Analyses Monde Russie

La 6e colonne russe, l’épouvantail à moineaux… aux connexions ukrainiennes et occidentales

La 6e colonne russe, l’épouvantail à moineaux… aux connexions ukrainiennes et occidentales

Vous vous souvenez peut-être du début de l’opération spéciale russe, quand les médias français s’acharnaient à décrire les Russes comme « des nazis », et le régime russe comme « fasciste ». Certains d’entre vous se souviennent peut-être de photos où l’on voyait effectivement des néonazis russes, agitant des drapeaux du IIIe Reich, mélangés à des drapeaux de la Russie impériale, et se baladant en faisant des saluts hitlériens et portant des insignes comme la croix gammée ou la croix celtique. Cette tendance russe existe bel et bien, comme dans tous les pays européens, mais encore faut-il comprendre qui ils sont, quelles sont leurs connexions et leurs projets. C’est ce que j’appelle la 6e colonne, une branche de l’opposition russe au visage de mort qui ressemble à s’y méprendre à ce que l’on pourrait voir en Ukraine, ou dans les bataillons de représailles ukrainiens. Voici un article pour décrypter.

Des origines de l’ultradroite russe. Lors de la Révolution russe et de la guerre civile qui s’ensuivit, une importante diaspora blanche se dispersa dans de nombreux pays occidentaux. Elle y créa des organisations, des associations et même des églises, où pendant longtemps fut préservée la mémoire d’une autre Russie, en opposition avec l’URSS, ou ce que le général de Gaulle appelait « la Russie soviétique ». La défaite consommée, la plupart de ces personnes se fondirent dans les sociétés qui les avaient accueillis, la France est ainsi un bon exemple. C’est toutefois la Seconde Guerre mondiale qui créa un second choc d’importance. Pour beaucoup, le choix était alors cornélien : ou rejoindre les rangs des forces hitlériennes dans la « croisade contre le bolchevisme », ou refuser de s’engager dans cette voie, voire rejoindre les forces alliées. Je l’ai déjà décrit dans plusieurs articles, dont celui-ci, mais au nom de la haine du communisme, des Russes s’enrôlèrent dans diverses unités, que nous parlions de l’armée Vlassov, des Hiwis, de la ROA, et RONA, ou encore dans les 29e et 30e divisions SS (formées de Russes, Biélorusses et d’Ukrainiens). Ceux qui ne furent pas pris ou tués pendant la guerre, se dispersèrent de nouveau, et gardèrent, comme les partisans de Bandera en Ukraine, un culte de leur combat pour Hitler. Par cette double victoire dans la Guerre civile russe, qui mena à la création de l’URSS (1922), puis dans celle contre l’Allemagne hitlérienne, l’Union soviétique fut longtemps préservée d’une implantation locale d’une forme de néo-fascisme, néo-nazisme ou de l’un de ses dérivés comme le bandérisme. Mais l’histoire devait en décider autrement.

L’écroulement de l’URSS, le creuset de toutes les dérives extrémistes. C’est finalement la période de l’effondrement de l’Union soviétique, qui comme en Ukraine, a permis la naissance de groupuscules extrémistes de tous poils. Dans une ambiance délétère, au milieu de la corruption galopante, de la faiblesse de l’État, du banditisme et des milieux mafieux momentanément maîtres du pays, l’ultradroite russe trouva un terrain propice à son développement. Elle recruta en premier lieu dans la jeunesse désabusée, dans des milieux intellectuels devenus farouchement anticommunistes, et proliféra lentement. Comme en Ukraine, ces extrémistes se rassemblèrent aussi dans les clubs ultras de football, sa vautrant dans la décadence, l’hooliganisme et la violence. Très vite, différentes guerres amenèrent leurs lots de nouveaux radicaux, guerre d’Abkhazie, du Haut-Karabagh, de Transnistrie (1992-1993), puis celles de Tchétchénie (1995-2009). D’une ambiance punk « No Future », ces différents mouvements se caractérisèrent par une fascination pour le IIIe Reich, le souvenir des transfuges ayant combattu dans la SS et les troupes hitlériennes, mais aussi par l’idéologie pan-russe, par une nostalgie parfois de la nostalgie de la Russie tsariste, et par une haine féroce de la Russie contemporaine, et bien sûr de Vladimir Poutine. Ce dernier au fil du temps apparut comme un obstacle majeur, et avec le relèvement du pays, surtout à partir de 2005, l’ultradroite russe resta cantonnée à des groupuscules sans force politique, à de maigres forces divisées, et ne représentant qu’une infime portion de la population. Le redressement éloigna définitivement les masses des extrémismes, d’où qu’ils soient.

