois, cette version est probablement fausse, et inventée par le révisionnisme ukrainien (pour faire oublier la participation des Ukrainiens au fameux massacre des Juifs, à Babi Yar et dans de nombreuses localités). Elle se serait suicidée en s’ouvrant les veines avant son exécution, ces compagnons auraient été fusillés, mais directement dans les locaux de la Gestapo à Kiev. A l’indépendance de l’Ukraine, une croix fut installée à l’endroit supposé (et que l’on sait aujourd’hui être un mythe) de son exécution (1992), et une rue renommée en sa mémoire (1993). Le centième anniversaire de sa naissance fut célébré par la décision du Président Iouchtchenko (2006), et une plaque commémorative installée à Prague (2008). La légende de son exécution à Babi Yar fut reprise pour des raisons politiques et un monument érigé à sa mémoire (2017), pour tenter de mettre en avant les rares Ukrainiens nationalistes réprimés ou tués par l’Allemagne nazie. Malgré l’écroulement du mythe des exécutions de Babi Yar des nationalistes ukrainiens, c’est aujourd’hui la seule thèse officielle tolérée en Ukraine.
Nikolaï Velitchkovsky (1882-1976), originaire de Jytomyr, il fit des études supérieures et devînt professeur en économie, travaillant à Kiev. Il rallia les nationalistes ukrainiens et leurs divers mouvements politiques, devenant l’un des cadres de l’OUN, et partisan de Melnik. Il fut arrêté par le NKVD (1938-1939), mais fut libéré et retourna à Jytomyr. Il est frappé par une nouvelle arrestation (août 1939-février 1940), puis relâché. Il s’installa à Kiev et travailla comme bibliothécaire et économiste (1940-1941). Il devînt le directeur de l’Institut d’économie et de statistiques, créé par l’occupant allemand (1941-1942). Il préféra prendre la fuite au moment des répressions allemandes et de la courte opposition entre l’UPA et les nazis (1942). Il se réfugia en Galicie, et en suivant l’armée allemande de nouveau, passa en Pologne (Cracovie, juillet 1944), puis en Slovaquie, en Autriche (jusqu’en avril 1945) et enfin en Bavière. Il avait été nommé président du Conseil national Panukrainien (1944), créé par les Allemands pour réconcilier les partisans de Bandera et Melnik, et pour coordonner leurs actions contre les Soviétiques. Les Bandéristes fondèrent leur propre conseil, supportés par les SS (Conseil ukrainien de Libération), rendant les actions coordonnées impossibles. Il devînt professeur et cadre dans l’école supérieure ukrainienne d’économie de Munich (1945), et préféra ensuite émigrer aux USA (1951). Il fut l’un des participants à des congrès mondiaux ukrainiens de la science (années 50/60), et écrivit des livres attaquant l’URSS sur sa politique agricole. Il abandonna la cause de Melnik et se rapprocha de Bandera. Il écrivit ses mémoires (1965), et mourut à Ervington, New Jersey, le 1er juillet 1976. Dans la politique de russophobie et dérussification de l’Ukraine, une rue fut renommé en sa mémoire à Jytomyr (2016).
Ptior Voïnovskiy (1913-1996), originaire de Bucovine (alors empire austro-hongrois) qui fut cédée partiellement à la Roumanie (1918-1920), son père était un nationaliste ukrainien virulent. Les Roumains lui retirèrent sa nationalité roumaine, et la famille s’installa à Tchernivtsi, où lui-même fut envoyé dans une école publique roumaine (langue ukrainienne interdite). Il se lia jeune avec d’autres nationalistes et extrémistes locaux, participant à l’impression et distribution de tracs illégaux, et à la diffusion de propagande. Il intégra l’organisation de l’OUN (1932), intensifia ses actions clandestines, mais fut plusieurs fois arrêté et emprisonné par la police politique roumaine (1932-1934). Il fut mobilisé dans l’armée roumaine (1934-1936). Il refusa de voir son nom roumanisé, aussi fut-il licencié de l’armée et retourna à la vie civile (1936). Il fut mobilisé dans l’armée roumaine (1939-1941), et rallia la faction de Melnik à la scission de l’OUN (1940). Sous pression de l’URSS, sa région natale fut cédée par la Roumanie, et il fut plusieurs fois inquiété par le NKVD. La Roumanie étant entrée en guerre contre l’URSS (été 1941), aux côtés de l’Allemagne, il organisa tout de même de futurs maquis ukrainiens. Melnik ordonna la formation du Bukovinskiy Kouren, troupe paramilitaire qui fut mise à la disposition des nazis, et dont il fut nommé commandant en chef (août 1941). Ses troupes participèrent partiellement aux divers massacres de la Shoah par balles, bien que le révisionnisme ukrainien contemporain le nie formellement et obstinément (des sources soviétiques sont accablantes, notamment à propos de sa culpabilité). A la dissolution de l’unité et versement des Ukrainiens dans des bataillons de Schutzmannschaft (fin 1941), il préféra prendre le large, et fut nommé référent militaire du Conseil National ukrainien. Il s’installa à Lvov, collabora à la formation de l’UPA, qui lutta un court moment contre les Allemands (1942-1943). C’est à cette époque, qu’il fut arrêté par la Gestapo et envoyé dans un camp. Il réussit à s’enfuir et à passer dans la zone d’occupation américaine (1945), craignant de tomber aux mains des Soviétiques. Il émigra ensuite aux USA (1949), et travailla comme électricien (1949-1979). Il participa à la fondation d’association d’anciens soldats et vétérans ukrainiens, et à diverses actions de propagande. L’un des rares survivants parmi les chefs nationalistes, il revînt en Ukraine immédiatement après son indépendance (1992). Il finança un monument à Tchernivtsi à propos des nationalistes de Bucovine (1995), et mourut le 8 avril 1996, à New York. Ses mémoires furent publiées en 1999.
Piotr Zakhvalninskiy (?-1943), officier dans l’armée de Ptelioura de l’OUNR (1918-1920), il participa aux horribles pogroms commis par cette armée durant la Guerre Civile russe. Il prit la fuite à la défaite et s’installa comme Petlioura en France. Il milita dans les réseaux nationalistes, rejoignit l’OUN (1929-1930), et prit position en faveur de Melnik à la scission de l’OUN (1940). Il rejoignit le Bukovinskiy Kouren (1941), grade de capitaine et entra dans Kiev à la suite des Allemands. Après la dissolution de son unité, il fut nommé commandant dans la police de Kiev, police collaborationniste au service des Allemands (novembre). Il fut toutefois versé à son grade dans le 115e bataillon de Schutzmannschaft, il participa à des massacres, exactions et à des expéditions punitives contre des villages et la recherche des partisans soviétiques, en Ukraine et en Biélorussie (1942-1943). Il fut élevé au grade de major (1943). Il fut suspecté par les Allemands d’être devenu non fiable et de distiller une propagande anti-allemande en sous-marin dans son unité. Lors du versement de son bataillon dans la 30e division SS, il fut dénoncé par d’autres Ukrainiens comme traître, arrêté par la Gestapo et exécuté sans autre forme de procès, alors que son unité était en chemin pour rejoindre la France (octobre 1943). Il fut officiellement fusillé « pour désertion ».