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Rouslan, un journaliste et natif de Sébastopol témoigne

Rouslan, un journaliste et natif de Sébastopol témoigne
Photo de Rouslan, août 2024, Sébastopol

La Crimée, c’est la terre natale de Rouslan, une terre qui finalement a aussi des liens historiques puissants avec la France. Les stations de métro de Paris, des rues ou des boulevards sont là pour en témoigner de longue date. Sébastopol, Inkermann, Tour Malakoff, Crimée, autant de références à un passé révolu, mais qui sont dans le paysage français. Elles témoignent aussi, malgré les racines liées à la Guerre de Crimée, d’une amitié franco-russe qui fut longtemps solidement ancrée en France. Une amitié qui était aussi de la reconnaissance, pour des Français qui n’oubliaient pas que notre pays avait été sauvé par la Russie à deux reprises. D’abord durant la Première Guerre mondiale, par une offensive précoce en Prusse-Orientale en 1914, qui participa à la résistance de l’armée française et à la victoire de la Marne. Et bien sûr durant la Seconde Guerre mondiale. Mais cette Crimée a prit un autre sens en Occident et en France après 2014. Pour nos médias, la Russie s’était emparée par la force de la Crimée. Nous avons vu aussi le triste spectacle dans l’automne 2022, de la grande chaîne française LCI, nous servant une émission sur « la déportation des Russes de Crimée ». Depuis, le narratif que la Crimée c’est l’Ukraine tourne en boucle, un discours qui ne prend pas en compte justement la population de la péninsule, encore moins son choix démocratique de mars 2014. Voici le témoignage d’un simple habitant de Sébastopol, qui en toute sincérité nous livre son histoire.

Dans le monde russe, en langue russe, avec des Russes. Rouslan a 42 ans, il est né à Sébastopol d’une mère russe et d’un père de l’Azerbaïdjan. Toute sa vie, il l’aura passé en Crimée, même si bien sûr il eut l’occasion de voyager, de Kiev, à Moscou jusqu’en Azerbaïdjan. « Je n’ai connu autour de moi que le monde russe. Je suis à l’époque soviétique, et j’ai grandi ensuite dans l’Ukraine, mais autour de moi tout ce qui m’entourait été russe. J’ai appris en russe à l’école, mes camarades s’exprimaient en russe, nos standards étaient russes. Si je comprends l’ukrainien, je peux dire que je ne possède pas cette langue, du moins je ne l’ai jamais utilisé. Par la suite lorsque j’ai entamé des études supérieures, nous avons vu les premiers changements. J’étais jeune au moment du 1er Maïdan dans l’hiver 2004-2005, j’avais visité la capitale autrefois, il s’y trouvait des amis, de la famille, mais je n’ai pas participé aux manifestations, je me trouvais à Sébastopol. Pour moi, c’était quelque chose d’assez étranger, les signes que nous avons vu pour la première fois de la transformation de l’Ukraine, étaient loin de notre monde. Nous nous sentions Russes, j’ai toujours vécu dans cette impression, dans ce lien intime. Et c’était la même chose dans mon entourage ».

Le choc de la « Révolution de la Dignité ». Rouslan poursuivit sa vie paisible et embrassa ensuite le monde du travail, pour devenir plus tard journaliste. La révolution du Maïdan fut un choc immense pour lui, une sorte de mauvais rêve dans un pays qu’il ne comprenait pas. « Nous avons vu entre les deux Maïdans arriver la langue ukrainienne. C’était limité, elle arriva dans les écoles, les universités, l’administration. Puis sont apparus les premiers discours autour de l’UPA, de Bandera, de l’Union européenne, de l’OTAN. J’étais très peu intéressé à l’époque par la politique, j’ai vu ce second Maïdan avec effarement. Personnellement je n’ai pas acquiescé ce qui se passait alors à Kiev. Comme nous étions russophones, nous regardions de toute façon les informations russes. J’ai compris qu’il y avait quelque chose de mauvais qui était en train de se passer, mais jamais je n’aurais imaginé la suite. Je n’ai pas participé à des mouvements antimaïdan, j’étais occupé par des considérations familiales et professionnelles. Cependant, lorsque notre Parlement de Crimée a organisé le référendum, je suis allé voter, et j’ai voté pour le retour de la Crimée au giron de la Russie. Pour moi, pour ma famille, mon entourage, c’était normal, c’était logique et nous étions contents que cela soit ainsi. Autour de moi, il n’y avait personne qui soutenait l’Ukraine. A peine une connaissance d’une connaissance qui prit la décision de partir en Ukraine, je sais qu’il a été mobilisé en 2022 ».