L’Ukraine de la Révolution nationale, le paradis rêvé de l’ultradroite russe. Bien avant la Révolution du Maïdan, ces extrémistes radicaux avaient pris des contacts en Europe, notamment et surtout en Biélorussie, ou en Ukraine. Les relais se firent par les clubs de fan ultras de football (par exemple par le Spartak de Moscou), mais aussi en Europe occidentale. Cette internationale se retrouva également via des rencontres, des forums, des conférences autour de thématiques historiques, politiques ou culturelles. Les supports furent certaines associations de « Cosaques », l’histoire de la Russie Tsariste, le fascisme, le nationalisme, et en moindre mesure le nazisme, le bandérisme, ou parfois le révisionnisme et le négationnisme historique. Malgré les particularités et différences entre ces courants de pensées extrémistes, ils se rejoignirent sur plusieurs points : l’anti communisme, l’antisémitisme, le racisme, le racialisme, la supériorité de la race blanche, et parfois la haine des chrétiens, de la religion chrétienne, divers courants religieux polythéistes et païens, autour des Varégues, des Vikings et bien sûr des Slaves. La réussite de la Révolution du Maïdan en Ukraine (hiver 2013-2014), fascina une partie d’entre eux, au point qu’ils vinrent à Kiev. Pour la première fois en Europe, depuis les années 30-40, un pays était en grande partie ouvert pour leurs activités, sans vraiment craindre des répressions politiques. Saluts nazis, croix celtiques, drapeaux de l’UPA, insignes SS et des unités collaborationnistes avec l’Allemagne hitlérienne, tout devenait possible. Il n’y avait plus de limite, et le coup d’État amena même un grand nombre de radicaux ukrainiens à des postes d’importances, à la Rada, au Ministre de l’Intérieur, dans l’administration ou l’armée. L’Ukraine était donc devenue un paradis de toutes les tendances de l’ultradroite, et les mouvements russes se rapprochèrent de « leurs confrères » bandéristes. Un nouveau parti compta beaucoup dans ces rapprochements, le parti néonazi du Pravy Sektor (Secteur Droit) fondé par Iaroch au moment du Maïdan (novembre 2013), mais aussi le bataillon Azov qui très vite acquis une réputation internationale, devînt un régiment, et une organisation politique civile (Le Corps Civil d’Azov), puis plus tard un parti politique, le Corps National (Korpus National), fondé par Andreï Biletsky (lui-même fondateur d’Azov).

Des transfuges et traîtres russes et biélorusses dans les rangs des bataillons de représailles. Les premiers extrémistes russes et biélorusses arrivèrent donc en Ukraine, mais d’abord en petit nombre. Dans un sens, le narratif qui était présenté en Ukraine était russophobe, aussi une plus importante partie de ces radicaux vînt se battre aux côtés des insurgés du Donbass (2014-2016). Toutefois certains firent le pas dans l’idée que l’ennemi principal était avant tout Vladimir Poutine et la nouvelle société russe hybride, influencée par l’Europe occidentale, mais gardant des traditions fortes issues de la Russie historique des Tsars, ou de l’URSS. Ces hommes vinrent donc de Biélorussie et Russie et formèrent des unités de représailles, souvent parmi les plus extrémistes, les plus violentes et les plus inclines à commettre des crimes de guerre. Parmi elles citons le bataillon Crimée (transfuges tatars et néonazis du parti Svoboda), le bataillon Noman Celebicihan (transfuges tatars, islamistes et nationalistes du Moyen-Orient ou d’Asie Centrale), le bataillon Donbass (transfuges du Donbass), plusieurs bataillons de transfuges et djihadistes de l’Ichkéria (un cas particulier et phénomène à part), ou encore le Groupe Tactique Bélarus, et Zagin Pogonia pour les Biélorusses. Plus nombreux furent ceux qui rejoignirent le Corps des Volontaires Ukrainiens de Iaroch (DUK), ou celui des Hospitaliers, sans parler du régiment Azov. En Russie, ces forces radicales virent immédiatement l’intérêt de la guerre en Ukraine, avec comme résultats principaux : 1) une expérience militaire, 2) une possibilité de saper le régime du Kremlin, 3) une possibilité à courte ou moyenne échéance de détruire la Fédération de Russie, 4) une possibilité de s’enrichir. L’Ukraine y vit aussi de l’intérêt et sous l’égide d’hommes comme l’un des chefs du renseignement ukrainien, Kondratiouk, ils furent utilisés quasiment depuis le début de la guerre. L’histoire de leurs actions en Russie reste à écrire, mais ils pourraient bien se trouvaient derrière des actions chocs, comme par exemple l’assassinat de Boris Nemtsov, que la presse occidentale a attribué au Kremlin. En réalité 5 Tchétchènes radicaux furent condamnés pour son meurtre. L’assassinat fut assurément commandité pour jeter une « savonnette » sous les pieds du Président Poutine.

