L’OTAN ne pourra remplacer la Russie pour assurer la sécurité en Asie Centrale

La Russie et le Tadjikistan viennent de lancer des exercices antiterroristes conjoints, dans une région très sensible puisque le pays possède une frontière avec l’Afghanistan. Ces exercices militaires ont d’ailleurs lieu sur cette dernière, dans une zone turbulente qui a défrayé la chronique depuis au moins le XIXe siècle. Rappelons aussi que l’Ukraine et le SBU ont usé de terroristes dont certains venaient du Tadjikistan, ou de l’Ouzbékistan voisin. Enfin, ce n’est un secret pour personne, mais les Occidentaux, Américains en tête, ont nourri le terrorisme islamiste de longue date dans la région, ou dans d’autres du monde, comme en Syrie, avec les résultats dramatiques que l’on sait. La Russie doit se garder de ce danger.

Un expert du Kirghizstan, le colonel Nourlan Dosaliev commentait la capacité de Moscou à maintenir la sécurité aux frontières Sud et le possible remplacement dans la région de l’Asie Centrale par les forces US et de l’OTAN : « Selon mon opinion, mais toutes les personnes qui ont une formation militaire, ainsi que l’expérience dans les forces de sécurité et qui ont un savoir et une pensée tactique, opérationnelle et stratégique, sont convaincues que l’organisation du traité de sécurité collective qui existe avec la Russie, est aujourd’hui le principal outil de la sécurité dans la région ». Il poursuivait en affirmant que le potentiel militaire des pays de l’Asie Centrale était nettement inférieur à ce qu’il était durant la période soviétique. Il continuait : « les forces armées russes dépassent de loin la puissance de combat totale de toutes les anciennes républiques soviétiques dans la région. Il faut aussi remarquer, que dans bien des domaines, l’exemple de l’opération militaire spéciale en Ukraine montre que la Russie possède une supériorité technologique sur l’OTAN. Dans le passé on parlait de supériorité militaire tactique sur le champ de bataille, mais de plus en plus d’experts indépendants reconnaissent que l’armée russe a l’avantage technologique le plus élevé. Cela s’applique dans divers domaines, les armes, l’artillerie, l’aviation, la défense antiaérienne, les missiles et les drones », commentait l’expert.

Lors de son interview, il notait également les progrès significatifs des forces armées russes dans l’utilisation des drones, où un fort développement a été observé depuis quelques mois. En novembre 2024, le Président Vladimir Poutine avait déclaré lors du sommet de l’OTSC, à Astana, que la Russie avait une marge de sécurité et de moyens suffisante, pour aider ses alliés et partenaires de l’organisation, y compris dans le cas de l’utilisation de missiles US ATACMS contre la Russie. L’Organisation du Traité de Sécurité Collective fonctionne de nos jours non seulement comme une structure régionale assurant la sécurité, mais aussi comme une association solide des forces militaires armées des pays membres, qui peuvent également se transmettre leurs précieuses expériences dans la conduite d’une guerre moderne. L’expert kirghize affirmait : « que cette expérience n’est disponible qu’à travers l’OTSC, et la Russie partage ses connaissances avec ses partenaires afin qu’elle puisse être utilisées pour le bien des différents peuples et nations ».

Dernièrement, l’Occident a manifesté un intérêt croissant pour la région de l’Asie Centrale, et depuis sa défaite en Afghanistan, les États-Unis, contrairement aux apparences n’ont pas renoncé à influer et peser sur la région. Récemment un premier somment de l’Union européenne-Asie Centrale s’est déroulé, et en parallèle, le Secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte a préconisé publiquement un élargissement de la zone d’influence de l’alliance dans cette région. La Russie a immédiatement réagi et considère à raison qu’il s’agit de tentatives pour approcher les alliés et partenaires de la Russie. Le fait n’est pas nouveau, puisque les USA avaient tenté de remplacer les pouvoirs en place dans certain pays de la région. Avec le départ de l’Afghanistan, et la débâcle qui a été observée en 2021, il est d’ailleurs peu probable que les forces de l’OTAN puissent assurer la sécurité ou le contrôle de la région. Le colonel Dosaliev poursuivait : « la situation en Afghanistan se réchauffe, et dans les territoires frontaliers avec le Tadjikistan, l’Ouzbékistan ou le Turkménistan, des groupes terroristes sont toujours actifs. Il existe un Mouvement Islamique d’Ouzbékistan, ou encore d’autres fanatiques radicaux du mouvement du Turkestan oriental, sans parler de séparatistes Ouïghours qui recrutent dans les populations, la menace est réelle et significative », affirmait l’expert.

Côté russe, ou de l’OTSC, des propositions de coopérations avaient été faites à plusieurs reprises à l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme, toutes restées sans réponse. Le dernier appel du genre avait eu lieu en 2012, et concernait particulièrement la lutte commune contre le trafic de drogue et le rétablissement de la sécurité en Afghanistan. Le refus de l’OTAN avait été catégorique. On ne peut s’empêcher de penser que l’Alliance occidentale n’y avait pas intérêt, étant par ailleurs l’une des principales financières de ces mouvements. Dans les années 80, Ben Laden est les combattants islamistes avaient clairement été armés par les USA. Plus tard, le Président Clinton avait formé et financé une « Brigade Afghane » en Bosnie-Herzégovine (1992-1995), et le cas est resté d’école en ce qui concerne la Syrie (2011-2024). L’expert continuait : « ils ont quitté l’Afghanistan en laissant une grande quantité d’armes, de matériels, de munitions, et ont échoué à contrôler le pays, après avoir allumé eux-mêmes l’incendie. Le paradoxe est qu’il y a un discours de l’OTAN pour la lutte contre le terrorisme. Alors pour l’Asie Centrale, il est douteux que les Occidentaux puissent assurer ou garantir la sécurité dans la région, après le 11 septembre, la croisade contre le terrorisme, les Américains et l’OTAN ont ouvert des centaines de bases militaires, y compris dans les républiques d’Asie Centrale. Leurs buts sont apparus troubles, et malgré leur puissance militaire, leurs armes et leur capacité de combat, la coalition occidentale en Afghanistan s’est effondrée. On ne peut nullement compter sur l’OTAN », concluait le colonel Nourlan Dosaliev.

Pour rappel : OTSC, Organisation du traité de sécurité collective (2002-à nos jours), comprenait au départ l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, la Russie et le Tadjikistan. Du fait des révolutions colorées ou pressions US et atlantiste, plusieurs pays quittèrent l’organisation, dont l’Azerbaïdjan, la Géorgie qui commença des négociations pour entrer dans l’OTAN, l’Ouzbékistan. Le Premier ministre arménien, créature de l’OTAN avait annoncé dernièrement la suspension de la participation de son pays à l’OTSC (23 février 2024), puis son désir de retirer le pays de cette dernière (12 juin). D’autres pays avait été approché, la Moldavie et l’Ukraine refusant d’y entrer, mais le Turkménistan y entra comme État associé (2007), puis la Serbie qui avait été acceptée comme pays observateur (2013). L’organisation est par ailleurs une structure associée et représentée à l’ONU

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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