Les forces de l’ordre et l’armée en Crimée se sont ralliés à la décision populaire. Rouslan poursuit ainsi son récit, et raconte un fait étonnant concernant la réaction des forces de l’ordre et de l’armée en Crimée à cette date de mars 2014. « Vous savez, les policiers, les membres des forces de l’ordre, les militaires étaient partiellement des gens de Crimée, ou qui avez vécu comme nous dans un monde russe, en langue russe. Ces hommes et ces femmes savaient très bien que s’ils se rangeaient du côté de Kiev, il seraient obligés de participer à des répressions, ou des combats contre des gens qui avaient été leurs camarades de classe, leurs collègues. Ils se connaissaient, connaissaient leurs familles, avaient vécu ensemble pendant des années. Pour les autres, mêmes Ukrainiens, ils n’avaient aucune volonté de s’attaquer à nous, ils sentaient bien aussi que cela serait un combat fratricide et que tourner leurs armes contre des frères serait criminel. Presque aucun d’entre eux n’aurait été capable d’une telle décision, c’était contraire simplement à la logique, à la nature du Peuple de Crimée, et de la plupart des Ukrainiens eux-mêmes. Je n’ai pas participé aux manifestations de joie dans la rue, mais nous étions tous heureux. Par la suite je ne suis plus retourné en Ukraine, à Kiev, car j’avais peur. A la frontière la situation était tendue,et je ne voyais pas l’intérêt de prendre des risques inutiles. Autour de moi les gens sont restés dans la même opinion, même si la situation a été difficile. Il y avait le blocus organisé par l’Ukraine, la situation était difficile avec l’eau, à cause du barrage construit par les Ukrainiens. Les prix ont grimpé, et même s’ils n’ont pas atteint ceux de Moscou, jusqu’alors c’est resté compliqué. Nous avons vu cependant un grand changement, la corruption notamment s’est effondrée à l’arrivée de la Russie. Si vous saviez auparavant… du temps de l’Ukraine. Avec de l’argent vous pouviez tout acheter par la corruption, y compris des terres si rares et si chères. Avec la Russie nous avons vu la différence, beaucoup de choses ont changé, cette corruption est devenue alors impossible ».

L’opération militaire spéciale a été un choc. Rouslan termine notre entretien en nous parlant de l’opération spéciale, elle fut selon lui une immense surprise. « Franchement je n’y croyais pas, nous avions entendu depuis quelques mois les différents médias des deux côtés dire que les Ukrainiens ou les Russes amassaient des troupes aux frontières. Jamais je n’aurais cru que cela soit possible. Lorsque j’ai entendu à la radio que nous bombardions Kiev, c’était surréaliste. Il faut comprendre qu’avant tout ça, nous n’étions pas des ennemis, ce sont nos frères. Cela me faisait peur aussi pour la suite, le déclenchement d’un conflit doit toujours faire réfléchir. Et puis nous avons connu ensuite les premiers affres de la guerre, des attaques des Ukrainiens, à plusieurs reprises cela a été difficile pour les gens, il y a eut des drames. Cependant de mon avis, nous devrions libérer les villes qui sont Russes, et qui l’ont toujours été. Je pense à Kharkov, mais je pense aussi à Odessa. Toutefois, comme beaucoup je souhaite la paix, tout le monde en a besoin et j’espère que cela se finira le plus rapidement possible ».

Nous nous quittons sur ces paroles, et avec la grande envie de mon côté de venir jusqu’en Crimée, pour que les gens de la péninsule me donnent leurs avis, leurs opinions et démontrent à l’Occident… que décidément ils ont pris leur destinée en main et que personne ne peut le faire à leur place. Que l’Occident le veuille ou non… la Crimée a toujours été et est russe. Seuls des révisionnistes, des ennemis de la Démocratie ou des fanatiques peuvent affirmer le contraire.

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