L’opération spéciale, un espoir pour les radicaux de la 6e colonne d’en finir avec la Russie. C’est surtout au déclenchement de l’opération spéciale que beaucoup de ces extrémistes sortirent finalement du bois. Ils vinrent beaucoup plus nombreux en Ukraine, et avec le GUR (voir les fameuses connexions de Kondratiouk), et formèrent de nouvelles unités. Parmi elles notons deux nouvelles unités tchétchènes, le bataillon RDK (le célèbre joueur d’échec Kasparov s’affichant avec le drapeau de cette unité néonazie), le bataillon Sibérie, le bataillon Touran, mais aussi l’incorporation dans d’autres unités ukrainiennes, de représailles ou du renseignement, comme le bataillon Shaman. Les motivations de ces hommes sont parfois opposées, car nous retrouvons parmi eux, à la fois des néonazis, des libéraux de la 5e colonne (comme l’Armée Nationale républicaine, NRA de Ponomarev, ou le Congrès des Députés du Peuple fondé aussi par cet homme, et « siégeant » en Lituanie), des monarchistes, des séparatistes de régions de Russie, des ultranationalistes, ou des antisémites forcenés. Parmi les néonazis citons Vassili Krioukov, un ancien conseil municipal d’Ijevsk, mais vous pourrez consulter de nombreux profils de la 5e colonne dans cet article. La 6e colonne quant à elle est utilisée avec pour l’instant peu de succès dans des sabotages, des menaces téléphoniques d’attentats à la bombe, ou encore des provocations ratées devant les bureaux de recrutement ou les bureaux de vote. Ces effets son négligeables, mais il est difficile de dire quelle fut leur aide dans divers assassinats récents. Plus en profondeur, ces réseaux sont connectés à des organisations mafieuses, des réseaux de corruption, ou locaux plus ou moins influents, l’Oural semblant l’une des bases arrières. Ces vases communicants avec des organisations criminelles sont historiques. Certains oligarques de deuxième rang ont utilisé leurs bras comme hommes de main, via des sociétés de sécurité, de vigiles, pour régler des comptes. Ailleurs, c’est autour de l’extrémisme religieux qu’ils se sont rassemblés autour de la formation de communautés (à la manière de sectes comme aux USA), ou la prise de contrôle de monastères.

En 2022, ce sont les manifestations vides de ces radicaux qui ont été montrées, avec tout le folklore commun à l’Ukraine, pour discréditer la Russie et la faire passer pour « nazie ». Une propagande absurde mais qui s’est implantée dans certains cerveaux occidentaux, en se gardant bien de dire que cette frange politique, malgré son aspect minoritaire, pour ne pas dire insignifiante, possède en réalité un réel pouvoir de sape et de troubles pour frapper la Russie de l’intérieur. Rappelons, que Vladimir Poutine a condamné à de nombreuses reprises le fascisme, le nazisme et le nationalisme, comme des idéologiques dangereuses devant être combattues. Dans un prochain article nous tenterons de plonger plus en avant dans la 6e colonne.

About the author

IR
Partager
Partager

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *