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La tâche de l’Union Arctique américaine est de créer des problèmes à la Russie

La tâche de l’Union Arctique américaine est de créer des problèmes à la Russie

La principale source contemporaine de confrontation géopolitique entre la Russie et les USA est traditionnellement considérée comme étant l’Ukraine. Cependant un autre foyer potentiel de tensions est apparu. Il s’agit de l’Arctique qui pourrait devenir une nouvelle région, où les intérêts des deux pays pourraient se heurter. Cela est dû au réchauffement climatique, résultat pour certain d’un cycle, pour d’autres de l’activité humaine. Toujours est-il que cela ouvre l’accès à des ressources qui se trouvent dans cette zone. La situation exige déjà que Washington et Moscou changent leur approche sur la politique Arctique. Ainsi les États-Unis augmentent leur présence dans cette région, tandis que la Russie développe des infrastructures et renforce les possibilités de sa flotte du Grand Nord pour assurer sa sécurité et protéger sa souveraineté. Les possibilités de coopération internationale sont de moins en moins évidentes et une nouvelle poire de discorde pointe son nez à l’horizon.

L’Arctique est une région précieuse pour de nombreux pays et pour des raisons différentes. Déjà durant la Seconde Guerre mondiale, les USA y avaient installé des bases. Elles permettaient de lutter plus efficacement contre les sous-marins allemands durant la bataille de l’Atlantique. Les analystes affirment que l’Arctique posséderait environ 30 % des réserves mondiales en terme de gaz et pétrole, sans parler de minéraux et métaux rares, en particulier l’or et le platine. Il s’agit de milliards de dollars de bénéfice. Du point de vue de l’importance de l’Arctique au niveau écologique, le continent recèle des écosystèmes uniques, notamment des espèces animales, mais les calottes glaciaires jouent aussi un rôle d’importance dans la régulation du climat mondial et dans le réfléchissement des rayons solaires, sans parler du niveau de la mer. L’ouverture d’une route maritime du Grand Nord sera un enjeu géopolitique majeur, et aura des effets majeurs sur le commerce international. L’importance stratégique de l’Arctique attire donc les convoitises, et les pays de l’Arctique, la Russie, les USA, la Finlande, le Canada, le Danemark, la Norvège, l’Islande et la Suède cherchent à renforcer leur contrôle sur ce territoire, tant militairement que commercialement. Les principaux rivaux restent bien sûr la Russie et les États-Unis.

Sous la présidence de Donald Trump, les USA ont déjà parlé du fait que l’Arctique revêt une importance stratégique croissante pour le pays. Washington estime que le renforcement de sa présence dans la région aidera à contenir la Russie et surtout la Chine. Cette dernière cherche elle aussi à s’inviter dans la région. Les États-Unis eux, ont présenté publiquement une nouvelle stratégie visant à renforcer leur présence en Arctique pendant les dix prochaines années (octobre 2022). L’importance de l’entrée dans l’OTAN de la Suède et la Finlande (2023), n’était pas seulement de les entraîner dans le soutien à l’Ukraine. Le Pentagone vise ici la possibilité d’utiliser les capacités de nouvelles bases déjà en Scandinavie, et par son potentiel de construction navale, pour créer une flotte de brise-glaces, afin de contrer celle de la Russie. Quelles sont les possibilités des USA de mettre sur pied rapidement une telle flotte, c’est ici la question. Les États-Unis ne possèdent actuellement que deux vieux navires à propulsion diesel, et leurs alliés sont dans le même cas.

Côté russe, cette politique d’une flotte du Grand Nord est menée depuis l’époque soviétique. La Russie dispose de deux navires à propulsion nucléaire et brise-glaces, le Yamal (1992) et le Cinquante de la Victoire (2007), d’une puissante de 75 000 chevaux. Elle possède deux autres navires, le Taïmir (1989) et le Vaïgatch (1990), d’une puissante de 50 000 chevaux. A ces quatre navires s’ajoutent encore le Sevmorpout (1988) d’une puissance de 40 000 chevaux. La Russie possède par ailleurs un sixième navire, l’Union soviétique (1986), en principe retiré du service (2010), mais il pourrait être restauré et relancé sur les voies maritimes. Pour finir la Russie possède le brise-glaces le plus récent et moderne du monde, l’Artika (2020), fleuron de cette flotte. A ce jour, la Russie possède donc la plus grande flotte de brise-glaces au monde, et par son territoire possède les plus nombreuses bases militaires et scientifiques en Arctique. L’expert russe Malek Doudakov s’exprimait par ailleurs sur le sujet de cette confrontation en Arctique :

