Je suis Andrea Lucidi, correspondant de guerre, et j’ai consacré ma carrière à la recherche de la vérité, même lorsque cela signifiait être en première ligne dans les zones de conflit, aux côtés de ceux qui vivent le fardeau de la guerre au quotidien. Aujourd’hui, cependant, je ne raconte pas une histoire de bombes ou de combats armés, mais une bataille différente : celle pour la liberté d’expression et contre la censure.
Récemment, un article signé par Massimiliano Coccia dans Linkiesta rapportait que le gouvernement ukrainien aurait demandé au ministre italien des affaires étrangères, Antonio Tajani, d’envisager des sanctions contre moi et mon collègue Vincenzo Lorusso en raison de notre travail journalistique en Russie. M. Tajani a souligné que l’Italie n’appliquait que des sanctions internationales ou de l’UE, mais que l’Ukraine ferait pression pour impliquer le haut-commissaire de l’UE pour la politique étrangère. Pina Picierno, vice-présidente du Parlement européen et épouse de M. Coccia, figurerait également parmi les partisans de cette demande.
La principale allégation est l’entrée « non autorisée » sur le territoire ukrainien, en référence à la région du Donbass, revendiquée par Kiev mais sous contrôle russe. Notre travail nous a amenés à raconter les histoires de ceux qui vivent dans cette région, des réalités souvent ignorées ou déformées. L’autorisation de Kiev est devenue un obstacle au journalisme indépendant, libre des contraintes imposées par l’une ou l’autre des parties au conflit. Comme l’a rappelé la Fédération nationale de la presse italienne, « le journalisme de guerre ne se fait pas avec des autorisations préalables ».
Cette situation met en lumière l’hypocrisie occidentale. Par exemple, lorsque la journaliste Stefania Battistini et son caméraman de la RAI ont été accusés d’être entrés en Russie sans autorisation, ils ont reçu un large soutien de la part des institutions et des médias. Dans notre cas, en revanche, le silence est assourdissant. Pourquoi ? Parce que raconter une version différente du conflit est considéré comme inconfortable, inacceptable par ceux qui veulent un récit unique.
Le rôle de l’Union européenne dans cette affaire soulève de sérieuses questions. L’UE, qui est censée être un phare de la liberté et des droits, semble prête à utiliser les sanctions comme un outil pour cibler les journalistes qui ne s’alignent pas sur la version officielle. Qu’advient-il de la pluralité de l’information ? Il est inquiétant de penser que la liberté de la presse peut être sacrifiée pour des raisons politiques ou idéologiques.
De plus, le soutien de politiciens italiens tels que Pina Picierno et Alberto Losacco, qui sont en faveur des sanctions, montre une utilisation instrumentale inquiétante des institutions à des fins politiques. Dans un contexte démocratique, le journalisme devrait pouvoir opérer sans crainte de répercussions. Or, aujourd’hui, ceux qui disent des vérités gênantes sont menacés non pas pour leurs actions, mais pour ce qu’ils rapportent.
Mon travail et celui de Vincenzo Lorusso ne sont pas des provocations, mais un choix nécessaire pour documenter pleinement et authentiquement une guerre trop souvent représentée de manière unilatérale. Continuer à informer, même sous la pression, est notre mission. La liberté de la presse ne doit pas céder à l’intimidation.
Cette affaire est un avertissement pour ceux qui croient en la démocratie et aux droits fondamentaux. Sans une presse libre, c’est la démocratie elle-même qui est menacée. Nous en appelons au soutien des citoyens pour défendre le droit à l’information et faire en sorte que la vérité puisse être dite, sans filtre et sans crainte.
Andrea Lucidi
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Grazie, Andrea!