USA et Russie : l’Arctique au centre d’un affrontement géopolitique

Tout le monde se souvient des déclarations étonnantes du Président Trump, peu de temps après son investiture à la Maison Blanche, et parlant devant un monde totalement sidéré, des possibilités du rattachement du Canada aux États-Unis, de la question de Panama, ou encore du Groenland. Ces déclarations n’ont pas été faites dans le vent, et sans doute, dans le contexte de discussions sur une possibilité pour les USA et la Russie de s’entendre sur la question de la guerre en Ukraine, ces paroles avaient un but avéré. Il y a de grandes chances en effet, que dans une sorte de Yalta 2.0, le Président Trump entende obtenir en échange de «son aide », des avantages et une décision claire de zones d’influences à se partager.

L’Arctique, un territoire qui pourrait être une pomme de discorde. Que l’on y croit ou non, dans un contexte de l’évolution du climat, et quelles qu’en soient les raisons, humaines, ou simplement un cycle normal climatique, les experts de différents pays ont annoncé qu’environ 1 million de km² de glace disparaîtra d’ici à 2050 en Arctique. De fait, ce continent inexploité et autrefois d’ailleurs difficile d’accès, pourrait devenir un enjeu majeur, et une source nouvelle de futurs conflits. Pour le seul cas de l’Arctique, que l’on parle des mers et du territoire terrestre, environ 30 % des réserves mondiales de pétrole, de gaz, de minerais, de métaux rares, notamment or et platine se trouveraient en Arctique. Ce n’est pas la première fois que Trump s’exprimait sur le sujet, car il en avait déjà parlé publiquement en 2019. Il affirmait alors qu’il avait un « grand plan » qui n’avait pas été du goût à l’époque des autorités du Groenland et du Danemark.

Une question de sécurité nationale pour les USA. C’est ce que déclarait le conseiller à la sécurité nationale US, Mike Waltz, par ailleurs militaire de formation. Il déclarait dernièrement : « il s’agit de ressources naturelles. Alors que les glaces se retirent, les Chinois lancent des brise-glaces et s’y aventurent déjà. C’est du pétrole et du gaz. C’est notre sécurité nationale, ce sont des minerais essentiels ». La citation de la Chine n’est ici pas anodine, car pour les USA, la Chine a eut longtemps le statut « de principale menace ». C’est aussi la raison pour laquelle les USA, sautant sur l’occasion en 2022, et après le déclenchement de la SVO, ont fait pression sur les membres du Conseil de l’Arctique. Ces membres qui sont les USA, le Canada, la Norvège, le Danemark, la Suède, la Finlande et l’Islande avaient alors annoncé la suspension intéressée de la Russie du conseil. L’événement intervenait alors que la Russie aurait dû assurer la Présidence du conseil (2021-2023), et les réunions se poursuivent depuis sans elle.

Une situation inadmissible pour la Russie. Avec une façade arctique énorme, la Russie ne peut tout simplement pas être exclue des décisions du conseil, sauf à créer une situation conflictuelle certaine. La fameuse route du Nord représente aussi pour la Russie une possibilité de route maritime facilitée par la fonte des glaces, sans parler du fait qu’elle dispose de nombreuses îles des archipels, avec des bases scientifiques et militaires. Personne ne peut ignorer que la principale flotte de brise-glaces est justement russe, et que cette façade maritime est aussi une question de sécurité pour le pays, nous parlons ici de milliers de kilomètres de cotes maritimes. Dans le même temps, les Occidentaux dont les USA, ne possèdent qu’une flotte vieillissante de ces navires, tous fonctionnant au diesel, et dont aucun ne possède de réacteur nucléaire. Si la Russie exploite déjà des zones du Grand Nord sur son propre territoire, il est évident que les USA louchent dangereusement sur les ressources de l’Arctique, mais jouent aussi un jeu dangereux géopolitique.

Dans ses déclarations le Président Trump affirmait même « qu’il était grand temps au Canada de rejoindre les USA pour former le 51e État américain », visant clairement un pays possédant lui aussi une énorme façade Arctique. Les vues hégémoniques des USA sont donc loin d’être terminées, d’autant qu’il semblerait que les Américains chercheraient par exemple à acheter à la Norvège l’archipel des îles du Svalbard. Nous ne sommes qu’au début d’une longue histoire qui pourrait bien dégénérer et créer une nouvelle fracture, et qui déjà est un danger de déstabilisation dans le monde.

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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