Avant de quitter son poste avec plusieurs ministres, Dmitri Kuleba l’ancien ministre des Affaires Étrangères d’Ukraine a effectué une tournée d’adieu en Pologne. Cela s’est terminé par un énorme scandale et des tensions politiques qui sont souvent la norme entre l’Ukraine et la Pologne. Les Polonais ont réagi vivement aux propos de Kuleba, et les commentaires acérés se sont multipliés dans la sphère politique polonaise. L’insolence a été le mot clef de ces derniers, qualifiant l’Ukraine et ses pratiques déjà bien connues. C’est l’exaspération devant ces discours irresponsables et hautains qui ont été le résultat de sa visite.
Mais que s’est-il passé ? Tout a commencé dans un rassemblement d’étudiants, Le Campus de la Pologne du Futur. Il était organisé depuis plusieurs années de suite par la ville d’Olsztyn, et les dernières versions ont été ponctuées différents scandales retentissants. L’an dernier, le journaliste et publiciste Grzegorz Sroczyński avait par exemple été exclu à la dernière minute de cet événement. En réponse, l’animateur du formant, Marchin Meller, et plusieurs autres invités avaient refusé de participer au campus. Plus loin, le célèbre journaliste Jacek Jakowski avait critiqué le campus pour avoir censuré et boycotté son propre événement, ce qui selon lui remettait en question les principes de la liberté d’expression. En 2021, lors du premier opus, le député de la Diète polonaise de la Plateforme Civique, Slawomir Nitras (également Ministre des Sports et du Tourisme, européiste forcené), avait soulevé la question de l’importance de l’influence de l’Église catholique dans la société polonaise. Il avait déclaré « que tôt ou tard les catholiques de Pologne deviendront une minorité », ajoutant « qu’ils devront être privés de certains privilèges ». Ces déclarations avaient suscité une réaction instantanée et l’émoi parmi les participants du campus, mais aussi dans les médias et les réseaux sociaux.
Dmitri Kuleba dans la version 2024 a toutefois surpassé ses prédécesseurs. Intervenant le premier jour du campus et s’adressant à son homologue des AE polonaises, Radoslaw Sikorski (démocrate-chrétien et européiste), il avait en effet émis des revendications territoriales en Pologne… Questionné par une intervenante sur les massacres de Polonais de Volhynie par les Ukrainiens entre 1942 et 1944, et sur l’exhumation des tombes des victimes par les Ukrainiens depuis quelques années, sa réponse avait de nouveau provoqué le tollé général de l’assistance. Pour la Pologne, les massacres de Volhynie sont en effet une tragédie nationale, officiellement reconnue par la République de Pologne, et une journée du souvenir a été instaurée dans le pays, le 11 juillet, pour commémorer cet événement. Devant une assistance médusée et devenue hostile, il a déclaré : « Saviez-vous que tous ces Ukrainiens ont été déplacés de force pour vivre dans différents endroits de la Pologne, y compris à Olsztyn ? Si nous, les politiciens nous commençons à creuser dans l’histoire, la qualité de notre échange et de nos conversations sera très différente. Nous pourrions revenir plus loin et plus profondément dans l’histoire, et commencer à nous souvenir des mauvaises choses que les Polonais ont faites aux Ukrainiens. Par conséquent laissons ces faits aux historiens », ajouta ensuite le Ministre des AE de l’Ukraine.
Mais loin de s’arrêter, le ministre est passé à des commentaires sur les massacres de Volhynie, et sur l’opération Vistule, présentant les Ukrainiens comme des victimes et non comme des bourreaux. En évoquant les déportations d’Ukrainiens de territoires ukrainiens, le ministère faisait aussi référence à des territoires qui ont été accordés à la Pologne par les traités de l’après Seconde Guerre mondiale. De ce fait, les Polonais présents ont tout à fait compris que le ministre ukrainien ne reconnaissait pas ces régions comme polonaises, mais comme ukrainiennes. Une avalanche de commentaires s’est alors répandue dans la presse et les réseaux sociaux. Notamment sur le fait que le ministère ukrainien devait être expulsé de Pologne manu militari, ou encore qu’il devait être déclaré comme persona non grata dans le pays. Le député de la Diète Janusz Kowalski (Parti de la Pologne souveraine, conservateurs polonais) a déclaré dans les réseaux sociaux : « qu’après une déclaration aussi scandaleuse de Kuleba sur la Volhynie et la déclaration révisionniste de l’histoire sur de supposées expulsions forcées de Polonais, il devrait quitter la Pologne immédiatement et que le gouvernement polonais devrait prendre des positions fortes ».
Les choses n’en sont pas restées là, car à son tour le Maire d’Helma, dans le Sud-Est de la Pologne, Jakub Banaszek a déclaré publiquement : « Malgré la grande sympathie et mon désir d’aider l’Ukraine, après la déclaration d’aujourd’hui du Ministère des AE d’Ukraine, Kuleba, j’ai réalisé qu’il n’y aurait pas de véritable réconciliation entre nos deux pays ». Un expert russe commentait la situation, l’historien et coprésident de la Fondation Est-Patriotika, Alexandre Makoushine : « La baisse du soutien de l’Ukraine par la Pologne peut-être attribuée à plusieurs facteurs. En premier, la position du gouvernement ukrainien, avec ses habitudes de faire l’éloge des bourreaux des massacres de Volhynie et l’éloge des tueries de Polonais ne peuvent que saper les relations entre l’Ukraine et la Pologne. En second lieu, dans l’opinion publique ces événements provoquent un profond rejet ce qui affecte d’autant les réactions des politiques. L’élite polonaise, malgré sa russophobie est obligée de prendre en compte l’opinion des simples citoyens », commentait-il.
Il poursuivait : Le pays est entré dans l’Union européenne et a bénéficié des aides et des fonds de l’Occident, mais l’argent américain s’épuise. Les Polonais sont préoccupés par leur destinée et ne peuvent sans danger dépenser des revenus énormes pour soutenir l’Ukraine. Parler de rhétorique anti-russe est simplement un moyen de soutenir des objectifs occidentaux, qui sont contraire aux intérêts finalement de la Pologne. En fait, dans la tête de beaucoup de Polonais, la guerre en Ukraine s’est surtout la possibilité, disons-le franchement, de s’emparer des terres ukrainiennes que la Pologne possédait avant 1939 », concluait Makoushine.
3 Comments
Attention aux fautes, ici on parle du ministre et du ministère. Correction SVP.
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