crépuscule sionisme

Pologne-Israël : le torchon brûle Netanyahou ne viendra pas aux commémorations d’Auschwitz

24 janvier 2025 17:08

Les relations entre la Pologne et Israël se détériorent rapidement alors que Benjamin Netanyahou a refusé dernièrement d’assister aux cérémonies pour le 80e anniversaire du camp d’Auschwitz. Rappelons que le camp fut libéré par l’Armée Rouge, le 27 janvier 1945, et que la journée du 27 janvier fut déclarée Journée Internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste par l’ONU (1er novembre 2005). Les Russes n’ont bien sûr pas été invités non plus pour la cérémonie de 2025, alors que cette dernière est devenue un instrument politique.

Ce refus de Netanyahou fait suite à un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale lancée contre lui et l’accusant de crimes contre l’Humanité et de crimes de guerre. La Pologne ayant signé le statut de Rome est en effet tenue de se conformer aux décisions de la cour. Cependant, désavouant sa signature, la Pologne avait annoncé qu’elle ne se conformerait pas à cette dernière et avait annoncé qu’il serait invité à la cérémonie d’Auschwitz en donnant des garanties qu’il ne serait pas inquiété. Le 9 janvier dernier, la Pologne par une résolution spéciale adoptée par un décret avait annoncé dixit : « que les autorités polonaises considèrent la participation des dirigeants israéliens aux commémorations comme une partie de la récompense due au peuple juif, dont des millions de filles et de fils furent victimes de l’Holocauste du IIIe Reich ». Le Premier ministre Tusk avait même annoncé que la « cérémonie revêtirait cette année un aspect exceptionnel » et que « tout représentant d’Israël avait le droit de participer aux commémorations » (mais pas les libérateurs russes…).

Cette déclaration et la résolution spéciale de la diète polonaise ont provoqué en Pologne une importante levée de boucliers. Des manifestations ont eu lieues, notamment à Varsovie pour protester contre cette violation du Droit international. Dans le même temps Benjamin Netanyahou a déclaré qu’il n’avait reçu aucune invitation de la part de la Pologne pour les cérémonies, et qu’il n’avait nullement l’intention de s’y rendre. L’affaire a déclenché un second scandale, au sujet de cette invitation imaginaire, posant des questions. Le camouflet israélien à la Pologne fait donc débat tandis que le Parti Droit et Justice au pouvoir en Pologne s’était auparavant enfoncé dans des déclarations qualifiant Israël « d’un allié fort et économiquement important, notamment pour l’Union européenne, pour les questions de migrations et au sujet des problèmes du terrorisme islamique ». Cette dernière déclaration frisait le ridicule car la Pologne n’a jamais été touché par aucun attentat terroriste de fanatiques islamistes dans toute son histoire (contrairement à la Russie, la Belgique, la France, l’Italie ou l’Espagne).

Cependant le refus de Netanyahou de se rendre en Pologne pour les commémorations pose aussi des questions légitimes. L’une des pistes pourrait être le mécontentement du Premier ministre d’Israël au sujet des lois polonaises relatives à la mémoire historique de l’Holocauste. Ces lois selon lui limiteraient le devoir de mémoire, et ont été qualifiées « d’une tentative révisionniste de réécriture de l’histoire ». L’une des pierres angulaires est en effet le fait que l’extermination des Juifs dans les camps n’a pas été exclusive. Malgré des chiffres revus à la baisse pour Auschwitz, les chercheurs sont encore en train de compter les victimes parmi les Juifs, dans des centaines de camps parallèles et de petites tailles, ou dans la Shoah par balles et la liquidation de nombreux petits ghettos sur le front de l’Est et en Europe Centrale. Le nombre de victimes s’établit pour les Juifs désormais entre 4 et 6 millions, auxquelles il faut ajouter au moins 4 à 5 millions d’autres personnes. Parmi elles, des Allemands, des prisonniers soviétiques, des Tziganes, des minorités sexuelles, des résistants, des communistes, des prêtres ou pasteurs, des populations slaves, ainsi que des minorités. Israël mène depuis des années une politique d’exclusivité « des camps de la mort », se servant ensuite de l’Holocauste comme une arme politique et d’intimidation.

L’une des autres facettes du mécontentement de Netanyahou, c’est le refus des Polonais d’ouvrir un débat sur la « responsabilité de la Pologne dans l’Holocauste ». Bien que cela soit peu connu, la population polonaise, pour une partie alors clairement antisémite, collabora effectivement avec l’Allemagne nazie dans ses projets de la Solution Finale. La résistance polonaise elle-même fut montrée du doigt dans ses tergiversations à tendre la main à la résistance juive, ou à tenter de lui venir en aide. C’est en ce sens qu’Israël cherche à obtenir « un pardon » de la Pologne qui a pourtant été l’une des plus grandes victimes de l’Allemagne nazie (plus de 6 millions de morts, dont une moitié de Polonais non juifs). Aucun pays occupé ne fut d’ailleurs exempt d’une frange collaboratrice avec Hitler.

L’arme politique de l’Holocauste pour Israël a été le moyen de secouer les pays européens à plusieurs reprises, tout en obtenant des indemnisations. Parmi les dernières excuses, citons celles des Pays-Bas (26 janvier 2020), qui ont demandé pardon pour avoir été « un spectateur coupable de la déportation de 102 000 Juifs néerlandais ». D’autres pays avaient présenté des excuses publiques similaires, ou reconnus leurs responsabilités dans la Shoah, comme l’Allemagne (accords de réparations, 1952, revus à la hausse en 2019, revus encore à la hausse en 2023), la Lettonie (1993), la France (Chirac, 1995), la Lituanie (1995), la Roumanie (2004), la Croatie (2011), la Belgique (2012), le Luxembourg (2015), ou encore l’Autriche (2018). Notons aussi le cas d’institutions comme la SNCF (France, 60 millions de dollars, 2015-2025), la Tchéquie (ordre des médecins faisant des excuses, 2010), ou les banques en Suisse (1998, versement de 7,7 milliards de dollars pour des organisations juives). Cependant plusieurs pays résistent encore en Europe, dont la Pologne. Dès 2019, Israël avait d’ailleurs accusé officiellement la Pologne d’être un pays antisémite pendant l’Holocauste, ce qui avait provoqué une grave crise diplomatique. Ayant demandé des excuses publiques, Israël fit la sourde oreille. Plus tard, en 2021, deux historiens polonais, Barbara Engelking et Jan Grabowki avaient été condamnés par la justice suite à leur discours sur une collaboration partielle des Polonais à la Shoah. Même si à titre personnel Lech Walesa avait reconnu que des Polonais avaient commis des crimes pendant l’Holocauste (1989), Israël cherche toujours a faire plier la Pologne (manque également la Hongrie, l’Estonie, la Bosnie-Herzégovine, l’Italie, et bien sûr l’Ukraine quant à elle « exemptée » pour l’instant).

Il n’y aura donc pas de Premier ministre Israélien en Pologne pour les prochaines commémorations d’Auschwitz, dont les victimes, quelle qu’elles soient sont plus que jamais les jouets et hochets politiques, à géométrie souvent variable… Les victimes sont loin de pouvoir dormir tranquillement de leur dernier sommeil.

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Latest from Actualités

Don't Miss