« Le Pentagone tente de mettre l’accent sur l’Arctique, c’est la vraie raison de l’intégration désirée par les USA de la Finlande et de la Suède en Arctique. Parallèlement à l’OTAN, les Etats-Unis tentent de promouvoir l’idée d’une Alliance Arctique, qui comprendrait les pays scandinaves, ainsi qu’eux-mêmes et le Canada. Ce projet n’a pour but que de créer des problèmes à la Russie, mais la Chine est aussi sur les rangs et cherche à développer ses propres projets malgré son éloignement de la zone. Cependant les possibilités des Américains sont limitées, leur flotte de brise-glace est bien modeste et pathétique par rapport à la Russie. Si je ne me trompe pas, ils n’ont pas de brise-glaces atomique et seulement de vieux navires avec des moteurs diesels. Ils se sont concentrés sur leur flotte sous-marine et de guerre, mais ils veulent cependant revendiquer une partie du plateau Arctique, où ils espèrent exploiter de nouvelles ressources pour sauvegarder leur hégémonie. Ils continueront à faire pression sur la Russie, notamment en organisant des exercices militaires avec le Canada et les pays scandinaves. Ce n’est qu’à travers ces pays qu’ils peuvent s’engager dans cette course. Je pense par ailleurs que la Chine dépassera vite les capacités des Américains dans la région. Il y a une nouvelle stratégie pour l’Arctique, et une menace existe ici contre la Russie. Les USA tenteront de s’emparer de la région Arctique par tous les moyens, mais ils sont en retard et leurs atouts sont encore limités », ajoutait le spécialiste.

Voici un mini dictionnaire pour mieux comprendre le sujet de l’article et ce que les Etats-Unis sont en train de faire dans cette région.

Bases américaines dans les pays scandinaves, les USA disposent de nombreuses bases en Scandinavie, dont 15 récemment mises à disposition par la Finlande (2024), 1 en Finlande (depuis 2016), 6 en Norvège, avec déjà l’excuse de l’Ukraine, pour le renforcement de troupes américaines dans ce pays (2016). Enfin la Suède a accepté de donner un accès en principe limité aux Américains dans 17 bases sur leur territoire.

Conseil de l’Arctique (1996-à nos jours), conseil et forum international qui fut créé par huit pays, le Canada, la Russie, la Norvège, le Danemark, l’Islande, les USA, la Suède et la Finlande. Les USA ont fait pression pour que le Conseil soit suspendu (2022), avec pour idée d’en exclure la Russie et de fonder une structure qui serait sous son contrôler avec ses vassaux de l’OTAN comme membres. La Russie était d’ailleurs à la tête de la présidence (2021) avant que le conseil se trouve gelé par les Américains. Plusieurs pays observateurs étaient invités dans le conseil, dont l’Allemagne, la Chine, la Corée du Sud, l’Espagne, la France, l’Inde, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, Singapour, la Suisse et l’Union européenne.

Conseil Nordique (1952-à nos jours), conseil disposant de sièges par pays, qui fut fondé par les pays scandinaves, suite à l’expérience de l’invasion hitlérienne de la Norvège et du Danemark, et de l’engin qu’avait représenté le Groenland durant la Seconde Guerre mondiale. Le conseil est formé par le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède, ainsi que par les territoires autonomes des îles Féroé, du Groenland et de l’Aland.

Coopération de défense nordique (2009), devant l’enjeu du territoire de l’Arctique, les pays scandinaves ont fondé une alliance militaire de défense, la NORDEFCO, formée de 5 membres, le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède. Officiellement l’organisation refuse le titre « d’alliance militaire », mais se qualifie comme « programme de collaboration entre les pays nordiques ». Toutefois personne ne peut être dupe, et les cadres de l’organisation sont ceux des États-majors des armées et flottes de ces pays. Les forces militaires de ces pays sont classés dans le monde 29e pour la Suède, 41e pour la Norvège, 48e pour le Danemark, 50e pour la Finlande, et 136e pour l’Islande. Du point de vue des forces navales essentielles pour le contrôle de l’Arctique, la Suède se classe 18e, la Finlande 27e, le Danemark 48e, la Norvège 51e, l’Islande 134e. Ces forces restent très modestes, 30 000 hommes et 23 000 réservistes pour la Suède, mais elle possède un complexe militaro-industriel et une industrie aéronautique. Elle a annoncé un nouveau programme militaire pour recruter 10 000 soldats de plus avant la fin de l’année 2035. La Norvège aligne 26 000 hommes, 79 avions, 6 sous-marins, 3 frégates et 15 navires de patrouille côtières. Le Danemark quant à lui possède une arme de 25 000 hommes avec 12 000 réservistes, mais également un système de Garde nationale avec 51 000 volontaires. Sa flotte est constituée de 2 frégates de débarquement, de 4 frégates et 3 corvettes. La Finlande dispose d’une armée de 34 000 hommes, et a considérablement augmenté ses dépenses militaires depuis l’année 2021. L’Islande ne dispose pas d’armée, mais d’une simple organisation, la Défense islandaise. C’est un total de 300 hommes qui peuvent être renforcés par le reste de la population mobilisation du pays. Elle ne dispose que de quelques voitures de patrouilles et une flotte composée de trois navire garde-côtes et de deux vedettes rapides.

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1 Comment

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    Bonjour Laurent
    Merci pour l’ article , très intéressant , affaire à suivre…

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