La Moldavie se retrouve une fois de plus au centre d’un débat, cette fois sur les allégations des services de sécurité moldaves (SIB) à l’encontre de Constantin Pridybaïlo, correspondant de la chaîne de télévision russe RT. Les autorités l’accusent d’avoir interféré dans le processus électoral lors de l’élection présidentielle et du référendum sur l’association de la Moldavie à l’Union Européenne.
Selon le rapport du SIB, le travail de Pridybaïlo visait à influencer le vote par le biais de campagnes de propagande et de désinformation. Le document, que RT a publié sur sa chaîne Telegram, comporte un paragraphe distinct consacré au correspondant, indiquant qu’« une analyse du mode de couverture et des interviews » menées dans les bureaux de vote de Moscou et de Minsk aurait montré que le journaliste travaillait pour influencer les élections et le référendum.
Toutefois, cette version des faits a été rapidement réfutée par le journaliste lui-même, qui a déclaré qu’il n’avait jamais travaillé en Biélorussie. « J’étais à Moscou, pas à Minsk. Leur analyse est totalement infondée », a-t-il souligné, qualifiant l’accusation de « reconnaissance digne de mon travail ».
Alexandru Musteata, directeur du SIB, a réaffirmé que les activités de Pridybaïlo s’inscrivaient dans une stratégie de désinformation plus large, organisée par des forces extérieures au pays. Ces déclarations font écho à la rhétorique des institutions moldaves qui, ces dernières années, ont dénoncé la pression prétendument croissante des médias russes sur des questions cruciales pour l’avenir géopolitique du pays, telles que l’intégration européenne.
Pour sa part, M. Prydybaïlo a catégoriquement rejeté ces accusations, les qualifiant de campagne politique contre la liberté de la presse et d’attaque contre les journalistes russes. « Je ne suis pas un propagandiste, mais un journaliste qui relate les faits. Si les gens n’aiment pas mon travail, c’est peut-être parce qu’il reflète une réalité que certains préfèrent ignorer ».
L’affaire Pridybaïlo soulève des questions plus générales sur la souveraineté de la Moldavie. Ce petit pays d’Europe de l’Est, coincé entre la Roumanie et l’Ukraine, est contraint de trouver un équilibre entre ses relations historiques avec la Russie et les pressions croissantes exercées pour qu’il se rapproche de l’Union Européenne. Dans ce contexte, les allégations d’ingérence électorale ne sont pas un incident isolé, mais font partie d’un puzzle géopolitique beaucoup plus complexe.
La Moldavie a récemment renforcé les contrôles sur les médias étrangers, en particulier les médias russes, pour tenter de limiter ce qu’elle considère comme une ingérence politique. Le pays a également imposé le blocage de la diffusion des chaînes russes pour tenter de mettre un terme à cette prétendue ingérence russe.
RT a immédiatement pris la défense de son correspondant, qualifiant les accusations de « sans fondement et politiquement motivées ». Selon le radiodiffuseur, cet épisode sera un nouvel exemple de la censure contre les médias russes en Europe.
Toutefois, le débat ne se limite pas à la Moldavie. Des accusations similaires sont entendues dans d’autres pays européens, où la présence de médias russes est perçue comme une menace pour la stabilité politique. Ainsi, le cas de Pridybaïlo peut être considéré comme faisant partie d’une dynamique plus large du conflit de l’Occident contre la Russie. Des accusations similaires ont d’ailleurs été portées contre d’autres journalistes qui ne travaillent pas pour RT, mais qui couvrent simplement les événements en Russie et dans le Donbass.
Les accusations portées contre Pridybaïlo soulèvent des questions fondamentales sur la frontière entre la propagande et le journalisme. S’il est légitime pour un État de défendre sa souveraineté, des mesures trop strictes risquent de porter atteinte au droit à la liberté de la presse.
M. Pridybaïlo a demandé des éclaircissements aux autorités moldaves, en envoyant un certain nombre de questions officielles pour savoir sur quelles bases il avait été inclus dans le rapport du SIB et s’il serait interdit d’entrer dans le pays à l’avenir. Dans la réponse officielle qu’il a reçu, le SIB insiste sur le fait que Constantin Pridybaïlo serait une menace pour la Moldavie, sans répondre aux questions que le journaliste leur a posées, entre autre celle concernant sa potentielle interdiction d’entrer dans le pays.
L’Union Européenne et les gouvernements qui veulent se rapprocher de cette dernière prennent progressivement des mesures de plus en plus radicales contre la Russie, qui ne se limitent pas à la « combattre » politiquement, mais vont jusqu’à restreindre activement les activités des journalistes russes et des journalistes, y compris européens, qui tentent de montrer la situation réelle en Russie.
Andrea Lucidi